On découvre une autre Haïti !
PORT-AU-PRINCE, 20 Mai – Il existe encore dans notre pays de belles cartes postales. C’est le cas dans les hauteurs dominant la capitale et pas totalement détruites par l’érosion qu’on le dit. Malheureusement pour le découvrir il faut qu’il arrive un grand malheur comme les gangs qui tiennent en otage la sortie sud de Port-au-Prince (Martissant). Ce sont principalement ceux de Village de Dieu, de Grand Ravine et Ti Bois. On les dit en concurrence mais sur le fond tous ligués pour barrer le passage aux citoyens normaux et rançonner aussi bien véhicules que piétons qui s’aventurent dans ce périmètre.
Le mercredi 18 mai je rageais de ne pouvoir, de retour à la capitale, laissant Mariani pour prendre la Route des Rails, accomplir les quelques 15 minutes qui restent pour arriver à destination sans devoir nous lancer à travers bois afin d’éviter les gangs qui tiennent en otage la seule entrée normale : Martissant.
A Diquini, peu après Carrefour (chef-lieu de la commune), on s’engage par une route étroite et apparemment à peine aménagée, une longue montée poussiéreuse cependant déjà largement habitée et image de la surpopulation qui étrangle la capitale Port-au-Prince de tous les côtés …
Puis soudain, du vert partout. La montagne. ‘Aprè mòn genyen mòn.’ Un autre monde, et qui n’est troublé que par le grondement des taxi-motos qui sont le principal moyen aujourd’hui de transport en commun.
Le chemin devient soudain aussi plus large, en terre battue mais assez fraichement aménagé, donc là pour durer.
Par conséquent les pouvoirs publics, bref l’Etat s’est fait aussi une raison : le phénomène gang ne va pas forcément disparaitre de sitôt.
Tout ici appartiendrait à une seule personne. Il a pour nom ou plutôt un prénom, Toto ...
Cependant on ne peut ne pas s’étonner que ce coin semble moins reproduire le schéma traditionnel du pays dévoré jusqu’aux entrailles par le phénomène de l’érosion alliée à la surpopulation.
Jovenel est déjà un demi-dieu …
MEYER, 10 Mai – Selon la tradition haïtienne de toujours sanctifier les disparus pour ne pas dire : les absents ont toujours raison (!), on commence à créer une nouvelle image du défunt président Jovenel Moïse, assassiné dans sa résidence le 7 juillet 2021 sans (exceptionnellement) rien ni personne pour lui porter secours. Mort seul dans sa peau. Et pourtant voici que c’est une image de ‘papa bon cœur’ qui de plus en plus se dessine à son sujet.
Nous sommes à Jacmel, chef-lieu du Sud-est où le président Jovenel Moïse avait tant de mécontentement contre lui qu’il avait dû faire atterrir son hélicoptère dans le lit de la rivière pour ne pas encourir de difficultés au moment de son départ.
Pourtant aujourd’hui on se souvient que sous son administration un nouveau système d’adduction d’eau potable à domicile, y compris dans les faubourgs nouvellement construits (Meyer etc), était créé qui, justement, ne fonctionne déjà plus … afin que bien entendu les distributeurs privés par camion puissent recommencer à avoir le monopole.
Idem pour l’électricité.
Tandis que pour raison salariale, la voirie est absente et les rues souvent transformées en poubelles.
Etc.
Jovenel Moïse est donc déjà passé à l’Histoire … avec un grand H.
Il en est ainsi en Haïti. Des présidents de la république comme de n’importe qui. Vivant vous faites de l’ombre. Décédé, ouf !
Mais seuls les présidents qui ont ce privilège d’avoir accès immédiatement à l’Olympe.
Chez nous les absents ont toujours … raison. Mais vous aurez l’obligeance de mourir d’abord, n’est-ce pas ! …
Interrogeant dans son exil new-yorkais l’ex-président général Paul Eugène Magloire et le tombeur du président Dumarsais Estimé, il nous présenta ce dernier comme s’il avait été sur le point de devenir un Papa Doc avant la lettre … lorsque l’armée décida de le renverser.
Outre que le futur dictateur à vie, François Duvalier, était déjà un membre éminent du gouvernement Estimé.
Cependant aujourd’hui le président Estimé est porté plus qu’aux nues mais au panthéon vodou (‘Papa Gede bèl gason’) siégeant aux côtés du fondateur de la nation, Jean-Jacques Dessalines qui fut lui aussi assassiné, avant d’être déifié.
