JACMEL, 24 Janvier – L'opposition a pu provoquer le renvoi des élections du 24 janvier 2016 en isolant le candidat du pouvoir, comme un rat pris au piège, tout en parvenant à convaincre la communauté internationale du bien fondé de sa position : des élections à un seul candidat c'est un déni de démocratie.
C'est une importante victoire. Et qui montre surtout que, malgré nos faiblesses structurelles, il nous reste suffisamment de caractère pour dire NON quand la cause est évidente. Et qu'on arrive à en convaincre, pour commencer, la communauté nationale. Quand c'est vécu par tous sans exception, au-delà de toutes autres divergences, comme une cause nationale.
Mais par-dessus tout quand on arrive à parler d'une seule et même voix.
Mine de rien, le 24 janvier 2016 devrait être inscrit comme une date importante dans l'Histoire de nos 30 dernières années (1986-2016).
Que va-t-il se passer maintenant ?
La partie n'est pas encore jouée. Loin de là. Du moins concernant l'opposition. En effet c'est elle qui devrait être considérée comme le héros du 24 janvier, mais c'est aussi elle qui peut tout faire échouer.
Sa principale formation actuelle, du moins la plus représentative, le Groupe des 8 (candidats formant le peloton de tête dans les résultats proclamés après le premier tour de la présidentielle qui a eu lieu le 25 octobre 2015, moins la candidate de Fanmi Lavalas, Dr. Maryse Narcisse, qui fait bande à part), le G-8 a publié un communiqué tout de suite après l'annonce vendredi (22 janvier) par le président du Conseil électoral provisoire (CEP), Pierre-Louis Opont, renonçant à la date (contestée) du 24 janvier pour le second tour :
« Le G-8 invite le peuple haïtien à ne pas se complaire dans le triomphalisme et à rester vigilant et mobilisé jusqu'à la satisfaction de ses principales revendications dont : 1) la démission de ce qui reste du CEP et les poursuites judiciaires à engager contre les corrompus ; 2) le départ du président Michel Martelly et la mise en place d'un gouvernement provisoire de consensus ayant principalement pour attributions : mettre en place une commission d'enquête indépendante (...) pour approfondir l'évaluation réalisée par la Commission d'Evaluation Electorale Indépendante (CEEI) et épurer le processus de vote (...) ; identifier et recommander l'exclusion du processus des bénéficiaires avérés des cas de fraudes ; réévaluer les décisions des BCED et du BCEN ; recommander au gouvernement provisoire de consensus toutes mesures jugées utiles et susceptibles de rétablir la confiance.
JACMEL, 7 Février – Michel Martelly dont le mandat de 5 ans à la présidence d'Haïti prend fin ce dimanche 7 Février 2016, et qui est vilipendé par la classe politique et une bonne partie de l'opinion publique du pays, n'est finalement qu'un produit des déformations ou malformations du milieu politico-social haïtien.
Discrimination. Rappelons-nous d'abord la soirée donnée à l'occasion de la prestation de serment du nouveau chef de l'Etat où on l'a découvert entouré uniquement des gens de la haute ...
Et la connotation de victoire des 'Ti Rouge' qui s'ensuivit.
'Open for business ' ...
Puis le parti-pris du nouveau pouvoir de consacrer la majorité des projets d'embellissement à la déjà riche banlieue de la capitale, Pétionville, tandis que le centre-ville de Port-au-Prince est non seulement point reconstruit malgré les milliards de l'assistance internationale après le séisme de janvier 2010, mais à l'insu de tous distribué en promesses de concession à des investisseurs étrangers anonymes.
'Port-au-Prince is open for business.' On apprend alors que le principal objectif confié au nouveau pouvoir par la communauté internationale qui l'a porté sous les fonts baptismaux en 2011, c'est d'ouvrir le pays aux investissements étrangers.
Et les malheurs de Port-au-Prince et de ses près de 3 millions d'habitants ont été une occasion inespérée.
Vénalité et cynisme vont bien ensemble.
Cependant on entend peu aujourd'hui qui reprochent à Martelly son bilan à ce niveau.
Comme quoi la politique en Haïti c'est du maquignonnage : les plus belles bêtes défilent devant le riche acheteur qui fait son choix. Vous avez deviné qui est l'acheteur ! Le maître des écuries.
PORT-AU-PRINCE, 14 Février – C'est le sénateur Jocelerme Privert qui est élu Président provisoire. D'après l'Accord du 6 Février 2016, son mandat est officiellement de 120 jours ou 4 mois.
