MIAMI, 17 Février – A peine vient-on d’annoncer la fermeture à Washington du programme USAID que plusieurs perdaient leur job en Haïti tellement est indispensable l’aide américaine qui s’exerce dans notre pays dans tous les domaines, aussi bien publics que privés.
L’aide américaine est dans l’agriculture permettant, selon le Département d’Etat, à 105.000 agriculteurs d’augmenter leurs rendements grâce à des techniques et des semences améliorées ; l’aide américaine a permis d’accroitre l’accès durable à des services d’eau potable …
L’aide américaine est dans le domaine sécurité : police communautaire, rôle des femmes au sein de la police, formation police antigangs …
L’aide américaine dans la magistrature judiciaire …
L’aide américaine bien entendu dans un domaine vital comme la santé … « par le biais d’un réseau de 170 établissements de soins de santé primaires dont beaucoup sont situés dans le milieu rural : planification familiale, vaccination (n’en déplaise au nouveau secrétaire américain à la santé l’anti-Vac, Robert Kennedy jr.) … lutte contre le choléra et le Covid ainsi que le VIH-Sida …
Y compris l’aide américaine apportée via les nombreuses organisations onusiennes aujourd’hui vitales dans le soutien aux populations de Port-au-Prince victimes des gangs armés et réfugiées un peu partout et n’importe comment dans la capitale.
Ainsi toute suspension de l’aide américaine, comme annoncée par le nouveau gouvernement américain est susceptible de faire plus de mal au pays … que les gangs armés eux-mêmes !!!
Or il fut un temps pas tellement lointain où Haïti non seulement n’avait pas besoin de cette aide, mais où en tout cas le peuple lui-même la refusait.
Oui l’aide américaine a été d’abord rejetée par la population haïtienne. Bien entendu cette population n’était même pas la moitié de ce qu’elle est aujourd’hui qu’on la fixe à plus de 11 millions et demi d’âmes.
15 octobre 1954. Le pays fut traversé par un violent ouragan qui laissera son nom comme quelque chose de diabolique : le cyclone Hazel.
L’aide alimentaire américaine débarqua. Mais les habitants de Port-au-Prince firent la moue. D’où l’appellation de ‘lèt sinistre’, ce lait en poudre jusqu’ici inconnu dans une capitale où la marchande de lait sur son âne était un élément du décor urbain et indispensable de l’alimentation familiale. Normal. Port-au-Prince ne comptait lors pas plus de 300 mille âmes.
Le ‘lèt sinistre’ fut donc laissé à pourrir sous les tribunes du stade de football de Port-au-Prince.
Enfant je me souviens comment les ‘très chers frères’ de l’école Jean Marie Guilloux durent nous supplier pour aller participer à l’inauguration de restaurants communautaires ouverts dans la capitale …
C’était vécu comme une honte.
Mais ce n’est pas tout. Tenez-vous bien. Vint François ‘Papa Doc’ Duvalier. Après 14 ans de dictature, sentant sa mort prochaine, et sur le point de passer le pouvoir à vie en 1971 à son fils ‘Gwo bebe’, Jean-Claude Duvalier n’avait de 18 ans, que fit Papa Doc ?
Vous ne le croiriez pas. Il fit le maximum pour que son héritier n’eut pas à quémander l’aide financière, bref Papa Doc laissa les finances publiques au meilleur de leur forme.
Mais attention, que fit alors le ‘blanc’ ?
Un maximum de pression fut alors exercé sur le gouvernement haïtien pour l’amener à accepter ce qu’on appela d’abord ‘l’assistance financière’ sous le prétexte qu’aucun pays ne peut se développer sans cela.