Tandis qu’aujourd’hui même le terrible Papa Doc, assassin de plusieurs milliers que comme Néron aux fauves dans les jeux de cirque, il a livré à ses monstres de Fort Dimanche-Fort La Mort, même Duvalier père qui prend de nouvelles couleurs avec l’actualité des gangs armés qui kidnappent et tuent et ont plongé le pays dans un cauchemar total.
Ah, entend-on partout, vivement Papa Doc !
Eh bien oui, chez nous les absents ont toujours … raison. Mais vous aurez l’obligeance de mourir d’abord, n’est-ce pas !
Voire sans personne pour voler à votre secours comme le président Jovenel Moïse. La trahison suprême.
Dès lors aussi vous êtes digne d’un héros de Shakespeare.
Digne des plus profondes interrogations du genre : Qui t’a fait roi ?
Tout de suite des doigts accusateurs se tendent vers ces derniers. Jovenel s’est-il rebellé contre ceux-là, qui en réaction auraient ourdi l’attentat de la nuit du 6 au 7 juillet 2021 ?
Cependant la grande tragédie n’est jamais à une interprétation près. Comme par exemple encore celle-ci : ‘La suffisance comme l’orgueil va au-devant de la destruction et l’esprit supérieur n’est jamais loin de la chute.’
MEYER, 5 Mai – Le président américain Joe Biden vient de promettre 33 milliards de dollars en aide à la reconstruction de l’Ukraine.
Récemment le Sénat américain approuvait déjà 13, 6 milliards.
C’est la principale méthode choisie par les Etats-Unis pour faire face à l’invasion militaire de ce pays par sa puissante voisine, la Russie du président Vladimir Poutine.
Dans le même temps l’Union européenne, par la voix de sa présidente Ursula von der Leyen, offre 10, 1 milliards d’euros au pays du président Volodymyr Zelensky.
Du côté du Canada, on annonce 245 millions ( ! ).
Haïti n’est pas impliquée dans le conflit russo-ukrainien sauf que force est d’avouer que les grands donateurs en question sont aussi ceux qui nous aident aussi, pour ne pas dire qui portent notre pays à bout de bras.
La dernière importante aide à Haïti annoncée par l’USAID se chiffrait au total, si l’on ne se trompe, à 24.4 millions de dollars.
Or Haïti est le même pays qui accumule aujourd’hui ‘300 millions de dollars de déficit de balance commerciale par mois’, selon un économiste crédible.
‘Nous importons pour 400 millions de dollars américains par mois et exportons difficilement pour 100 millions’, nous dit le PDG du Group Croissance, Kesner Pharel (cité par Fernando Live).
Par conséquent Haïti vit encore plus aujourd’hui qu’avant, aux crochets de la manne internationale.
L’aide la plus importante, et de loin, c’est celle qu’Haïti reçoit de la diaspora, de ses plus de deux millions de ressortissants sous tous les cieux …
Or les pays qui jouent le plus ce rôle à notre endroit sont également ceux le plus impliqués financièrement comme on vient de voir, dans la crise ukrainienne : les Etats-Unis (US-AID) et l’Union européenne (UE).
Tout avait très mal commencé avec une averse qui a duré une bonne partie de la nuit et de la matinée du dimanche 1er Mai.
Mais soudain 10 heures a.m. quelques rayons de soleil commencent à percer.
‘NOU MARE LA PLI A !” disent les gens de la communauté. La pluie est terminée.
Et doucement les unes après les autres les tables se déplient, les chaises commencent à se répartir autour des tables, les vendeurs de nourriture commencent aussi à arriver.
Et enfin les auteurs et écrivains. Même si nous avons remarqué que ces derniers ont préféré s’installer dans des endroits couverts. On ne sait jamais !
Quand la marchandise c’est le livre, alors mieux vaut ne pas prendre ce genre de risques.
Combien d’auteurs en signature ? Sont-ils tous là ? Nous ne savons pas.
Mais ce que nous avons remarqué c’est l’abondance des voitures. Donc des éventuels acheteurs. Ou des afficionados. Pourtant nous n’avons pas eu l’impression qu’ll y avait tant de visiteurs que ça. Non la grande foule n’était pas au rendez-vous ce dimanche Premier Mai, pour la Foire du Livre ou Little-Haiti Book Fair mais ce qui n’a pas empêché les principales activités d’avoir lieu !
