Un Haut Conseil Sans Transition !
MIAMI, 8 Février – Le Haut Conseil de la Transition (HCT) a enfin été installé le lundi 6 février 2023. ‘Epi epi anyen’. La cérémonie d’installation a été un échange de politesses de part et d’autre comme il se doit. Mais aucun changement à l’horizon ; aucun plan ni stratégie pour nous sortir du bourbier. Aucune redistribution des cartes quand il est évident que l’équipe en fonction n’est pas à la hauteur du défi : comment empêcher la disparition pure et simple de la nation, quelles formules, quel plan, quels moyens ?
Il suffit pour cela de parcourir les discours des intervenants, principalement Mme Mirlande Hyppolite Manigat comme membre du HCT et le Premier ministre Ariel Henry investissant le Haut Conseil.
La seule décision (mais aucune confirmation officielle) semblerait celle par les trois membres du Conseil (composé de Mirlande Hyppolite Manigat - secteur politique ; Laurent Saint Cyr - secteur privé et Calixte Fleuridor, religions société civile) de choisir Mme Manigat du moins comme porte-parole, puisqu’elle a été la seule à prendre la parole.
Mais pour n’annoncer rien de bien particulier. Certes de grandes résolutions mais pas plus, qui plus est aucun plan nouveau, et encore nouveau s’il n’y en avait jamais eu ! Mais la réalité parle d’elle-même : Seuls les gangs qui font et défont. Et depuis plus d’une année sans désemparer.
Attendez, ne voyez pas là des reproches, c’est bien trop facile. Mais si le mot d’ordre c’est retroussons-nous, nous tous, les manches, encore faut-il commencer quelque part, un plan, une ébauche ?
Mais aucun jusqu’ici. Des résolutions ‘pa pil e pa pakèt’, mais rien que des mots. Or après tout le raffut qui a été fait autour de la naissance de ce Haut (si Haut !) Conseil de la Transition on était en droit d’attendre un petit peu plus, ‘mezanmi’ ?
Pour cela nous citons les deux principaux intervenants du lundi 6 février 2023.
Mirlande Hyppolite Manigat : Après les salutations d’usage : « J’en profite, au nom de mes collègues, Laurent Saint Cyr et Calixte Fleuridor, pour présenter nos plus vives et sincères félicitations à l’équipe indépendante de facilitation . Par son travail et son sens du compromis, elle a légué à la postérité un instrument que le pays n’oubliera pas de sitôt. »
(Attention Mme Manigat d’abord cela s’appelle ici : ‘plaider pour sa paroisse !).
Nous poursuivons : « Nous avons pris l’engagement de nous mettre au service du peuple. C’est désormais l’unique opportunité de mettre de côté ce qui nous divise pour prioriser la réussite de notre mission. Ainsi remercions-nous ces associations qui ont placé leur confiance dans notre patriotisme ». (Ici on reconnait l’accent à la Manigat !)
Plus loin : « Les prescriptions du Haut Conseil de la Transition sont clairement définies. Tout converge vers un seul objectif : créer un climat favorable à l’organisation de nouvelles élections dans le dessein de reconstituer les institutions démocratiques.
« Nous devons nous convaincre que la réalisation des élections est conditionnée par différents facteurs dont l’apaisement social et la sécurité assurée sur tout le territoire.
« A ce compte, nous du HCT en appelons aux forces de l’ordre pour qu’elles resserrent les rangs, en s’impliquant encore plus dans la lutte contre ce banditisme organisé, voué à la déstabilisation permanente de la société et à l’anéantissement des acquis démocratiques.
« Nous invitons avec tout le poids de l’autorité dont nous sommes investis, les amis de la communauté internationale à tenir les engagements qu’ils ont pris d’assister les organes de maintien de l’ordre dans la lutte contre la malveillance sociale.
« Trois grands chantiers nous attendent immédiatement : il s’agit du remaniement constitutionnel, du renforcement du système judiciaire et de la formation du Conseil électoral » (fin de citation).
Mille regrets mais comme on peut voir, il n’y a rien de bien particulier dans ce discours d’installation sinon que c’est bien écrit comme il se doit d’une personne aussi instruite et capable, mais rien que des mots, rien qui puisse rallumer l’espoir car c’est de cela d’abord qu’il s’agit face à la disparition annoncée. Bref ce n’est pas du Winston Churchill !
