MIAMI, 1er Mai – Une capitale, voire tout un pays, sans électricité, sans eau, sans internet mais aussi où écoles et même hôpitaux sont incendiés par des gangs véritables chiens enragés et affamés …
Comment peut-on vivre une telle situation et même si le pays arrivait à en sortir, mais dans quel état ?
Comme dit le créole ‘apre dans tanbou lou’, traduisez on n’a encore rien vu. Jusqu’à présent on essaie de mettre fin à la crise politique, de plus avec les difficultés que l’on voit et qui menacent de rebondir à chaque instant, à chaque pas si difficilement accompli, mais c’est après cette première étape si on arrivait vraiment à l’accomplir, que le pays réalisera réellement la profondeur de la crise qu’il traverse.
Comment rebâtir sur du néant ? Sans eau, sans électricité, sans carburant, sans voies de communication, avec tous ces fournisseurs (téléphone, internet, même télévision) qui mettent la clé sous la porte, mais aussi et surtout sans hôpitaux et juste au moment où les épidémies partout éclatent ; sans écoles et autres bref après la destruction de toutes les infrastructures du pays ?
Or c’est cette tâche sans équivalent qui nous attend ... si encore on parvenait à faire le premier pas pour sortir de cette crise, à mettre seulement la tête hors de l’eau.
Or à quoi assiste-t-on tout de suite ?
A peine est-on en train d’applaudir, nationalement et internationalement, à l’entrée en scène d’une nouvelle formule : le Conseil présidentiel de transition (CPT), une sorte de mise en commun faut-il croire des bonnes volontés ou un dernier sursaut de patriotisme que ça pète à nouveau dès le premier jour.
Alors qu’on annonçait ce mardi 30 avril l’élection parmi les 7 membres dudit Conseil présidentiel de l’un d’entre eux pour jouer disons protocolairement le rôle de président, et que cela semble apparemment s’être bien passé, c’est-à-dire de manière démocratique (c’est l’ex-président du sénat et ex-ministre Edgar Leblanc Fils qui a été élu à ce poste par ses pairs du CPT) mais voici que - pendant que la communauté internationale, de Washington au Vatican, est en train d’applaudir à ce premier pas accompli, voici que la querelle éclate à nouveau entre les principaux protagonistes … cela autour de la nomination d’un premier ministre le même jour.
Or ce qui n’était pas à l’ordre du jour !!!
Bien sûr une telle précipitation ne peut qu’être suspecte et on sent le coup fourré à plein nez, ou en créole la ‘magouille.’
Faut-il donc désespérer de la classe politique haïtienne ?
Naturellement aussi les protestations et la polémique reprennent, menaçant de tout foutre en l’air dans cette même avancée qu’on avait cru atteindre avec la création du Conseil présidentiel - et en même temps que celui-ci est salué partout.
Halte aux déportations vers Haïti !
MIAMI, 24 Avril – Tous se sont précipités le mardi 23 avril au local à Miami de FANM (Family Action Network Movement). Comme dans les années 1980-1990. Pas une place pour se garer, beaucoup venant de loin, tant du nord que du sud de la Floride. La conférence débutera à l’heure précise. L’atmosphère est fébrile. Aussi bien dans la salle que chez les conférenciers, près d’une vingtaine d’intervenants. Officiels haïtiens-américains ainsi que d’autres communautés, tous partageant une même impatience, une même colère : comment l’actuelle administration américaine qui est tout aussi plongée que nous dans l’actuelle crise politique et sécuritaire et économique bref multiple qui fait rage en Haïti, en effet n’a-t-on pas évacué tout le personnel diplomatique des Etats-Unis ainsi que des autres pays - bref comment le président Joe Biden peut-il prendre la décision de renvoyer les quelques-uns qui ont trouvé le moyen de parvenir jusqu’aux frontières américaines, comment qualifier une telle décision ?