Dont ;
. le Dj Nickymix avec les performances de la Troupe de Danse Tradisyon Lakou Lakay, égrenant des airs de Haitian konpa, Roots et Rara music, tandis que des spectateurs ne pouvant se retenir, se levaient pour exécuter quelques pas de danse …
Suivent les danseuses de Tradisyon Lakou Lakay dans leurs robes bariolées aux couleurs vives !
L’ambiance y était même si pas aussi folle que d’habitude !
Puis projection d’un film sur les : Madan Sara. Et à 1h30 pm une Conférence sur le vaudou avec le Dr. Jerry Gilles et la chanteuse et activiste Carole Démesmin.
Une autre activité très attendue ce Premier Mai a été celle consacrée aux enfants.
Avec intervention de Asser San Val, Edwidge Danticat, Jessica Fièvre… ainsi que Marleine Bastien qui vient de produire un livre pour enfants; THE ADVENTURES OF ANGELIN, dont elle a lu quelques passages à la Salle de conférence.
Lire la suite : Dimanche 1er Mai : Little-Haiti Book Festival
Nouvel Axe Afrique-Caraïbe
Que devient notre Haïti ?
MIAMI, 19 Avril – Est-ce le grand rapprochement ? Pour paraphraser un mot si cher à l’extrême-droite européenne : le Grand Remplacement. Chez cette dernière c’est pour traduire sa hantise de la migration Sud Nord. Comme s’il n’y avait pas eu Christophe Colomb au 15e siècle dans un grand mouvement de migration Est-Ouest etc? Et ainsi de suite depuis la nuit des temps.
Toujours est-il que cela se met soudain à bouger entre le continent africain et la Caraïbe. Avec la Jamaïque annonçant à la couronne britannique son intention de recouvrer son indépendance plus totalement ; puis la visite officielle (11 avril 2022), toujours à la Jamaïque, du président rwandais Paul Kagame, également secrétaire général de l’UA (Union africaine).
On pourrait signaler aussi les fréquents voyages de notre très remuant ex-sénateur Moïse Jean Charles qui, à son déjà lourd carnet d’adresses (en tête le Venezuela du président ‘socialiste’ Nicolas Maduro) vient d’ajouter aussi l’Afrique. Et sûrement pas par hasard, entre autres le pays du président Paul Kagame, le Rwanda.
Comme quoi la Jamaïque est la nouvelle plateforme dans ce mouvement Est-Ouest … là où c’était, mais oui, jusqu’ici et pendant longtemps, Haïti.
En dehors d’être la Première république noire indépendante (1804), Haïti terre natale de l’un des premiers théoriciens du mouvement de revendication de la culture Nègre, le professeur Jean Price Mars (‘Ainsi parla l’Oncle’) ; la seule délégation officielle du continent américain au Premier festival des Arts Nègres au Sénégal (1966) ; le pays qui fut visité par l’empereur Hailé Sélassié d’Ethiopie (26 avril 1966) après que Haïti eut défendu l’indépendance de cette dernière envahie par l’Italie fasciste de Mussolini (1935) préludant à la 2e Guerre mondiale; la terre chantée par Aimé Césaire dans plusieurs œuvres magistrales dont ‘La Tragédie du Roi Christophe’ ; et enfin visitée aussi par le président sénégalais Léopold Cedar Senghor en 1976.
Et depuis, plus rien.
Allez le dire à notre défunt président, Jovenel Moïse (assassiné le 7 juillet dernier dans sa résidence et seul face à ses assassins), mais qui sous-estimait les sommets de la communauté caraïbe (CARICOM), orienté plutôt par ses relations politiques ou d’affaires loin de notre continent (sauf bien sûr Washington qu’il s’arrangeait pour contenter à n’importe quel prix et tant pis pour son propre pays), entrainé loin d’ici vers plutôt les riches émirats du Golfe, en quête probablement d’enrichissement plus facile et fort souvent … personnel.
Qui va à la chasse perd sa place ! Kingston a bien mijoté son coup si l’on peut dire. D’abord depuis quelques années un projet de referendum pour se distancer une fois pour toutes de la monarchie britannique, du système adopté depuis l’indépendance de l’île en 1962 dit ‘Commonwealth’ ou communauté de nations.