Comme si Mirlande Manigat s’avançait sur la pointe des pieds, craignant de faire le moindre faux pas. Le seul terme qui montre qu’elle n’est pas dupe c’est celui de ‘banditisme organisé’. Mais organisé par qui ? Motus et bouche cousue.
En un mot, nous ne sommes pas sortis de l’auberge.
Bref dans quel cadre politique et institutionnel se situe le Haut Conseil de la Transition puisque n’étant pas prévu dans la Constitution en vigueur ? Alors même qu’il doit intervenir pas seulement dans l’application de cette dernière mais également dans son éventuelle révision ? …
Quant au premier ministre Ariel Henry, que se passait-il dans sa tête pendant la cérémonie d’installation du Haut Conseil de la Transition ?
On ne saura non plus.
Quelle place a le HCT dans sa cosmogonie du pouvoir ? Allez savoir.
Ou plutôt écoutons-le, alors que nous devrions être à un tournant plus qu’important vu que ce nouvel organe doit aider à secouer l’action gouvernementale et faire renaitre l’espoir que tout n’est pas perdu et que en avant, en avant ! …
Mais, et en cela conformément à son image c’est un Ariel Henry qui, marchant constamment sur des œufs, choisit bien ses mots et pour finalement, oubliant surtout que le moi est haïssable, nous ramener au même point de départ : l’Etat c’est moi !
« Je m’étais engagé, depuis ma prise de fonction, devant la nation, à prendre mon bâton de pèlerin et aller à la rencontre des divers secteurs de la vie nationale en vue de construire un consensus suffisant autour d’un accord politique et c’est ce qui est fait.
« Je donne la garantie au HCT que le gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour lui procurer les moyens nécessaires pour le mettre en situation d’accomplir sa mission. »
Et quelle mission ?
« Rétablir la sécurité en démantelant les gangs armés ; continuer les réformes économiques ; réviser la Constitution ; organiser les prochaines élections libres, honnêtes et transparentes et remettre le pouvoir aux élus » déclare Ariel Henry.
Et tout cela en à peine quelques mois.
Pourtant en regardant d’un peu plus près les trois membres (déjà seulement trois) du HCT on n’a pas tant l’impression, comme dirait Cyrano, que ce sont là des ‘géants’ !
De plus les mains nues puisqu’aucun moyen d’action – ni politique ni structurel ou organisationnel, serait-ce le concours du ‘peuple souverain’ – rien n’a été annoncé, rien ne semble même prévu, pas la moindre allusion à ce sujet.
Que Mme Mirlande Manigat ait commencé en faisant état de sa foi (‘la chrétienne que je suis’ dit-elle au début de son intervention … ), cependant on doute qu’elle sache faire aussi des miracles !
Tout comme on n’arrive toujours pas à distinguer où se situe le HCT dans l’alchimie organico-politico-gouvernementale, bref au niveau de la prise de décision, ce qui va de soi vu les tâches aussi immenses que délicates qui lui sont assignées comme nous venons d’entendre ?
Critiquer n’est pas détruire. Mais toute intervention de cette importance doit s’inscrire dans un cadre clairement défini sinon c’est peine perdue. Or on n’a plus rien à perdre. Mais rien ...
Bref dans quel cadre politique et institutionnel se situe le Haut Conseil de la Transition puisque n’étant pas prévu dans la Constitution en vigueur ? Alors même qu’il doit intervenir pas seulement dans l’application de cette dernière mais également dans son éventuelle révision ?
C’est totalement fou.
La cérémonie du lundi 6 février n’y apporte en tout cas aucune réponse. Est-ce voulu ? Nous l’espérons car si c’est pour faire seulement de la figuration on est déjà largement servi avec un gouvernement qui ne peut même pas faire sortir … la plus petite bande ‘rabòday’ à l’occasion du carnaval.
Cependant contrairement à beaucoup d’autres, nous ne désespérons pas de voir quelque chose en sortir. Car dans un pays où le désespoir est la règle, on ne peut fermer la porte aux tentatives par des citoyens respectables.
Critiquer ce n’est pas détruire. Néanmoins toute intervention de cette importance doit s’inscrire dans un cadre clairement défini sinon c’est peine perdue. Et on n’a plus rien à perdre. Mais rien.
Marcus Garcia, Haïti en Marche, 8 Février 2023