Les originalités de la campagne
PORT-AU-PRINCE, 30 Août – La campagne bat son plein. Chacun joue sa carte. Fanmi Lavalas a tout de suite abattu la sienne. La candidate du parti a circulé lundi à Pétionville, banlieue huppée de la capitale, et dans ses faubourgs un peu moins, en compagnie de son mentor, le populaire ex-président Jean Bertrand Aristide, au milieu de plusieurs milliers de partisans.
L'ancien président (lui-même deux fois renversé brutalement du pouvoir) a joué cartes sur table. Il a présenté sa protégée (peut-être un peu trop au goût de certains) comme la prochaine présidente d'Haïti.
Ce mercredi c'est au candidat de la Ligue haïtienne pour l'avancement et l'émancipation d'Haïti (LAPEH), Jude Célestin, d'ouvrir sa campagne dans la 'ville du Drapeau', l'Arcahaie.
Signe distinctif : l'union. En effet, le programme du candidat de LAPEH a été revu et renforcé pour inclure aussi ceux de trois importants alliés, les anciens candidats aux présidentielles manquées de 2015 : Steven Benoit (Conviction), Sauveur Pierre Etienne (OPL) et Eric Jean Baptiste, du parti Mouvement Action Socialiste (MAS).
D'où le nouveau slogan de la campagne de Jude Célestin : l'union fait la force.
Le candidat Moïse Jean Charles se veut être partout à la fois. Aussi Pitit Desalin (comme se nomme son parti) devrait avoir pour principal atout son tempérament de globe trotter.
Aucun des actuels candidats aux présidentielles n'a autant parcouru le monde ces derniers mois. Tantôt en Amérique du Sud, tantôt au nord. Il a été reçu dans des assemblées parlementaires et est considéré comme un ardent défenseur de la cause haïtienne.
Au Canada et aux Etats-Unis, il a cultivé inlassablement la diaspora, espérant que celle-ci convaincra les électeurs en Haïti à voter en sa faveur.
Jovenel Moïse, après avoir joué le candidat du pouvoir sous l'ancien régime, accompagnant Michel Martelly jusque dans les réceptions de certaines grandes ambassades, bénéficiant de la plus grande couverture officielle (jusqu'à Washington D.C., que disons-nous, jusqu'au Vatican), aujourd'hui se retrouve dans la toute petite ville de Pestel (département de la Grande Anse) défilant aux côtés d'un candidat au Sénat suspect de terrorisme, Guy Philippe, après l'attaque armée contre le commissariat de police des Cayes (chef-lieu du département du Sud) qui a provoqué la mort d'un agent.
MEYER, 18 Septembre – Deux candidats s'écroulent l'un après l'autre, vaincus par la chaleur.
Hillary Clinton, lors des cérémonies commémoratives des attentats du 11 septembre, au mémorial Ground Zero, à New York.
Jean Bertrand Aristide, le vendredi 16 septembre, au Cap-Haïtien, lors d'un 'meeting' en faveur de la candidate du parti Fanmi Lavalas, Maryse Narcisse, aux présidentielles du 9 octobre prochain.
Deux candidats ou presque puisque Aristide n'est pas candidat mais fait plus pour la candidate de son parti que celle-ci pour elle-même.
La preuve, c'est lui qui s'écroule, vaincu par la fatigue. Comme Hillary Clinton, l'ex-président a attrapé ce qu'on appelle un 'coup de chaud'.
Voilà donc que s'invite dans la campagne ici comme ailleurs un personnage totalement inattendu : le réchauffement climatique !
Donald Trump l'a vite compris qui note dans son bulletin de santé que si tout va bien (taux de cholestérol, PSA ou instrument de contrôle de la prostate, sucre etc), par contre il lui reste à perdre un peu de poids.
Si le médecin personnel de Mme Clinton s'est empressé de communiquer un bulletin de santé tout de suite après l'accident (mais les candidats préféreraient dire plutôt incident !) du dimanche 11 septembre pour dire que l'ex-Secrétaire d'Etat reste okay pour le job - celui de chef de la Maison Blanche, par contre rien de ce genre du côté de l'ex-président Aristide.
Un passage à vide peu ordinaire ...
Celui-ci s'est contenté de reprendre dès le lendemain, samedi 17 septembre, le 'campaign trail' - le parcours qu'il entreprend avec sa candidate à travers 5 départements géographiques du pays en l'espace d'un week-end. Les conseillers de l'ex-président expliquent qu'il souffre d'hypoglycémie (baisse du taux de sucre dans le sang) et que la chaleur est telle, ainsi que la foule qui vient à sa rencontre à chaque étape, qu'il a consommé plus d'énergie que d'habitude. Comme tous les 'hypo' après un effort supplémentaire, à la sortie du gym par exemple, Mr Aristide a connu ce qu'on appelle aussi un 'passage à vide'. Ce qui s'efface rapidement en glissant une sucrerie dans la bouche de cette personne. Mais que l'ex-président ait dû être transporté à l'hôpital, c'est un passage à vide peu ordinaire. Aussi un bulletin médical devrait s'imposer.
