Que réserve Trump pour Haïti ?

PORT-AU- PRINCE, 21 Décembre – Bien sûr l'arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump rappelle celle de Ronald Reagan en 1981. A la seule différence que Jean Claude Duvalier, lors président à vie d'Haïti, et ses proches (y compris sa nouvelle épouse, Michèle Bennett) célébrèrent au champagne la défaite de Jimmy Carter, le président des Etats-Unis qui avait forcé le régime dictatorial haïtien à libérer les prisonniers politiques.

Moins d'un mois après les élections américaines, la dictature procédait prestement, le 28 novembre 1980, à l'arrestation de tout ce que le pays comptait de personnalités actives dans les domaines médiatique, syndical et politique. Et tous furent expulsés manu militari.

Au Département d'Etat, à Washington, l'un des journalistes victimes de cette brutale répression s'entendit expliquer que contrairement à ce qu'ils espéraient, 'les Duvalier ne vont pas pouvoir rester au pouvoir.' Le travail commencé par Jimmy Carter ne changera pas sur le fond si les Duvalier refusent de faire ce qu'on leur demande : la tenue d'élections car la dictature à vie passe mal dans le nouveau contexte géopolitique.

Baby Doc et ses complices pensent qu'ils peuvent continuer à louvoyer comme ils le font depuis plus de 20 ans de pouvoir à vie, nous expliqua-t- on, mais aujourd'hui ce ne sont ni les Démocrates plus prudents ni les Républicains habituels mais ce sont des conservateurs qui ont une conception plus verticale du pouvoir. Ainsi que des rapports différents avec les pays dépendants, voire situés dans leur 'back yard' (arrière-cour). Le pouvoir républicain entend seulement qu'on fasse ce qu'il exige ... Or, aussi incroyable que cela pouvait sembler à l'époque, c'est l'administration Reagan qui en effet envoya l'avion pour l'expulsion de Baby Doc du pays le 7 février 1986. Sans qu'on ait pu savoir jusqu'à date quelle est la véritable raison qui avait conduit la Maison Blanche à ce choix.

Cependant c'est aussi l'administration Reagan qui a assisté, tranquillement, au massacre des électeurs à Port-au- Prince, le 29 novembre 1987, dans ce qui devait être les premières élections démocratiques de notre histoire. Puis c'est sous la présidence de son colistier et successeur, Georges Bush père, qu'il fut permis aux forces armées d'Haïti de réaliser le putsch le plus sanglant depuis l'Occupation américaine d'Haïti (1915-1934).

Le 29 septembre 1991, le président légitime du pays, Jean Bertrand Aristide, fut renversé dans un coup d'état qui fit plusieurs milliers de morts dans la population. Conclusion : avec Reagan, le pouvoir Républicain a montré qu'il n'a pas d'amis et qu'il entend seulement qu'on fasse ce qu'il exige.

'I am fed up with Haitians !' ...

Ronald Reagan et Donald Trump se ressemblent dans le fait que les deux n'ont pas fait carrière dans la politique et que l'un comme l'autre s'appuient sur la partie la plus ultra de l'establishment conservateur. On rapporte qu'après le massacre des électeurs en Haïti, en novembre 1987, le seul commentaire du président Reagan aura été : 'I am fed up with Haitians !' (Je suis fatigué des Haïtiens.)

Il est à parier que le président Donald Trump qui sait lui aussi très peu d'Haïti, ainsi que des ambiguïtés de la politique haïtienne, montrera encore moins de patience. Et pour finir, comme Reagan, par sabrer d'un côté ... comme de l'autre.

Il est fort probable qu'au contraire une présidente Hillary Clinton qui a effectué un plongeon dans les eaux troubles et troublantes de la politique haïtienne en parrainant en 2011 l'accession (plus impensable encore que celui de Mr Trump à la Maison Blanche) du chanteur Michel Martelly au palais national de Port-au- Prince, aurait pu se montrer moins impressionnée et plus flexible devant les exhibitions de ceux-là que le romancier Graham Green a défini depuis les années 1970 comme des 'Comédiens.' Tout cela ne prévoit rien de bon pour notre pauvre pays sinon que de guerre lasse, Washington en vienne à considérer que la seule solution pour garder les Haïtiens tranquilles ou 'en laisse', c'est un nouveau Duvalier. Donc encore un nouveau chapitre qui s'ouvre. Et pour le pays, trente ans de perdu (1986-2016). Notre classe politique ferait mieux d'y penser. Et que c'est le pays qu'elle condamne par son jusqu'auboutisme actuel. De quelque côté que ce soit. Ce n'est pas de la fiction !

Haïti en Marche, 21 Décembre 2016