JACMEL, 7 Février – Michel Martelly dont le mandat de 5 ans à la présidence d'Haïti prend fin ce dimanche 7 Février 2016, et qui est vilipendé par la classe politique et une bonne partie de l'opinion publique du pays, n'est finalement qu'un produit des déformations ou malformations du milieu politico-social haïtien.
Discrimination. Rappelons-nous d'abord la soirée donnée à l'occasion de la prestation de serment du nouveau chef de l'Etat où on l'a découvert entouré uniquement des gens de la haute ...
Et la connotation de victoire des 'Ti Rouge' qui s'ensuivit.
'Open for business ' ...
Puis le parti-pris du nouveau pouvoir de consacrer la majorité des projets d'embellissement à la déjà riche banlieue de la capitale, Pétionville, tandis que le centre-ville de Port-au-Prince est non seulement point reconstruit malgré les milliards de l'assistance internationale après le séisme de janvier 2010, mais à l'insu de tous distribué en promesses de concession à des investisseurs étrangers anonymes.
'Port-au-Prince is open for business.' On apprend alors que le principal objectif confié au nouveau pouvoir par la communauté internationale qui l'a porté sous les fonts baptismaux en 2011, c'est d'ouvrir le pays aux investissements étrangers.
Et les malheurs de Port-au-Prince et de ses près de 3 millions d'habitants ont été une occasion inespérée.
Vénalité et cynisme vont bien ensemble.
Cependant on entend peu aujourd'hui qui reprochent à Martelly son bilan à ce niveau.
Comme quoi la politique en Haïti c'est du maquignonnage : les plus belles bêtes défilent devant le riche acheteur qui fait son choix. Vous avez deviné qui est l'acheteur ! Le maître des écuries.
PORT-AU-PRINCE, 14 Février – C'est le sénateur Jocelerme Privert qui est élu Président provisoire. D'après l'Accord du 6 Février 2016, son mandat est officiellement de 120 jours ou 4 mois.
Il doit immédiatement procéder au choix d'un Premier ministre sur recommandations aussi bien de partis et groupements politiques représentés au Parlement que non représentés, ainsi que d'entités du secteur dit populaire.
L'élu du département des Nippes est plus connu comme un technicien des finances publiques que comme un politicien de carrière. Aujourd'hui on peut dire qu'il combine les deux.
Pendant les 5 années écoulées de mandat du Président Michel Martelly, le sénateur Privert n'a pas figuré parmi les adversaires les plus résolus du pouvoir. Vocalement. Par contre ses analyses des projets de budget ont bloqué le vote de ce dernier pour cause de gonflement inconsidéré des ministères 'politiques' au détriment de ceux destinés à la production nationale (agriculture) et au développement humain (santé, éducation), essayant de limiter autant que faire se peut les extravagances du Palais national.
Donner une chance à la compétence ...
Le fiscaliste Jocelerme Privert connaît donc mieux que quiconque les causes de la débâcle économique dans laquelle nous laisse le pouvoir 'Tèt Kale', nom du parti Martellyste : fermeture des petites et moyennes entreprises produisant pour le marché local et autres entités commerciales (restaurants, artisans, salons de coiffure, y compris les médias etc) à cause de la chute du pouvoir d'achat et de l'impossibilité de commander les matières premières due à la décote sans précédent de la monnaie nationale qui est passée sous le pouvoir sortant de 40 gourdes à plus de 60 gourdes pour 1 dollar américain.
PORT-AU-PRINCE, 19 Février – Jude et Jovnel, Jovnel et Jude, cela commence à la limite à devenir du pareil au même.
L'un, Jovnel Moïse, est le candidat que l'ex-président Michel Martelly a tout essayé pour installer comme son successeur afin d'assurer sa permanence au pouvoir et si possible son retour à la tête du pays au bout des 5 prochaines années.
L'autre, Jude Célestin, est celui qui devait, selon les résultats proclamés par le conseil électoral provisoire, présidé par Pierre-Louis Opont, affronter en seconde place le candidat de Martelly.