Les candidats fourbissent leurs dernières armes
MEYER, 25 Septembre – A environ 15 jours des élections, les candidats tentent de se définir une image avec encore plus de précision.
Ce qui nous vaut un chassé-croisé qui ne manque pas de curiosité.
Ainsi le candidat de l'ex-parti au pouvoir (Parti Ayisyen Tèt Kale - PHTK) de Michel Martelly, précédemment le candidat de la communauté internationale et d'une certaine bourgeoisie d'affaires, Jovenel Moïse, a opéré un revirement ('turnabout') de 180 degrés pour se présenter aujourd'hui comme le candidat de la petite paysannerie qui n'a jamais eu voix au chapitre face à la 'République de Port-au-Prince'.
C'est à ce titre que le candidat du PHTK, qui joue solo et sans le support du moins visible d'aucun des barons de l'ex-parti au pouvoir, fait le tour du pays, revendiquant bien sûr son slogan de 'Nèg bannan n lan', mais avec une nuance. Aux présidentielles (qui seront annulées pour 'fraudes') de 2015, il s'agissait de sa réussite d'industriel dans la production bananière – d'exportation, mais entretemps son usine Agrotrans aurait fait faillite, le même slogan a donc été revu et corrigé par les stratèges PHTK pour devenir un cri de revendication au nom du petit paysan.
Candidat de la gauche ! ...
Ce qui coupe un peu l'herbe sous le pied à un candidat comme celui de Pitit Dessalines, Moïse Jean Charles, formation qui comme son nom l'indique, se veut le porte-parole de ceux dont notre Libérateur, Jean Jacques Dessalines, disait : 'Et mes pauvres frères nés en Afrique, il n'y aura donc rien pour eux.'
L'Empereur parlait déjà des accapareurs de la fortune nationale.
COMMENT TOUT CELA EST ARRIVE !
JACMEL, 1er Octobre – C'était il y a 30 ans, 7 février 1986, Duvalier s'enfuit. Le pouvoir est confié officiellement à l'Armée. Et l'Eglise.
Mais en réalité à personne.
Les généraux tentèrent d'empêcher le retour des exilés. Pas moins d'un million. Dont certains avaient laissé le pays bien avant les élections (bien entendu frauduleuses) qui avaient conduit (le 22 septembre 1957) le père de la dynastie, François « Papa Doc » Duvalier, au pouvoir.
En 1971, à la mort de Duvalier père, l'administration américaine avait elle-même bloqué le retour des exilés.
En 1986, elle ne fit rien.
En moins d'un mois, après 29 ans d'anomie politique totale, toutes les dénominations idéologiques possibles et imaginables obtinrent soudainement pignon sur rue à Port-au-Prince, la capitale haïtienne.
Aussi bien celles de droite que de gauche. Cependant après trente ans d'une dictature parmi les plus réac de la planète, et dans une population où 70% n'ont pas plus de 30 ans, la gauche ne manqua pas d'exercer une attraction fort compréhensible.
Lire la suite : 9 Octobre : une dernière chance pour éviter le pire
JACMEL, 21 Octobre – Le véritable motif derrière la grogne haïtienne vis à vis de l'aide humanitaire de la République dominicaine voisine pour les victimes de l'ouragan Matthew qui a détruit corps (près de 500 morts) et biens (4 départements géographiques du pays : Sud, Grande Anse, Nippes, Nord Ouest), la crainte c'est que comme ses prédécesseurs l'actuel gouvernement haïtien en profite pour absoudre nos voisins de tous les torts commis envers nous.
Depuis la pendaison publique d'un immigrant haïtien dans un parc de Santiago jusqu'à l'arrêt de la Cour constitutionnelle dominicaine enlevant la nationalité à tous les descendants d'Haïtiens remontant à 1929, quel geste peut être plus inamical !
Or il y a une histoire. Et une selon laquelle les dirigeants haïtiens ont toujours permis à leurs homologues dominicains de s'en tirer à bon compte. Et sans avoir à revenir sur leurs provocations.
Accent sur business ...
Après l'entrée en application de l'arrêt de la Cour constitutionnelle dominicaine (168-13), l'administration Martelly-Lamothe s'empressa de pousser au dehors la Caricom (communauté caraïbe) ainsi que la Commission inter-américaine des droits humains (CIDH) qui avaient prononcé une condamnation sans détour, pour faire business as usual avec Santo Domingo. Avec accent sur business.