MIAMI, 7 Juillet – Les masses paysannes sont entrées dans l'Histoire politique nationale avec la campagne électorale de 1957.
Elles y reviendront avec Jean-Bertrand Aristide lors des présidentielles de 1990.
Et aujourd'hui elles semblent être la principale préoccupation de notre actuel président Jovenel Moïse et sa Caravane du Changement promenée aux quatre points cardinaux du pays.
Cependant c'est à chaque fois une histoire certainement vécue avec passion, mais dont il est difficile de dire après coup si elle a été concluante ou non.
1957. Il était une fois un candidat capable de mettre, d'un claquement du doigt, la capitale haïtienne sens dessus dessous.
Son nom : Daniel Fignolé. Professeur Pierre Eustache Daniel Fignolé.
Instituteur, mais surtout syndicaliste, il reste le politicien le plus populaire que Haïti ait jamais connu. L'idole des masses de la capitale, celles-ci encadrées par les employés syndiqués de la Douane de Port-au-Prince et d'autres institutions de l'Etat.
Avec pour 'baz', comme on dit aujourd'hui : le quartier du Bel-Air. Celui-ci historique à plus d'un titre. C'est le berceau de la fondation de la capitale (1749) devenu par la suite une plate-forme du pouvoir populaire.
Aussi bien que Cité Soleil le sera quelque 30 ans plus tard (1986) à la chute de Duvalier.
Woule, woule, woule ! ...
Fignolé créa un parti le MOP (Mouvement Ouvriers Paysans) mais les masses fignolistes avaient un surnom : le Rouleau (en créole : Woulo).
Et un cri de guerre : Woule, woule, woule !
A ces mots c'était la panique. Tous les commerçants du bas de la ville s'empressaient de fermer boutique.
Avec raison parce que le haut commerce avait un autre candidat. C'était le sénateur et industriel mulâtre, Louis Déjoie.
Les masses fignolistes étaient sûres de remporter la présidence, comme si les élections ne devaient être qu'une formalité.
Aussi lorsque au hasard des bouleversements qui caractérisèrent cette année électorale 1957 particulièrement troublée et trouble, la présidence provisoire fut offerte au 'Professeur', celui-ci mordit à l'hameçon parce que c'était un piège pour endormir ses partisans et s'en débarrasser d'un seul coup.
En effet, dans la nuit du 14 juin 1957, le président provisoire Daniel Fignolé fut renversé par l'Armée et embarqué ipso facto pour l'exil.
Le lendemain, une répression sanglante fut exercée contre le quartier général du 'Rouleau' sur la butte du Bel-Air.
PORT-AU-PRINCE, 20 Juillet – 'Se gwo non ki touye ti chen', voilà un autre argument qu'on pourrait opposer à la décision gouvernementale de lancer les inscriptions pour la reconstitution de l'armée.
Car pourquoi l'armée alors que (primo) nous n'avons pas aujourd'hui les moyens de nous en payer une.
Pourquoi pas ce que, dans le meilleur des cas, nous pouvons raisonnablement nous permettre : une gendarmerie, un corps de garde chasse, ou de gardes champêtres, une garde nationale ou encore une police militarisée ?
Non, il faut dire, en renversant fièrement la tête : voici notre armée.
Même quand il s'agirait d'une bande de gamins défilant avec des balais en guise de fusil ('broom squad').
Ce qui risque fort d'arriver.
Penser à la Police nationale d'Haïti (PNH), le seul corps pour le moment autorisé constitutionnellement à porter des armes, penser aux efforts déployés ces derniers temps par la PNH, et puis voici qu'un pouvoir décide par sa seule volonté de la mettre pratiquement sur la touche au profit d'une 'nouvelle armée' qui probablement va se considérer supérieure, étant donné la tradition. Est-ce que le gouvernement n'est pas en train de fomenter lui-même des troubles, de créer une dangereuse situation ?
La Guardia civil à la portée de toutes les bourses ...
Quand l'ex-président Michel Martelly lui-même avait compris la nécessité de contourner la question en envoyant, rappelez-vous, ce groupe de jeunes en Equateur recevoir une formation en prévention des désastres et non ... en manoeuvres militaires) tandis que le président Jovenel Moïse quant à lui ne semble pas mettre des gants.
Sinon des gants de maréchal d'armée !
Au Chili après la dictature du général-président Augusto Pinochet, l'armée était tellement décriée que l'on décida de donner encore plus d'importance aux forces de police. Ce fut la Guardia civil à la portée de toutes les bourses. Aussi entrainée pour appréhender des bandits armés que pour aider une jeune femme à mettre son bébé au monde.
Mais comme le bon peuple aime les parades militaires, les défilés de la Garde civile n'ont rien à envier non plus aux troupes de Pinochet, moins les tanks parce que le Chili n'a pas l'intention d'entrer en guerre aujourd'hui contre aucun de ses voisins.
L'aide ne doit pas aliéner l'avenir du pays
MEYER, 3 Décembre – L'équipe au pouvoir vient de surprendre, aussi bien en Haïti que dans la communauté internationale, en annonçant l'offre par Haïti d'un 'soutien financier' de US$250.000 dans les efforts pour réparer les dégâts causés par les derniers ouragans Irma et Maria dans des petits Etats caribéens voisins, principalement Antigua et Barbuda et la Dominique.
