L’école haïtienne ne ressemble plus à rien!

PORT-AU-PRINCE, 22 Septembre – La rentrée est dans une semaine, retardée qu’elle a été d’un mois, hélas. Le gouvernement continue à promouvoir son programme de scolarisation gratuite et les critiques à en questionner les résultats. En quantité et en qualité !
Les syndicats d’enseignants à rappeler leurs revendications (salaire de 50.000 gourdes par mois), à coups de manifestations assorties de menaces de grève.
Le ministère de l’Education ose même annoncer la nouvelle année sous le thème : ‘virage vers la qualité’.
Tant s’en faut !
Le niveau d’instruction en Haïti en effet est en chute libre. Autrefois on critiquait l’école haïtienne pour former des perroquets à cause du bachotage intensif dans une langue (le français) insuffisamment maitrisée.
Mais aujourd’hui jusqu’au niveau de l’université, le jeune haïtien dans la majorité des cas ne peut écrire, ni même oralement s’exprimer dans aucune langue : ni français, ni créole.

 

La révolution du créole ! …
Voilà plus de trente ans qu’a eu lieu en effet un grand virage. La révolution du créole ! Débuter l’instruction dans la langue maternelle pour mieux l’intégrer (l’instruction) au milieu local et vice versa.

Même s’il n’existe pas de conclusions scientifiquement établies à l’heure du bilan (nous avons plein de sociologues mais qui font tout pour vivre, hélas, sauf de la sociologie !), on peut affirmer que serait-ce au stade du primaire il existe un plus grand nombre d’écoliers haïtiens qui comprennent probablement un peu mieux de quoi ils parlent qu’autrefois.
Nous entendons par là que c’est un pas important pour commencer à nous dégager de la cruelle sélectivité (appelée encore élitisme) qui n’est au sens large qu’un appauvrissement planifié et au final la reproduction du vieux système qui est  à l’origine (du moins à l’origine) des tares que nous connaissons.

 

Nouvelles technologies de la connaissance …
Mais où est la prochaine étape ?
Une fois ces premiers pas accomplis, de quoi dispose le jeune haïtien pour parfaire son instruction ?
    Pendant ces mêmes trente années, des intellectuels ont continué à lutter pour donner au créole ses lettres de noblesse, en soutenant par exemple que notre langue maternelle peut exprimer les pensées les plus sophistiquées.

   Mais l’haïtien comme toujours manquant de sens pratique (les intellectuels en question ayant été formés eux aussi à la vieille école du bachotage), combien d’ouvrages ont été produits en créole permettant au jeune haïtien de progresser dans la pensée universelle si indispensable aujourd’hui pour une véritable appropriation des nouvelles technologies de la connaissance sinon on risque de devenir encore plus qu’autrefois un perroquet.
    Et cette fois proprement inaudible ! Des perroquets ‘bèbè’. C’est à dire ne parlant aucune langue. Ni créole. Ni français. Ni chinois ! Et qui pis est, sans aucunement le réaliser, sans en avoir conscience le moins du monde puisque … ‘kreyòl pale, kreyòl konprann’ (ce qu’on pourrait traduire par : en créole tout se vaut !). Danger. Cela veut-il dire : il ne nous faut rien de plus ( ?).  
       
Un double handicap …
Ceci parce qu’une deuxième révolution n’a pas (encore) eu lieu. Celle qui doit sortir la langue de sa gangue native. De son folklorisme. Au contraire ce dernier est porté aux nues comme une preuve de légitimité. D’où nécessité d’une nouvelle réflexion.
    Mais la situation est plus que critique. Voici des jeunes qui terminent l’université et qui sont lâchés sur le marché du travail avec un double handicap. Le passage au français qui était prévu dans la ‘révolution du créole’ n’a pas eu lieu. Et secundo, faute d’ouvrages appropriés (car les polycopiés, d’ailleurs généralement en français, ne constituent pas une réelle bibliographie), ils sont en panne. Au travail incapables de remplir leur tâche avec compétence.
Ni de compléter leurs études à un niveau supérieur (maîtrise).
    D’ailleurs les dernières épreuves officielles ont été catastrophiques. Mais rien n’est prévu. On n’entend personne aborder la question sous cet angle.
Sauf les employeurs qui ne savent où donner de la tête avec nos jeunes émoulus d’une école haïtienne qui ne ressemble désormais plus à rien.

 

Haïti en Marche, 22 Septembre 2012