L’école haïtienne ne ressemble plus à rien!
PORT-AU-PRINCE, 22 Septembre – La rentrée est dans une semaine, retardée qu’elle a été d’un mois, hélas. Le gouvernement continue à promouvoir son programme de scolarisation gratuite et les critiques à en questionner les résultats. En quantité et en qualité !
Les syndicats d’enseignants à rappeler leurs revendications (salaire de 50.000 gourdes par mois), à coups de manifestations assorties de menaces de grève.
Le ministère de l’Education ose même annoncer la nouvelle année sous le thème : ‘virage vers la qualité’.
Tant s’en faut !
Le niveau d’instruction en Haïti en effet est en chute libre. Autrefois on critiquait l’école haïtienne pour former des perroquets à cause du bachotage intensif dans une langue (le français) insuffisamment maitrisée.
Mais aujourd’hui jusqu’au niveau de l’université, le jeune haïtien dans la majorité des cas ne peut écrire, ni même oralement s’exprimer dans aucune langue : ni français, ni créole.
La révolution du créole ! …
Voilà plus de trente ans qu’a eu lieu en effet un grand virage. La révolution du créole ! Débuter l’instruction dans la langue maternelle pour mieux l’intégrer (l’instruction) au milieu local et vice versa.
FURCY, 10 Novembre – Bizarrement l’un des endroits les plus beaux et seulement à 1 heure de voiture de la capitale, Port-au-Prince, n’est pas mentionné dans les plans de relance du tourisme.
C’est Furcy. 1.400 mètres au-dessus de la capitale. Un paysage de carte postale.
C’est probablement le même oubli qui fait que la route de Furcy soit laissée en un état aussi affreux.
Malgré tout plusieurs établissements hôteliers y ont ouvert leurs portes. Le Lodge depuis plusieurs années. Atmosphère élégante et tranquille. Mais plus récemment Rustik qui, comme son nom l’indique, combine le confort avec une ambiance plus ‘in’, plus branchée.
Et d’autres.
Jogging, promenade à cheval, exploration de grottes et même alpinisme, rien n’y manque. Et pas âme qui vive. Il ne peut pas y avoir de ‘sdf’ à Furcy. A cause du froid, pardi.
Verdure et calme plus volupté …
Et pourtant notre nouvelle carte touristique n’a pas de place pour le seul endroit de notre pays qui puisse égaler la Suisse en verdure et calme plus volupté.
Bizarre.
Ariel Henry ou ‘En attendant Godot’ !
MIAMI, 28 Janvier – ‘En attendant Godot’ est la pièce bien connue de Samuel Beckett qui fut jouée à Port-au-Prince dans les années 1960 par la compagnie française Jean Gosselin qui lors se produisait en Haïti chaque année. C’est l’histoire de deux clochards qui dans leur délire, attendent leur délivrance d’un personnage à qui ils s’adressent comme si c’était un proche, d’un surnom familier (Godot), mais en même temps hors de leur portée, car Godot bien sûr c’est God, traduisez Dieu.
Le premier ministre d’Haïti Dr. Ariel Henry n’a qu’un mot à la bouche : l’intervention étrangère pour venir nous délivrer de la situation actuelle - mais surtout le délivrer lui-même du piège dans lequel il s’est enfermé et qui chaque jour se referme sur lui davantage.
Mais son ‘God’ est, comme il se doit, tout aussi à la fois proche et lointain que le ‘Godot’ de la pièce. Appelons-le par son nom : c’est Washington. Aujourd’hui l’administration Biden.
La semaine écoulée vient de se jouer ce qui ressemblerait plutôt à un 4e acte de la tragédie racinienne. Au prochain lever de rideau, c’est le 5e acte donc le sort final n’est plus bien loin.
Voilà. On est le jeudi 26 janvier. Ariel Henry débarque de Miami. Il revient d’un sommet des pays de l’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) qui s’est tenu à Buenos Aires (Argentine) où il a débité son antienne : seule une intervention étrangère qui soit capable de délivrer Haïti des réseaux de gangs criminels dont elle est aujourd’hui prisonnière.