Tour à tour on partage la colère ainsi que les recommandations formulées par une vingtaine d’intervenants, en tête la fondatrice de FANM et aujourd’hui Commissionnaire de North Miami, Marleine Bastien, ainsi que d’autres élus haïtiens-américains dont le Maire de North Lauderdale, Samson Borgelin ; le Commissionnaire de North Miami Beach Michael Joseph etc.
MIAMI, 4 Avril – Un éditorial sur Haïti par Fox News, la chaine de télévision conservatrice américaine, en date du 2 Avril 2024.
On pourrait passer dessus parce que tellement stupide et mensonger mais c’est s’il ne s’agissait pas d’un important relais et faiseur d’opinion … et que surtout nous sommes en effet nous-mêmes totalement au fond du gouffre.
Même si ceci pour des raisons totalement opposées à celles soulevées dans l’éditorial ‘Fox News Flash top headlines 2 Avril 2024.’
Cela commence ainsi : ‘L’Etat en faillite nommé Haïti est en train de capoter une fois encore dans l’anarchie et la guerre civile. Certains en Haïti et ici aux Etats-Unis ont suggéré une intervention américaine pour sauver des vies et restaurer l’ordre. Mais une intervention militaire en Haïti serait de la pure folie. En dehors de la nécessité d’évacuer des citoyens américains, dans aucune circonstance des troupes américaines ne devraient être déployées en Haïti.’
Plus loin : ‘Des gangs armés ont pris le contrôle de la capitale, Port-au-Prince, ont forcé le premier ministre du pays à gagner l’exil et sont en train de faire régner la famine. Ils ont fermé les aéroports, mis hors service le port principal, incendié les postes de police et relâché dans les rues des milliers de criminels endurcis.’
Mais ici attention, ce n’est pas tant d’Haïti qu’il s’agit que d’une attaque contre l’administration Biden puisque Fox News comme on sait est un média ultra conservateur et qui avait appuyé l’arrivée au pouvoir de Donald Trump en 2017.
Nous lisons : ‘Situation qui, au début de ce mois, a forcé l’administration Biden à évacuer notre personnel diplomatique en Haïti. C’est la onzième ambassade américaine forcée à l’évacuation depuis que Joe Biden est arrivé au pouvoir.’
Plus loin, ‘qui pis est, l’année dernière elle (l’administration Biden) a annoncé son support financier pour une opération mort née d’intervention par des troupes Kényanes dans le pays.’
Plus loin encore, ‘Biden retourne en Haïti le chef d’une opération putschiste de 2004 nommé Guy Philippe emprisonné pour trafic de drogue. Alors qu’il y a 10 millions d’illégaux aux Etats-Unis qui méritent d’être déportés voici que Biden décide plutôt de déporter un chef putschiste dans un pays plongé dans une telle instabilité.’
MIAMI, 21 Mars – Désormais il y a les gangs qui tuent d’un côté et de l’autre les gangs qui manifestent pour la prise du pouvoir.
Il y a toujours des gangs qui pillent, incendient et massacrent - et d’un autre côté les gangs qui prêchent la réconciliation. Le ‘Vivre ensemble.’
Qui faut-il croire ?
Ne sont-ce pas les mêmes ?
Un visage de Janus !
‘Yon kout dlo cho, yon kout dlo frèt.’
Le vide du pouvoir créé par le renversement du premier ministre de facto Dr. Ariel Henry a ouvert l’appétit des chefs de gangs. Pourquoi ne pas prendre eux-mêmes le pouvoir puisqu’ils ont déjà le monopole de la rue ? De la force ?
Mais en même temps sans déposer leurs armes. Passer directement du statut d’assassin à celui de ‘papa pèp.’ Only in Haiti.
Il y a aussi l’évasion des détenus du Pénitencier national qui a provoqué certains remous.
Ainsi Ezéchyel, ex-policier et chef de gang de Carrefour Feuilles, revenu sur les lieux a demandé aux résidents de ce quartier de revenir dans leur foyer dont ils avaient été chassés par le gang venu de Grand Ravine.