Haïti a annoncé cette décision, quoique symbolique, lors d'une conférence organisée par l'ONU et la Caricom (communauté des Etats de la Caraïbe) les 20 et 21 novembre écoulés.
C'est une grande première pour Haïti. Dans tous les sens.
En effet, nous sommes principalement connus comme receveur d'aide. Et non le contraire.
Cela depuis plusieurs décennies.
Même si pendant encore plus longtemps, au moins pendant un siècle et demi d'indépendance nationale, c'est Haïti qui a toujours porté secours.
Et ça nous ne l'apprenons pas assez aux nouvelles générations. Alors que la Chanson de Roland continue d'être enseignée aux petits Français et la Légende d'Arthur aux petits Britanniques.
Même sans remonter jusqu'à la Bataille de Savannah (1779) à laquelle des ressortissants de la colonie de Saint Domingue participèrent aux côtés des troupes de George Washington, ni à l'aide en armes et en hommes fournis à Simon Bolivar, le libérateur de l'Amérique du Sud (1813), Haïti a toujours ouvert les bras aux réfugiés du monde entier : ce sont les 'Acadiens' de Louisiane après la vente de ce territoire par la France aux Etats-Unis, les Noirs libérés aux Etats-Unis après la Guerre de Sécession et qui seront encouragés par Abraham Lincoln à s'établir en Haïti, les 'Levantins' (Libanais et Syriens) arrivés après la partition de leur pays par les ex-puissances coloniales européennes ... Tout comme les Jamaïcains venus participer aux travaux de construction de la Cité de l'Exposition à l'occasion du Bicentenaire de la ville de Port-au-Prince (1950). Etc.
Jovenel Moïse règle ses comptes à ses ennemis intimes
MEYER (S.E.), 15 Décembre – Heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage mais ne sut pas ménager son retour au bercail.
Bonne prestation au sommet de Paris ('One Planet, Summit' ou Nous sommes une même Planète), le mardi 12 décembre 2017, par un chef de l'Etat haïtien qui n'est pas bureaucrate pour un sou, mais qui passe au contraire tout son temps, depuis son investiture il y a 10 mois, à parcourir notre pays en long et en large, dont le seul programme politique a pour nom : la 'Caravane du changement', et pour qui par conséquent les vocables de menaces environnementales, économie de l'eau et énergies renouvelables ne sont pas étrangers.
Le président Jovenel Moïse a donc su plaider la cause des petits Etats de la Caraïbe exposés annuellement à la menace des catastrophes naturelles (ouragans, sécheresse etc) au sommet sur le climat convoqué par le président français Emmanuel Macron à l'adresse cette fois des petites nations appelées à bénéficier d'un certain 'Fonds vert' par le truchement duquel les pays développés qui sont davantage responsables du changement climatique via leur plus forte consommation en carbone, leur apporteraient un appui financier pour aider à faire face aux dégâts enregistrés désormais pratiquement chaque année.
Le président haïtien assurera l'an prochain la présidence tournante de la Caricom ou Communauté des Etats de la Caraïbe.
Ceci dit, Jovenel Moïse a cependant, comme on dit, pété les plombs dès lors qu'il s'est agi de s'adresser à ses concitoyens lors d'une rencontre organisée avec la communauté haïtienne en France.
Reprenant le style qui l'a aidé à remporter la présidentielle (novembre 2016), consistant à se mettre à la hauteur de l'homme de la rue, le voici qui confesse avoir joué des pieds et des mains pour empêcher la publication officielle du rapport sur l'utilisation des Fonds Petrocaribe.
Il s'agit de quelque 3 milliards de dollars américains mis à la disposition de l'Etat haïtien sur les revenus de la vente en Haïti du pétrole fourni par le gouvernement ami du Venezuela.
Un rapport réalisé par une commission de l'actuel Sénat montre qu'une importante partie de ce pactole a été ou mal utilisée ou détournée par des hauts fonctionnaires sous les administrations précédentes, dont deux premiers ministres et de nombreux ministres et directeurs généraux cités nommément.
Le président Jovenel Moïse n'est supposé avoir aucun rapport avec des faits qui ont eu lieu avant son arrivée au pouvoir.
JACMEL, 11 Février – Aucune comparaison entre le carnaval de Jacmel (chef lieu du Sud Est) et celui de Port-au-Prince, la capitale.
Pour répéter un dicton populaire chez nous : c’est le jour et la nuit.
Jacmel c’est l’invention, l’originalité, le bonheur dans la création et le renouveau.
Port-au-Prince c’est le sommet du toc, c’est-à-dire entre le superficiel et la vulgarité, et surtout du gaspillage.
A Jacmel, la majorité des masques, pure invention d’artistes locaux, inspirés autant des traditions culturelles et artistiques régionales que de techniques nouvelles comme le papier mâché, le design et les matériaux de récupération, oui les masques sont de plus portés surtout par des enfants, donc faisant intervenir une grande part de jeu et de spontanéité mais en même temps garantissant que la tradition est passée aux générations futures, et que ce carnaval unique en son genre ne disparaitra pas.
Comme le fut justement celui de la capitale Port-au-Prince, qui jusque dans les années 60 et 70 était le plus grand rendez-vous culturel et touristique de la Caraïbe.