Les candidats fourbissent leurs dernières armes
MEYER, 25 Septembre – A environ 15 jours des élections, les candidats tentent de se définir une image avec encore plus de précision.
Ce qui nous vaut un chassé-croisé qui ne manque pas de curiosité.
Ainsi le candidat de l'ex-parti au pouvoir (Parti Ayisyen Tèt Kale - PHTK) de Michel Martelly, précédemment le candidat de la communauté internationale et d'une certaine bourgeoisie d'affaires, Jovenel Moïse, a opéré un revirement ('turnabout') de 180 degrés pour se présenter aujourd'hui comme le candidat de la petite paysannerie qui n'a jamais eu voix au chapitre face à la 'République de Port-au-Prince'.
C'est à ce titre que le candidat du PHTK, qui joue solo et sans le support du moins visible d'aucun des barons de l'ex-parti au pouvoir, fait le tour du pays, revendiquant bien sûr son slogan de 'Nèg bannan n lan', mais avec une nuance. Aux présidentielles (qui seront annulées pour 'fraudes') de 2015, il s'agissait de sa réussite d'industriel dans la production bananière – d'exportation, mais entretemps son usine Agrotrans aurait fait faillite, le même slogan a donc été revu et corrigé par les stratèges PHTK pour devenir un cri de revendication au nom du petit paysan.
Candidat de la gauche ! ...
Ce qui coupe un peu l'herbe sous le pied à un candidat comme celui de Pitit Dessalines, Moïse Jean Charles, formation qui comme son nom l'indique, se veut le porte-parole de ceux dont notre Libérateur, Jean Jacques Dessalines, disait : 'Et mes pauvres frères nés en Afrique, il n'y aura donc rien pour eux.'
L'Empereur parlait déjà des accapareurs de la fortune nationale.
COMMENT TOUT CELA EST ARRIVE !
JACMEL, 1er Octobre – C'était il y a 30 ans, 7 février 1986, Duvalier s'enfuit. Le pouvoir est confié officiellement à l'Armée. Et l'Eglise.
Mais en réalité à personne.
Les généraux tentèrent d'empêcher le retour des exilés. Pas moins d'un million. Dont certains avaient laissé le pays bien avant les élections (bien entendu frauduleuses) qui avaient conduit (le 22 septembre 1957) le père de la dynastie, François « Papa Doc » Duvalier, au pouvoir.
En 1971, à la mort de Duvalier père, l'administration américaine avait elle-même bloqué le retour des exilés.
En 1986, elle ne fit rien.
En moins d'un mois, après 29 ans d'anomie politique totale, toutes les dénominations idéologiques possibles et imaginables obtinrent soudainement pignon sur rue à Port-au-Prince, la capitale haïtienne.
Aussi bien celles de droite que de gauche. Cependant après trente ans d'une dictature parmi les plus réac de la planète, et dans une population où 70% n'ont pas plus de 30 ans, la gauche ne manqua pas d'exercer une attraction fort compréhensible.
Lire la suite : 9 Octobre : une dernière chance pour éviter le pire
JACMEL, 21 Octobre – Le véritable motif derrière la grogne haïtienne vis à vis de l'aide humanitaire de la République dominicaine voisine pour les victimes de l'ouragan Matthew qui a détruit corps (près de 500 morts) et biens (4 départements géographiques du pays : Sud, Grande Anse, Nippes, Nord Ouest), la crainte c'est que comme ses prédécesseurs l'actuel gouvernement haïtien en profite pour absoudre nos voisins de tous les torts commis envers nous.
Depuis la pendaison publique d'un immigrant haïtien dans un parc de Santiago jusqu'à l'arrêt de la Cour constitutionnelle dominicaine enlevant la nationalité à tous les descendants d'Haïtiens remontant à 1929, quel geste peut être plus inamical !
Or il y a une histoire. Et une selon laquelle les dirigeants haïtiens ont toujours permis à leurs homologues dominicains de s'en tirer à bon compte. Et sans avoir à revenir sur leurs provocations.
Accent sur business ...
Après l'entrée en application de l'arrêt de la Cour constitutionnelle dominicaine (168-13), l'administration Martelly-Lamothe s'empressa de pousser au dehors la Caricom (communauté caraïbe) ainsi que la Commission inter-américaine des droits humains (CIDH) qui avaient prononcé une condamnation sans détour, pour faire business as usual avec Santo Domingo. Avec accent sur business.
PORT-AU-PRINCE, 18 Novembre – Jusqu'au bout pas d'entente.
Or, légitime ou non, comment gouverner sans idées, sans finances : un pays brisé, économiquement, physiquement, moralement sinon dans ce que nos ancêtres nous ont appris : l'union. L'union fait la force. En créole, un 'coumbite' national.
Mais coumbite avec qui ? Une classe politique de plus en plus dominée par des gens de mauvaise foi. Comme ce candidat PHTK (ex-parti au pouvoir), directeur d'école de son état, déclarant en plein meeting électoral à Marigot (Sud-est) que si l'ouragan Matthew a fait tant de dommages c'est parce que le gouvernement de transition n'a pas renouvelé l'abonnement que l'ex-président Michel Martelly avait pris pour l'utilisation d'une machine qui bloquait l'arrivée des cyclones – ainsi que des tremblements de terre. N'est-ce pas que pendant les 5 ans de ce pouvoir, on n'a pas connu des catastrophes de ce genre !
On y perd son latin !
Sur le banc de touche ...
Or pourquoi ne pas persister dans la même direction quand les autres, les gens dits éclairés, les élites refusent quant à eux de se mouiller.
Bien entendu de peur d'être éclaboussés par l'audace des nouvelles classes montantes. Classes au sens de camarilla, mafia, 'zobop'.
Et comme il est trop tard pour choisir l'exil volontaire (Mr Trump entend bien nous barrer la route), alors on reste sur le banc de touche.
A attendre.
Quoi ?
La politique a horreur du vide. Comme vous-même encore l'enseignez.
Ce n'est plus : que le meilleur gagne mais le plus audacieux, voire le plus dégueulasse. Comme ce candidat PHTK de Marigot.
PORT-AU-PRINCE, 17 Décembre – Obama dit aux Américains de ne pas continuer dans la voie de la division comme c'est le cas depuis la dernière campagne électorale qui a mené à la nomination plutôt inattendue du milliardaire Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. 'A moins que nous changions, a dit le président sortant Barak Obama, nous allons continuer à être vulnérables aux influences étrangères parce que nous aurons perdu le sens de ce qui est important pour nous et que nous représentons comme nation.'
Le président des Etats-Unis a prononcé ces mots lors d'une conférence de presse, vendredi (16 décembre), après que les services de renseignements américains (CIA) eurent confirmé que la Russie s'est mêlée directement au dernier processus électoral américain en piratant les messages électroniques et cela, du moins on présume, au bénéfice du candidat Républicain aujourd'hui président élu Donald Trump.
Sans dire quelle forme prendront les représailles, Obama a promis que l'administration américaine fera les Russes payer pour ce qu'ils ont fait.
Mais on sait que le président Donald Trump a ridiculisé les informations rapportées par la CIA, créant un sujet de polémique (ainsi que de confusion) supplémentaire depuis son élection.
D'où la mise en garde d'Obama : la division est un blanc seing aux étrangers pour se mêler de nos affaires !
Et surtout, aurait-il pu ajouter, pour continuer à nous diviser à notre insu et contre nos intérêts.