Cependant devant la condamnation presque unanime de ces résultats comme entachés de fraudes et d'irrégularités, et surtout les manifestations de protestations quotidiennes auxquelles cela a donné lieu, et plus encore la menace d'une possible guerre civile à l'horizon, le second tour a finalement été renvoyé sine die.
Entre-temps un Président provisoire de la république a été 'élu' par l'Assemblée nationale (Parlement) en la personne du sénateur Jocelerme Privert (département des Nippes, Sud-ouest) et installé.
Actuellement ce dernier s'active à la nomination d'un Premier ministre de consensus, issu de la classe politique, ainsi qu'à la formation d'un nouveau conseil électoral provisoire (CEP) pour reprendre le processus électoral.
Tout ceci dans le cadre d'un accord paraphé par le président Martelly avant son départ du pouvoir (7 Février 2016) et les deux présidents du Parlement (Sénat et chambre des Députés).
Le même accord (dit du 5 Février) mentionne la reprise du second tour des présidentielles, éventuellement avec les mêmes candidats : Jovnel Moïse et Jude Célestin.
Or cela, disons-le tout de suite, ne répond à aucune logique.
Retourner à la case départ ...
C'est la contestation des résultats du premier tour de la présidentielle qui a été à l'origine de la crise. Et maintenant on aurait été aussi loin dans les efforts pour résorber cette dernière, mais uniquement pour retourner à la case départ : Jovnel Moïse versus Jude Célestin. Et dans le même ordre qu'avant.
MEYER, 27 Février – Le Parlement qui devra ratifier la nomination du Premier ministre de consensus investi vendredi (26 février 2016) au palais national par le Président provisoire Jocelerme Privert est de toute évidence divisé en deux camps principaux : l'un aux côtés de l'élu des Nippes et ex-président du Sénat, Jocelerme Privert, en faveur de la ratification du Premier ministre choisi, l'économiste et ex-Gouverneur de la banque centrale d'Haïti (BRH), Mr Fritz Alphonse Jean ; et l'autre camp qui n'est pas tellement contre le processus engagé par le chef de l'Etat provisoire, qu'il faut contraindre ce dernier à respecter littéralement l'accord sous l'égide duquel il a été porté à la première magistrature de l'Etat, dit Accord du 5 Février 2016.
MEYER, 5 Mars – Il reste un mois et demi avant le 24 Avril, date fixée pour la conclusion du processus électoral dans l'Accord signé par Michel Joseph Martelly avant de partir du palais national le 7 Février dernier.
Le deuxième tour de la présidentielle devrait, en vertu de cet Accord, avoir lieu le 24 Avril, pour permettre l'investiture du nouveau président élu le 14 Mai 2016.
C'est le seul point qui lie le processus actuel à l'ex-chef de l'Etat. Passé ce délai, Martelly tombe dans le vide ; ses adversaires diraient : dans les poubelles de l'histoire.
Or le calendrier devant conduire au 24 Avril n'est toujours pas entamé.
L'Accord stipule : la désignation (par élection devant l'Assemblée nationale) d'un Président provisoire de la république ; la nomination d'un Premier ministre de consensus ; la refonte du conseil électoral provisoire (CEP).
De plus, l'application des recommandations de la commission d'évaluation qui avait été mise en place par le pouvoir Martelly.
Or seulement l'élection du Président provisoire qui est une réalité, en la personne de l'ex-président du Sénat, Jocelerme Privert.
Mais pour le reste tout est bloqué.
Or ironiquement ce sont les pro-Martelly du Parlement qui constituent la principale force de blocage du processus.
En effet, c'est la minorité sénatoriale, dirigée par le sénateur de l'Artibonite Youri Latortue, qui a invalidé la semaine dernière le quorum pour l'élection d'un nouveau président du Sénat, en remplacement de Mr Privert.
Le temps passe, le temps presse ...
Tandis qu'à la chambre des Députés, dominée par les pro-Martelly, on s'est moqué des pièces déposées par le Premier ministre nommé, Fritz-Alphonse Jean, sous prétexte que ce sont des copies qui ont été reçues et non des originaux.