Haïti vers une nouvelle forme de pouvoir 'à parti unique'
PORT-AU-PRINCE, 31 Décembre – C'est l'étonnement. Puis le choc. Que veulent-ils faire ?
Comment un seul parti politique peut-il prétendre conduire le pays vers la sortie de sa tragédie actuelle ?
En effet, après s'être classé en tête, et de loin (55,6% des votes), pour la présidentielle, avec Mr Jovenel Moïse, candidat du PHTK de l'ex-président Michel Martelly, et aussi d'un certain secteur des milieux d'affaires, voici les mêmes en position pour arracher la majorité dans les deux chambres du Parlement, majorité plus que totale chez les députés, et plus que fonctionnelle au Sénat.
Exécutif et Législatif aux mains tous les deux de, disons, puisqu'il faut bien rechercher un visage à une réalité aussi nouvelle : Michel Martelly et Co.
A la fois, maitre chanteur, maitre danseur ! Fêtes de fin d'année oblige.
Même si on nous répète à satiété que les résultats ne doivent être considérés comme définitifs tant que l'organisme électoral n'en a fait la proclamation, mais vu le nouveau tournant pris avec les résultats des législatives qu'on vient d'annoncer, même pour les plus optimistes des contestataires, apparemment les carottes sont cuites.
Difficile de continuer à s'opposer par les voies électorales préétablies (bureaux du contentieux, de plus également gérés par le même conseil électoral) ni de répondre aux appels à respecter le décret électoral, sans avoir le sentiment que c'est du temps perdu et que désormais le sort en est jeté.
On pense que l'opposition elle aussi est sous le choc face à cette perspective quand même troublante d'un seul petit secteur détenant, officiellement, tous les pouvoir (exécutif, législatif et autres).
Dès lors aussi ont peu de chance d'être entendus les appels à la réconciliation et à un regroupement national, et à placer l'intérêt national avant les siens propres. Personne n'est dupe !
Que reste-t-il à l'opposition, quelque modérée serait-elle, dès lors qu'elle se trouve devant un pareil fait accompli, que toutes les ouvertures lui sont fermées, sinon passer d'ores et déjà à la phase dure !
Mais est-ce pour le bien du pays ? N'est-il pas évident que celui-ci a besoin plutôt aujourd'hui d'autant de sérénité et d'esprit d'entraide que possible pour retrouver le bon chemin.
D'où question, est-ce Haïti qui a réellement à gagner dans cette nouvelle forme de concentration de tous les pouvoirs. En même temps en si peu de mains ? Papa Doc a pris au moins la précaution de créer les tontons macoutes.
Qui plus est, des mains encore si peu identifiables. Dans maints cas, les élus (ou futurs élus) semblent si peu connectés les uns aux autres (entre un ancien prisonnier politique sous l'accusation de communisme et membre d'un parti encore officiellement dans l'opposition et un ancien recherché pour trafic de drogue par la DEA américaine ou les manifestants montés du bidonville de Raboteau pour venir troubler la cérémonie du Jour de l'Indépendance aux Gonaïves et à la barbe –complaisante- des autorités de la ville et autres) si peu de relations apparemment entre les différentes pièces de ce puzzle qu'on ne peut définir ce nouveau pouvoir sinon par un seul mot : opportunisme. Par ici mesdames messieurs, faites vos jeux. Sans état d'âme !
D'autant plus quand on ne peut prétendre à une légitimité véritable vu le peu de participation aux élections qui ont mis au monde cette nouvelle créature : à peine 21% de l'électorat (chiffres officiels s.v.p.). Ce que se gardent bien de rappeler les chantres de cette nouvelle forme de régime 'à parti unique' (même camouflé sous une infinité de nouvelles dénominations : Bouclier, Consortium etc., rien n'a été négligé par les stratèges patentés qui ont été embauchés sans doute à prix d'or pour ce travail encore jamais vu sous nos cieux), ce que les publicistes du moment ont pour mission de faire oublier alors que c'est le plus important : ce nouveau régime en gestation n'a pas le support sinon d'une infime partie des Haïtiens.
Mais le seul terme trouvé par l'opposition, c'est coup d'état ! Oui, mais par la force d'une situation qui s'est mise en place proprement sous son nez sans qu'elle n'ait rien vu venir.
Pour employer le créole : 'se lè chwal fi n antre nan jaden, wap rele fèmen bayè.'
A court terme, le citoyen conscient va avoir d'abord à apprendre à démêler les fils de cette véritable toile d'araignée qui se met en place autour de nous. Ce premier pas est indispensable. Sans une claire compréhension de cette nouvelle situation, sans clairvoyance on est condamné à y être absorbé également.
Puis à moyen terme, après mûre réflexion, décider de soi-même, en son âme et conscience, son for intérieur quelle position assumer.
Mais s'y jeter tête baissée, comme semble continuer à le faire en ce moment l'opposition, c'est faire sans le vouloir le jeu du système.
Haïti en Marche, 31 Décembre 2016