MIAMI, 15 Janvier – Haïti a entrepris d’élargir le champ de ses relations diplomatiques. Ce n’est pas trop tôt. Le président colombien Gustavo Petro sera dans nos murs le 22 janvier 2025 ; la semaine précédente notre ministre des affaires étrangères Jean-Victor Harvel Jean-Baptiste était au Bénin assistant à un sommet ‘Afrique-Caraïbe’ autour, selon un porte-parole officiel, de trois thématiques essentielles : « les questions culturelles ; les questions économiques et les questions de sécurité et de paix » …
D’autres démarches du même genre sont en perspective, selon l’actuel numéro 1 du Conseil présidentiel de transition Leslie Voltaire annonçant un renforcement des relations avec d’autres pays d’Amérique latine dont le Chili et le Brésil.
Rappelons que le Salvador et le Guatemala ont dépêché des troupes qui combattent actuellement à nos côtés contre les gangs en Haïti dans le cadre de la Mission multinationale de soutien à la sécurité dirigée par le Kenya …
Il était plus que temps.
Aujourd’hui le problème le plus urgent c’est le rétablissement de la sécurité publique et mettre fin au cauchemar des gangs armés qui selon l’Onu, ont fait 5.600 morts innocentes pendant la seule année écoulée …
De plus mettant l’économie du pays à genoux.
Cependant cela intervenant à un moment de grand brassage international et où les relations entre les peuples, plus intenses que jamais auparavant, de plus ne restent pas uniquement et comme autrefois au niveau disons du discours et de la narration (histoire et origines communes, ethnicité, culture etc) mais pour s’orienter de plus en plus dans le domaine économique et commercial bref de rapports également plus pratiques.
Autrement dit aussi, ces derniers (l’économie et les affaires) ne sont plus le monopole des grandes concentrations économico-industrielles (Etats-Unis, Communauté Européenne, Japon …) mais voient apparaitre de nouveaux ensembles. On parle des BRICS (Brésil, Russie, Iran, Chine, Afrique du Sud) mais continuant à élargir constamment leurs frontières … avec l’Egypte, l’Ethiopie, l’Iran, les Emirats Arabes unis et plus récemment avec ce qu’on appelle des membres non-votants et où Cuba vient de faire son apparition.
Mais où est Haïti ?
Zéro. Nada.
C’est vraiment le cas de dire : Haïti n’existe pas !
Qui plus est, et comble d’ironie, le principal partenaire commercial d’Haïti sinon actuellement le seul, c’est le même pays qui lui ferme totalement et brutalement la porte au nez juste au moment où nous sommes ainsi en train de faire le porte-à-porte international pour nous aider dans le combat contre les gangs et naturellement aussi la menace de disparition qui nous pend au nez …
Bien entendu il s’agit là de notre voisine territoriale la République dominicaine.
Actuellement et voici près d’une année que les frontières terrestres, aériennes et autres entre les deux pays sont totalement fermées, d’ordre du gouvernement de Santo-Domingo …
Au début c’était pour protester contre la construction d’un barrage sur une voie d’eau qui mouille les deux pays. Puis c’est devenu ouvertement un instrument destiné à influencer la situation politique ou mieux encore manipuler les variables au niveau de la crise frappant actuellement notre pays …
Or qui plus est, c’est avec encore ce pays que Haïti réalise près de 100 pour 100 de son commerce international ?
Avec dans les conditions actuelles bien entendu une balance déficitaire à plus de … cent pour cent !
Quelle gifle !
MIAMI, 23 Décembre – Il y a aujourd’hui deux Haïti et tout à fait différentes l’une de l’autre. Une Haïti réelle et une autre dont les grands médias sont en train de faire la promotion dans le monde.
Par exemple lorsqu’on apprend que 60 pour cent des membres de gang sont des mineurs, cela devient quoi ?
Réponse : ce sont les enfants pauvres d’Haïti qui sont obligés de rejoindre les rangs des gangs parce que la seule possibilité pour eux de se nourrir !
Et lorsque le reporter (ou plutôt la reporter parce que cela passe mieux quand c’est une femme donc éventuellement une maman …) qui interroge le chef de gang pour lui demander quelles sont ses revendications pour déposer les armes ?
Réponse : Nous voulons des écoles, des centres de formation, du travail pour le peuple, nous voulons que soit mis fin à l’exploitation …
Réponse : ce ne sont plus des gangs alors c’est une armée de libération nationale !
