SPECTACLE TROPICANA-BACOULOU
Pour les adieux du président Privert
PORTAU-PRINCE, 4 Février – Pour ses adieux à la présidence provisoire qu'il a incarnée durant une année (février 2016 à 2017), Jocelerme Privert a organisé un spectacle sur la cour du palais national le samedi 4 février écoulé en guise de remerciements à ses collaborateurs et aux institutions, nationales et internationales, qui l'ont aidé à accomplir la mission qui lui avait été assignée : achever le processus électoral pour doter le pays de dirigeants légitimement élus, dont les présidentielles du 20 novembre 2016.
Un président élu, Mr Jovenel Moïse, prêtera le serment constitutionnel ce mardi 7 février 2017, devant une Assemblée nationale pour une bonne part fraichement sortie aussi des urnes.
Outre des élections le 29 janvier écoulé pour les assemblées locales, lesquelles n'avaient pas été renouvelées depuis plus d'une décennie.
C'est donc avec un sentiment du devoir accompli que Jocelerme Privert a annoncé qu'il remettra les clés du palais national à son successeur élu au matin du 7 février 2017.
Ce ne fut cependant pas une promenade dans un jardin de roses. Il y eut quelques embuches politiques ( ! ), ainsi que de gros obstacles sur le plan économique (le pouvoir précédent avec le président Michel Martelly laissa une économie saccagée par une utilisation peu scrupuleuse des fonds publics), mais c'est sur les ravages de l'ouragan Matthew (dans 4 départements géographiques du pays) que Mr Privert mit surtout l'accent, pour remercier la communauté internationale qui, après avoir boudé dans un premier temps non contente de l'annulation des présidentielles de l'année précédente pour cause de 'fraudes massives', n'hésitera cependant pas une minute pour voler au secours de nos populations frappées et apportant du même coup une assistance précieuse au gouvernement en place.
Dans l'assistance se trouvaient entre autres l'ambassadeur des Etats-Unis en Haïti, Mr. Peter F. Mulrean, ainsi que la représentante du Secrétaire général de l'ONU, Mme Sandra Honoré.
Un abrazo fraternel ...
Mr. Privert a remercié aussi tout particulièrement le président de la Chambre des députés, Cholzer Chancy, ainsi que le président du Conseil électoral provisoire (CEP), Léopold Berlanger et ses co-conseillers, sans oublier le directeur exécutif du CEP, Mr. Uder Antoine.
Un abrazo fraternel pour le premier ministre Enex Jean-Charles et les membres du gouvernement, dont le président Privert se dit fier que celui-ci ait conservé son esprit d'équipe jusqu'à la fin.
Pour cette sortie de scène, Jocelerme Privert a choisi de magnifier la culture. La nôtre avec un show de la troupe de danse Bacoulou (dirigée par une professionnelle internationale, Dame Yvrose Green) et le célèbre Tropicana de Cuba pour sa première représentation en Haïti.
L'Africa mater ...
Ce n'est pas un hasard cette rencontre entre Tropicana et Bacoulou. Mais une consécration pour deux institutions sorties de la même matrice : le vodou. L'Africa mater.
C'est l'occasion de revivre l'histoire de ces deux îles (Cuba et Haïti) qui ne sont pas voisines seulement par la géographie mais aussi dans l'âme.
Alors que sur la même terre que nous, nos voisins dominicains ont refusé l'africanité pour inscrire sur leur acte de naissance 'indio', Cuba conserve avec on dirait encore plus de fierté que nous Haïtiens le vodou ('Santeria') qui a pu même se développer davantage qu'avant sous le régime castriste.
Cependant le Tropicana de La Havane est une institution qui a traversé les différents régimes politiques pour devenir une image de marque par excellence pour nos voisins.
On ne s'imagine pas Cuba sans le Tropicana.
Cette plus large ouverture sur le monde fait aussi que son spectacle, tout inspiré des mêmes sources africaines (afro-cubaines), présente un aspect plus dilué dans son essence, moins occulte tandis que Bacoulou quant à lui semble vouloir faire descendre les 'esprits' (divinités) directement sur la scène.
Super-spectacle sons et lumières ...
Il faut remonter aux années 1940, celles dites de la Renaissance (marquant la fin de l'Occupation américaine d'Haïti), quand notre pays influencera la culture régionale, y compris aux Etats-Unis l'école dite de Harlem, avec le poète Langston Hugues, ami de Jacques Roumain.
Tandis que La Havane attirait les capitaux touristiques (casinos et ... mafia), ce sont les anthropologues qui faisaient le voyage d'Haïti, ce peuple qui a conservé son africanité mieux que l'Afrique elle-même !
C'est toute cette belle page d'histoire que nous avons aussi été invités à revisiter ce samedi 4 février sur la cour du palais national dans un super-spectacle sons et lumières.
Avec cependant un moderato, c'est que le vrai public n'était pas au rendez-vous.
Pour une telle confrontation de styles et de cultures, il faut un public populaire, c'est à dire qui n'hésite pas à traduire ouvertement ses sentiments et ses émotions, qui se reconnaît davantage dans les divers aspects du spectacle, cela dans un échange nécessaire aussi aux artistes pour se donner plus à fond.
C'est ainsi que même sans traduction en créole ou en français, le sens des chants entonnés pendant le spectacle de Tropicana n'aurait pas échappé à un public populaire, autrement dit plus branché sur les symboles qu'ils véhiculent. Sans quoi on s'y perd. Et les acteurs un peu eux aussi.
La vraie rencontre Tropicana-Bacoulou ce n'est donc que parie remise.
Marcus-Haïti en Marche, 4 Février 2017