Mais cela fait plus d’une année que notre premier ministre adresse la même prière à qui de droit, le Godot du monde occidental, mais qui s’il ne reste pas sourd, nous fait tourner en rond s’il ne nous fait tourner en bourrique.
Cependant au fur et à mesure, la nature ayant horreur du vide dans ce domaine comme dans tout autre, eh bien la situation se gâte chaque jour, chaque heure toujours plus.
Ainsi, ce jeudi 26 janvier, notre premier ministre est attendu devant l’aéroport international de Port-au-Prince par des commandos menaçants de la police elle-même, la police nationale d’Haïti, la seule force publique alignée face aux gangs impitoyables mais déjà très faible en nombre et qui voit ses membres tomber comme des mouches.
En une semaine pas moins de treize agents trucidés et qui plus est, leurs cadavres emportés on ne sait où.
La colère est à son comble. Les policiers sont appuyés par des membres de la population criant eux aussi leur ras-le-bol.
On menace de renvoyer Ariel Henry d’où il rentrait.
Alors que se passa-t-il ?
Soudain Godot descend du ciel !
Le représentant du dieu suprême, traduisez le chargé d’affaires a.i. des Etats-Unis, M. Eric William Stromayer, débarque à l’aéroport local Guy Malary, attenant à l’aéroport international Toussaint Louverture, et sort notre PM du piège.
Une fois à l’abri, jusqu’à présent on ne sait trop où, voici ce dernier qui remet ça : ‘seule une intervention militaire internationale’ et patati et … patatras !
Mais qu’est-ce qui a changé ?
Apparemment rien. Ariel Henry va continuer avec ses mêmes lamentations. Comme un disque rayé …
Et pourtant.
Non ce qui a changé c’est que Godot a été obligé de montrer sa face. Ariel est dès à présent le zombi incarné. Qu’il le veuille ou non, mais après avoir sorti ce dernier du traquenard, c’est M. Stromayer qui est désormais lui-même aux commandes. Comme dit le créole, langue que notre chargé d’affaires semble par ailleurs apprécier : ‘Lougawou si se ou di se ou wi.’
Or cette histoire nous rappelle une autre presque en tout point similaire. On est dans les années 1986-1990. Au lendemain de la chute de la dictature Duvalier (7 février 1986). Les gouvernements provisoires se succèdent, l’ancien système ne se résignant pas à partir totalement. Au palais national s’accroche un autre serviteur zélé de Washington, le lieutenant-général Prosper Avril. Mais comme aujourd’hui le temps presse …
Débarque de la capitale américaine un certain ‘Bourik Chaje’ …
Ambassadeur Alvin P. Adams. Dès l’aéroport il annonce son ordre de mission. Et que ça saute ! Mais à la surprise générale, cela dit en bon créole : ‘Bourik chaje pa kanpe.’
MIAMI, 18 Janvier – On peut geler les salaires des membres du gouvernement, on peut diminuer les frais de fonctionnement que cela ne change rien.
Nous sommes certains que pour faire plaisir à la communauté internationale un premier ministre Ariel Henry est prêt à tout ça.
Or cela ne change rien à l’attrait qu’exercent les hauts postes de l’administration publique en Haïti vu que c’est principalement par la possibilité qu’ils offrent d’avoir accès à la multiplicité de contrats passés à droite et à gauche, tant dans le secteur local qu’à l’étranger.
Autant d’occasions de battre millions en tirant les ficelles à droite et à gauche.
Rappelez-vous ce premier ministre nommé par le défunt président Jovenel Moïse dont on découvrira que la fortune qu’il était prêt à débourser pour obtenir l’agrément du parlement à sa nomination, lui était venue en passant commande pour le gouvernement de cargaisons de … cabris, dont bien entendu personne n’avait jamais entendu le premier ‘bê-ê’ !