Et voici le piège dans lequel ces reportages sur les grandes chaines de télé étrangère sont en train de nous enfermer.
Izo c’est Robin des Bois ; Barbecue Fidel Castro ; Vitelhomme ou Jeff Canaan c’est Che Guevarra.
Evidemment rien à craindre puisque c’est du cinéma. Mais un film qu’on pourrait tout simplement intituler en peu de mots : ‘Disparition d’un pays en direct !’
Ce pays cependant c’est le vôtre, c’est le nôtre. Ce n’est pas celui qu’on est en train de vendre ainsi au téléspectateur en train de mâcher son paquet de pop-corn.
Première conséquence : on peut comprendre pourquoi Washington ne s’empresse pas de nous aider à sortir de cet enfer vu que la grande presse ici a depuis toujours joué le rôle de lanceur d’alerte …
Or puisque les gangs sont 1) composés à 60 pour cent d’enfants on ne va pas envoyer les Marines les massacrer, ce ne serait pas juste …
2) Dans cette peinture aussi ce sont toutes les institutions d’Haïti qui sont accusées, aussi bien les classes politiques que économiques mais aussi sociales et institutionnelles, intellectuelles, religieuses, ‘elatriye’ …
Ce qui explique la rage des gangs, n’est-ce pas, contre les hôpitaux, contre les écoles, les églises, contre tout, comme le titre de ce roman à succès d’il y a quelques années : ‘Détruire, dit-il’ ; mais jusque-là ce n’était qu’un roman !
Voici donc en deux temps trois mouvement comment le calvaire haïtien actuel, c’est-à-dire plusieurs milliers de morts et dizaines de milliers de sans-abri en moins de trois ans, de familles entières chassées de leur foyer et de leur quartier sans qu’on sache pourquoi – mais qui soudain par un tour de passe-passe appelé ‘le numérique’ devient digne de figurer au rang de ‘grand titre’ tout aussi accrocheur … que les enfants de Gaza et du Liban condamnés à mourir par la famine ou les frappes de missiles ; oui dès lors que le malheur, que votre malheur devient digne pour la consommation télévisuelle partout aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe – d’ailleurs aujourd’hui en pleine confusion eux-mêmes ; eh bien, coucou, voici Haïti tout au haut de l’actualité.
Pourquoi alors l’en sortir ?
En tout cas pourquoi se hâter de le faire.
Une Haïti sans danger pour le téléspectateur de Miami ou New York ou Paris ou Amsterdam bien entendu … ou même Moscou.
Sans danger en effet, voici nos maudits gangs qui sont en pleine réhabilitation … Puisque leur but est tout à fait noble : c’est armer les enfants d’Haïti contre leurs exploiteurs de toujours.
MIAMI, 25 Novembre – Une conférence de presse avec la porte-parole Karine Jean-Pierre, alors que la présidence Biden touche à sa fin et que la candidate de la Maison Blanche, la vice-présidente Kamala Harris, a été battue aux urnes à plate couture.
C’est une lourde tâche parce qu’on a l’impression qu’elle est toute seule (et toute petite) face à la meute avide de scoops ou informations de toute dernière heure quand tout le monde autour d’elle est au contraire en train de boucler sa valise et que le prochain patron de la Maison blanche, M. Donald Trump, ne nourrit, dit-on, aucune sympathie pour ses derniers occupants …
Mais Karine fait face, comme une grande …
Petit bout de femme, 50 ans mais paraissant la moitié de son âge, noire et haïtienne d’origine, on la dit ‘homo’ et elle assume mais rien de plus, seulement comme dit la formule : profession journaliste !
Si professionnelle que plus que porte-parole de la Maison Blanche elle a été promue conseillère principale du président Biden en matière de communication.
Nous assistons à sa conférence de presse du 21 novembre 2024.
L’actualité est plus que chargée. La prestation de serment du nouvel élu c’est le 20 janvier prochain or celui-ci ne manifesterait aucune sympathie pour ses prédécesseurs puisque continuant à laisser croire que c’est lui qui avait remporté les présidentielles de 2020.
