Les candidats fourbissent leurs dernières armes
MEYER, 25 Septembre – A environ 15 jours des élections, les candidats tentent de se définir une image avec encore plus de précision.
Ce qui nous vaut un chassé-croisé qui ne manque pas de curiosité.
Ainsi le candidat de l'ex-parti au pouvoir (Parti Ayisyen Tèt Kale - PHTK) de Michel Martelly, précédemment le candidat de la communauté internationale et d'une certaine bourgeoisie d'affaires, Jovenel Moïse, a opéré un revirement ('turnabout') de 180 degrés pour se présenter aujourd'hui comme le candidat de la petite paysannerie qui n'a jamais eu voix au chapitre face à la 'République de Port-au-Prince'.
C'est à ce titre que le candidat du PHTK, qui joue solo et sans le support du moins visible d'aucun des barons de l'ex-parti au pouvoir, fait le tour du pays, revendiquant bien sûr son slogan de 'Nèg bannan n lan', mais avec une nuance. Aux présidentielles (qui seront annulées pour 'fraudes') de 2015, il s'agissait de sa réussite d'industriel dans la production bananière – d'exportation, mais entretemps son usine Agrotrans aurait fait faillite, le même slogan a donc été revu et corrigé par les stratèges PHTK pour devenir un cri de revendication au nom du petit paysan.
Candidat de la gauche ! ...
Ce qui coupe un peu l'herbe sous le pied à un candidat comme celui de Pitit Dessalines, Moïse Jean Charles, formation qui comme son nom l'indique, se veut le porte-parole de ceux dont notre Libérateur, Jean Jacques Dessalines, disait : 'Et mes pauvres frères nés en Afrique, il n'y aura donc rien pour eux.'
L'Empereur parlait déjà des accapareurs de la fortune nationale.
Sur ce, on a l'impression que le candidat Moïse Jean Charles a réagi en se déplaçant plus à gauche sur l'échiquier. Lors des récents débats organisés par la firme de communication GIAP, il a annoncé que, contrairement aux 4 autres candidats (Edmonde Supplice Beauzile, Jude Célestin, Jovenel Moïse, Jean Henry Céant) qu'il estime de droite, lui il est celui de la gauche. Mais sans suffisamment d'explications.
Mais vous me direz, voici de quoi déloger Lavalas de son titre historique de la voix des sans voix, de représentant attitré des masses ...
Or justement la candidate de Fanmi Lavalas, Dr Maryse Narcisse, qui continue à battre la semelle dans tout le pays, accompagné de l'ex-président Jean Bertrand Aristide, s'est distinguée moins par les promesses populistes classiques que par des projets de développement qui nécessiteront de gros débours, donc irréalisables sans l'apport des milieux d'affaires, haïtiens ou étrangers, tels la reconstruction du centre ville de Port-au-Prince détruit par le séisme de janvier 2010, ou la construction d'une ligne de 'métro léger' reliant les deux sorties nord et sud de la capitale (Carrefour et Canaan).
'Je sème à tout vent' ...
Le quatrième homme, Jude Célestin, l'entrepreneur en construction (routes, électricité, canaux d'irrigation etc) ne semble pas avoir besoin de se définir sur le plan idéologique.
Comme quoi à ce sujet il est neutre, autant que cela se puisse concevoir. Justement il se veut ouvert à ce niveau à toutes les catégories. Comme le Larousse : 'je sème à tout vent.' Ceci dans le grand rassemblement qu'il contribue à mettre en place autour de lui, et composé effectivement de cadres politiques et techniques de divers horizons. Y compris ... le vodou.
Ce sont là probablement les 4 candidats qui imprimeront leur marque aux présidentielles du dimanche 9 octobre prochain.
Moins d'importance pour la 'République de Port-au-Prince' ...
A présent comment cela se concrétise-t-il sur le terrain ?
C'est probablement la première fois depuis longtemps que tous les candidats de pointe consacrent autant de temps ainsi que de moyens à cultiver l'électeur dans les moindres recoins du pays.
Maryse Narcisse (Fanmi Lavalas) devait être ce dimanche (25 septembre) dans le Sud Est (Jacmel), tandis qu'on y attend Jude Célestin (Ligue alternative pour le progrès et l'émancipation haïtienne ou LAPEH) qui se trouvait de son côté dans les Nippes et Moïse Jean Charles dans le Sud.
Jovenel Moïse était dans le Nord (Cap-Haïtien), une semaine après la caravane de Fanmi Lavalas.
Moïse Jean Charles (Pitit Dessalines) se démène lui aussi un peu partout. Mais celui qui se proclame le candidat de la 'gauche', semble manquer de moyens pour maintenir le rythme avec ses concurrents.
Première remarque : tout ceci c'est l'heureux résultat d'un scrutin où il n'y a pas de candidat officiel, ce qui force les candidats, quels qu'ils soient, à vendre leur image aux quatre coins de la république. Et à utiliser tous les moyens nécessaires.
Du coup cela signifie aussi : moins de billboards ou affiches géantes à la capitale, moins de temps d'antenne aussi sur les grands médias, bref moins d'importance cette fois pour la 'République de Port-au-Prince.'
Même les syndicats (enseignants, transport en commun, ouvriers ...) qui sont moins sollicités.
Les pouvoirs publics ne doivent pas faillir à leur tâche ...
Objectif premier : l'électeur moyen.
La course est si serrée entre ces 4 semi-finalistes (si l'on peut dire), n'en déplaise à nos amis Jean Henry Céant et Edmonde Supplice Beauzile qui mettent eux aussi des bouchées doubles mais ne sont point encore parvenus à renverser la vapeur, que désormais chaque vote compte. Et en quelque endroit où il se trouve.
Quitte à affronter les fanatiques du camp adverse en allant chasser sur le terrain d'en face.
C'est ainsi que Fanmi Lavalas a eu des problèmes au Cap-Haïtien et aux Gonaïves, tout comme 'Nèg Bannan n nan' s'est plaint aussi ou même Clarens Renois (UNIR) qui poursuit son petit bonhomme de chemin même s'il ne joue pas dans les Big Leagues (pas encore !).
Ce qui met la police nationale sur les dents. C'est ici que les pouvoirs publics jouent leur quote-part. Et ils ne doivent faillir sous aucun prétexte, le moment étant historique. Sans oublier qu'il y a la communauté internationale qui nous attend au tournant. Les Haïtiens prétendent pouvoir se débrouiller tout seuls, on verra bien ! On aura remarqué que, Dieu merci, il y a eu jusqu'ici plus de peur que de mal. Peut-être parce que, fanatisme mis à part, qu'on soit de droite ou de gauche, de l'ancien régime ou fraichement émoulu, chacun de nous partage actuellement le même sentiment : on ne doit manquer le rendez vous du 9 Octobre sous aucun prétexte.
Depuis longtemps c'est la première fois que tout nous invite à terminer un article par ces mots depuis trop longtemps disparus du vocabulaire politique local : et que le meilleur gagne !
Haïti en Marche, 25 Septembre 2016