Tout cela sans avoir besoin de verser dans le trafic de la drogue comme n’hésiteront pas les plus voraces … mais rien que comme disait l’autre, ‘la petite corruption’, qui ne tue personne.
Ainsi le (ou la) ministre qui débarque traine avec lui (ou elle) toute une armée de petits contracteurs qui eux non plus n’ont rien à offrir que leurs propres contacts et ainsi de suite …
Car quelle plus grande bouffeuse que l’Etat haïtien en grosses cylindrées ; en achat de carburant, billets d’avion ; en organisation de fêtes champêtres et de commémorations culturelles ; y compris en commande, eh oui, de cabris et de cochons créoles comme au temps de la fameuse ‘caravane du changement’ n'est-ce pas !
Geler les salaires des ministres, bloquer les voyages aux frais de la reine comme on a entendu l’annoncer en décembre dernier par le gouvernement du Dr Ariel Henry, cela pour cultiver les faveurs de l’international … mais c’est de la petite bière tant que ne touchant pas à la pieuvre, le serpent à 7 têtes qui est la vraie raison de la chasse aux hauts postes de l’administration publique (gouvernement et parlement) et pourquoi si l’on peut dire on vendrait sa mère pour ne pas en être écarté !
Aucune crainte du côté de la communauté internationale tant qu’on ne touche pas au trafic de cocaïne, ni au trafic d’armes (laissons ça pour les vrais ‘malades’).
Voire qu’une bonne partie de ces magouilles mais bien sous tous rapports, se font aussi avec cette même communauté internationale en termes de facilités pour l’aboutissement de contrats en tout genre : aide financière ; aide humanitaire, oui ; achats de ceci et de cela jusqu’à des commandes d’armes dont des blindés bien sûr pour les forces de l’ordre, partout un petit coup de pouce venu d’en haut est toujours le bienvenu etc.
C’est l’autre corruption, celle qui ne tue personne, mais qui n’en contribue pas moins à la paupérisation générale et à l’état dans lequel nous sommes aujourd’hui tombés.
Et pour conclure, voilà pourquoi il est si difficile de trouver une solution à la crise actuelle.
Tout comme en des temps pas très anciens on parlait de deux ou trois candidats à la présidence ; or aux dernières présidentielles ils étaient plus d’une centaine si je ne me trompe ; autant aussi en nombre d’organisations et de partis politiques ; même les organisations de défense des droits humains, ou les organisations de médias qui ne se comptent plus sur les doigts des deux mains …
Et tout cela grouille, grenouille, scribouille pour répéter le général de Gaule.
Tout le monde veut sa part. Le nombre de ministères ne cesse de s’allonger, ainsi que les directions générales, et les conseils d’administration X et Y dans tous les domaines, mais plus ça change plus c’est la même chose …
PORT-AU-PRINCE, 29 Avril – 3 mai, la journée de la presse est observée en Haïti.
Mais quelle presse ?
Dans le monde entier, la presse traditionnelle va mal. Sous les coups de boutoir des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Le Miami Herald cédera dans quelques jours son superbe bâtiment du centre ville de Miami, un joyau immortalisé dans des films (‘Absence of Malice’ avec Paul Newman), pour s’abriter dans un endroit bien plus modeste à Doral, en banlieue de la métropole floridienne.
Certains grands quotidiens des deux côtés de l’Atlantique ont déjà disparu.
Ou n’existent aujourd’hui que dans leur version numérique. Sur la ‘Toile’. L’Internet.
Beaucoup de ‘layoffs’ (licenciements).
Pour commencer le système des journaux possédant leur propre presse (machine à imprimer), a depuis longtemps vécu.
La profession s’est amplement décentralisée. On écrit à un endroit (rédaction). Le ‘artwork’ (mise en page) se fait à un autre endroit.
Enfin le tout est expédié à l’imprimerie proprement dite.
Mais personne ne se déplace. Tout se passe ‘on line’. Par Internet.