Cependant il s’agit de marquer un point en montrant qu’on n’est pas de la même enseigne. Mot d’ordre : Pour une transition en douceur. C’est cette image que Karine Jean-Pierre est chargée comme on dit de vendre au public, répétant sans cesse : « C’est ce que le Peuple américain mérite ! » On aurait préféré bien sûr le contraire mais le Peuple a parlé et c’est lui le patron.
Pas un mot des démarches en cours dans le camp du vainqueur préparant la nouvelle administration ; ni du cafouillage autour de la nomination de futurs ministres X mais pour être tout de suite remplacés par Y etc.
Il s’agit de ne pas tomber dans le piège du ‘ying yang’. Ni de laisser l’impression qu’on s’accroche. Et c’est sur le dos de la porte-parole, cette toute petite dame, que tombe tout le poids de cela.
Mais il y a aussi l’actualité dans le reste du monde. Et elle n’est pas mince.
Poutine et ses peaux de banane – cette semaine la menace de porter la guerre en Ukraine à l’échelle du nucléaire après la décision (elle aussi comme une dernière provocation de la part du président Biden !) de donner à l’Ukraine l’autorisation d’utiliser les missiles longue portée, avantage que Kiev s’est tout de suite empressé de mettre en pratique …
MIAMI, 7 Novembre – Haïti ne disparait pas seulement sous le poids des gangs armés qui le tiennent dans tous les domaines en otage, mais où est passée aussi notre Diaspora ?
D’abord plus que jamais ressource indispensable pour l’économie au pays natal, mais aujourd’hui menacée dans sa branche peut-être la plus nombreuse, la Diaspora aux Etats-Unis, par le candidat vainqueur aux présidentielles du 5 novembre 2024, M. Donald Trump, Rélu directement sur sa promesse de déporter des millions de migrants dès le premier jour de son mandat ; cependant on ne distingue aucune stratégie dans la communauté haïtienne pour faire face.
Sinon le ‘bon dye bon’, Dieu y pourvoira !
En tout cas, il n’y a aucun mot d’ordre dans notre communauté.
On pense que certains ont voté pour la candidate démocrate mais aucun mouvement coordonné comme cela a pu être autrefois.
Or cela, paradoxalement, à un moment où les nôtres figurent à tous les échelons du pouvoir aussi bien local (City, State etc.) que national (Congrès) ou d’autres institutions de premier plan comme la Justice, la grande presse, la haute finance etc…
Mais nous voici plutôt revenus au mot d’ordre proverbial haïtien : ‘debouye pa peche’ ou chacun pour soi (‘every man for himself’).
Ce ne fut cependant pas toujours comme ça.
On ne peut oublier le grand branle-bas dans la communauté haïtienne lors des présidentielles de 1992 en faveur du candidat Démocrate, Bill Clinton, celui-ci promettant de ‘take democracy back to Haiti’, c’est-à-dire remettre au pouvoir le président élu et exilé à Washington, Aristide.
Mais la cause allait plus loin qu’une personne quelle qu’elle soit pour embrasser un réveil général de tout un peuple qui a été écrasé et soumis à une dictature sanguinaire et abominable pendant trois décennies.
Rôle inoubliable joué par la communauté haïtienne de Miami menée par un Gérard Jean-Juste, directeur du Centre des Réfugiés Haïtiens ainsi que d’autres voix influentes que la mort nous a, hélas, enlevées …
Pareil à New York avec les Pères du Saint Esprit et généralement toute la génération hier anti-duvaliériste comme dans un ultime sursaut contre cette même et maudite dictature …
Bref c’est partout, tant à Miami, New York, Boston, Chicago, Orlando etc, qu’on vit se dresser des jeunes gens, oui une toute nouvelle génération, pour coordonner le vote haïtien-américain en fonction des intérêts de notre propre communauté, etc.
Mais ce 5 novembre 2024, rien !