Tandis qu’on dit que les assassinats commis actuellement à Pétionville et l’invasion de Thomassin, Laboule - c’est l’œuvre d’un autre chef de gang échappé lui aussi récemment du Pénitencier mais qui n’a pas signé pour l’opération ‘Vivre ensemble’. Parce que lui il doit d’abord refaire son compte en banque.
Bien sûr !
En un mot rien n’a changé. Les gangs tiennent la rue, d’une façon et d’une autre, ‘yon kout dlo cho, yon kout dlo frèt’ et puisqu’il en est ainsi, pourquoi ne pas avoir aussi le pouvoir. Comme dans les films cowboy : le pouvoir est au bout du fusil.
Cependant jusqu’à présent les nombreux assauts lancés contre le palais national se sont heurtés à une défense acharnée par la police nationale et l’armée.
On devine la présence alors de ce qu’on appelle l’international. La communauté internationale, et communément appelée chez nous ‘le blanc.’
Mais ici aussi ah ! c’est la même confusion. D’un côté on appuie la constitution d’un Conseil présidentiel de transition qui devrait instamment remplacer le gouvernement du premier ministre démissionnaire et quasiment exilé à Porto-Rico …
Or en même temps voici aussi ‘le blanc’ qui fout le camp. Toutes les grandes ambassades se vident. Quelle garantie de sécurité alors pour ledit Conseil de transition ?
De qui se moque-t-on ?
Pareil ce cinéma construit autour d’une prétendue vague de boat-people après qu’une vingtaine de réfugiés ont été arraisonnés sur la côte de Floride.
Voici le Commandement Sud des Forces armées des Etats-Unis mobilisé comme un seul homme, plusieurs bataillons de Marines, Navy Seal et autres prêts à placer Haïti dans un cordon sanitaire etc.
Du vrai cinéma.
Lire la suite : Haïti ou disparition d’un pays filmée en direct !
MIAMI, 11 Mars – Une réunion sur Haïti mais sans les Haïtiens, sans la participation des acteurs politiques haïtiens c’est pas normal et pourtant rien que de plus normal …
Parce c’est ainsi que cela s’était toujours passé lors des crises précédentes.
On ne nous avait pas demandé notre avis pour, après avoir embarqué manu militari le président Jean-Bertrand Aristide pour la République Centre-Africaine, le 29 février 2004, installer le même soir un président provisoire en la personne du président de la Cour de cassation, le juge Boniface Alexandre ; puis forcer pratiquement sous la menace le premier ministre en exercice, l’ingénieur Yvon Neptune, à rester en place pour assurer l’intérim … puis trois mois plus tard pour parachuter depuis Miami l’ancien diplomate Gérard Latortue qui assurera l’intérim pendant deux ans jusqu’aux élections de 2006 remportées par l’ex-premier ministre René Préval.
Et tout cela sous le nez des GNB-istes qui avaient comploté le renversement du président Lavalas.
Pourtant tout se passa bien. Et le nouveau président élu, René Préval, sera même le seul à avoir accompli jusqu’ici deux mandats entiers de toute l’histoire de notre Haïti démocratique.
Pourquoi donc aujourd’hui avoir demandé aux acteurs politiques haïtiens pour qu’ils trouvent eux-mêmes une entente ?
Entre un premier ministre Ariel Henry, jusqu’ici un parfait inconnu voire un ‘zombi’, bien qu’ayant accompli plusieurs mandats ministériels mais dont personne n’a aucun souvenir, et une opposition encore plus têtue qu’auparavant.
Pourquoi ne pas faire comme trente ans plus tôt ? En effet le même président élu Aristide avait déjà été renversé par l’armée en 1991 (eh oui !), cette fois 8 mois après son investiture. Aussitôt les généraux et leurs amis et complices (et les financiers du coup aussi bien sûr !) bondirent au palais présidentiel …
Mais doucement !