Il doit immédiatement procéder au choix d'un Premier ministre sur recommandations aussi bien de partis et groupements politiques représentés au Parlement que non représentés, ainsi que d'entités du secteur dit populaire.
L'élu du département des Nippes est plus connu comme un technicien des finances publiques que comme un politicien de carrière. Aujourd'hui on peut dire qu'il combine les deux.
Pendant les 5 années écoulées de mandat du Président Michel Martelly, le sénateur Privert n'a pas figuré parmi les adversaires les plus résolus du pouvoir. Vocalement. Par contre ses analyses des projets de budget ont bloqué le vote de ce dernier pour cause de gonflement inconsidéré des ministères 'politiques' au détriment de ceux destinés à la production nationale (agriculture) et au développement humain (santé, éducation), essayant de limiter autant que faire se peut les extravagances du Palais national.
Donner une chance à la compétence ...
Le fiscaliste Jocelerme Privert connaît donc mieux que quiconque les causes de la débâcle économique dans laquelle nous laisse le pouvoir 'Tèt Kale', nom du parti Martellyste : fermeture des petites et moyennes entreprises produisant pour le marché local et autres entités commerciales (restaurants, artisans, salons de coiffure, y compris les médias etc) à cause de la chute du pouvoir d'achat et de l'impossibilité de commander les matières premières due à la décote sans précédent de la monnaie nationale qui est passée sous le pouvoir sortant de 40 gourdes à plus de 60 gourdes pour 1 dollar américain.
PORT-AU-PRINCE, 19 Février – Jude et Jovnel, Jovnel et Jude, cela commence à la limite à devenir du pareil au même.
L'un, Jovnel Moïse, est le candidat que l'ex-président Michel Martelly a tout essayé pour installer comme son successeur afin d'assurer sa permanence au pouvoir et si possible son retour à la tête du pays au bout des 5 prochaines années.
L'autre, Jude Célestin, est celui qui devait, selon les résultats proclamés par le conseil électoral provisoire, présidé par Pierre-Louis Opont, affronter en seconde place le candidat de Martelly.
Cependant devant la condamnation presque unanime de ces résultats comme entachés de fraudes et d'irrégularités, et surtout les manifestations de protestations quotidiennes auxquelles cela a donné lieu, et plus encore la menace d'une possible guerre civile à l'horizon, le second tour a finalement été renvoyé sine die.
Entre-temps un Président provisoire de la république a été 'élu' par l'Assemblée nationale (Parlement) en la personne du sénateur Jocelerme Privert (département des Nippes, Sud-ouest) et installé.
Actuellement ce dernier s'active à la nomination d'un Premier ministre de consensus, issu de la classe politique, ainsi qu'à la formation d'un nouveau conseil électoral provisoire (CEP) pour reprendre le processus électoral.
Tout ceci dans le cadre d'un accord paraphé par le président Martelly avant son départ du pouvoir (7 Février 2016) et les deux présidents du Parlement (Sénat et chambre des Députés).
Le même accord (dit du 5 Février) mentionne la reprise du second tour des présidentielles, éventuellement avec les mêmes candidats : Jovnel Moïse et Jude Célestin.
Or cela, disons-le tout de suite, ne répond à aucune logique.
Retourner à la case départ ...
C'est la contestation des résultats du premier tour de la présidentielle qui a été à l'origine de la crise. Et maintenant on aurait été aussi loin dans les efforts pour résorber cette dernière, mais uniquement pour retourner à la case départ : Jovnel Moïse versus Jude Célestin. Et dans le même ordre qu'avant.
MEYER, 27 Février – Le Parlement qui devra ratifier la nomination du Premier ministre de consensus investi vendredi (26 février 2016) au palais national par le Président provisoire Jocelerme Privert est de toute évidence divisé en deux camps principaux : l'un aux côtés de l'élu des Nippes et ex-président du Sénat, Jocelerme Privert, en faveur de la ratification du Premier ministre choisi, l'économiste et ex-Gouverneur de la banque centrale d'Haïti (BRH), Mr Fritz Alphonse Jean ; et l'autre camp qui n'est pas tellement contre le processus engagé par le chef de l'Etat provisoire, qu'il faut contraindre ce dernier à respecter littéralement l'accord sous l'égide duquel il a été porté à la première magistrature de l'Etat, dit Accord du 5 Février 2016.