PORT-AU-PRINCE, 29 Mars – Le secrétaire général de l’OEA (Organisation des Etats Américains) a reçu un accueil plutôt frais du côté de la classe politique haïtienne.
C’est la visite d’adieu de Mr Jose Miguel Insulza qui sera remplacé le mois prochain par le nouveau secrétaire général, l’Uruguayen Luis Almagro.
Mr Insulza est venu promettre l’assistance de l’OEA pour les prochaines élections haïtiennes.
Elections à tous les niveaux. Législatives (20 sièges du sénat sur 30 ; toute la chambre des députés / 119 ; 140 municipalités) et avant la fin de l’année un nouveau président de la république pour succéder à Michel Martelly en février 2016.
Le secrétaire général sortant a annoncé qu’une mission de l’OEA va arriver instamment pour prendre position dans le pays.
Voilà des propos qui autrefois seraient reçus avec un ouf ! de soulagement : Youpi, la communauté internationale appuie la jeune démocratie haïtienne !
Une histoire qui avait bien commencé ...
Mais, hélas, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Et lors de sa visite au sénat (les 10 sénateurs encore en fonction) ou dans ses rencontres avec des leaders politiques, Mr Insulza s’est fait rabattre passablement le caquet.
Les rapports de la communauté internationale avec la démocratie haïtienne ne sont plus autant une histoire d’amour.
PORT-AU-PRINCE, 1er Avril – Mirlande Libérus Pavert, ex-sénatrice et réputée un bras droit de Jean-Bertrand Aristide durant son second mandat brutalement écourté (2001-2004), est recherchée par la justice haïtienne comme auteur intellectuel de l’assassinat du journaliste Jean Dominique, le 3 avril 2000, voilà déjà 15 ans.
Mme Libérus Pavert vit aux Etats-Unis depuis le renversement du gouvernement Aristide-Lavalas en février 2004.
Elle ne semble avoir été l’objet d’aucune inquiétude de la part des autorités judiciaires américaines contrairement à de nombreux autres ex-collaborateurs du président renversé. Celui-ci de son côté est resté 7 ans en exil en Afrique du Sud avant de regagner Haïti en 2011.
Le juge actuellement en charge du dossier de l’assassinat de Jean Dominique, Yvickel Dabrésil, a instruit le ministre de la justice, Me Pierre Richard Casimir, qui de son côté a transmis à son collègue des affaires étrangères, Pierre Duly Brutus, la demande d’extradition de l’ex-sénatrice auprès des autorités américaines afin qu’elle puisse comparaitre devant la justice haïtienne.
Le dossier a été une nouvelle fois relancé par l’assassinat le mois dernier de Oriel Jean, ex-chef de la sécurité rapprochée du président Aristide au palais national.
Oriel Jean a été abattu en plein jour le 2 mars écoulé à Port-au-Prince. Et comme toujours, par des individus à moto !
MEYER, 18 Avril – Sonson Lafamilia n’a pas été reconnu non coupable, il a été libéré. C’est le cas de dire : sans aucune autre forme de procès.
Comme si le président Michel Martelly, en vertu des pleins pouvoirs que la Constitution est censée lui accorder jusqu’aux prochaines législatives, avait pris un décret en faveur de la remise en liberté de son proche partisan. Et pas n’importe lequel : accusé de trafic de stupéfiants et de kidnapping et à la tête d’un gang qui, selon le rapport de police et non de simples rumeurs, a ramassé ainsi plus d’un million de dollars.
Voici donc le peu de cas que fait notre président de la justice, dont la même Constitution fait cependant aussi de lui le gardien suprême. C’est-à-dire qu’il n’en fait aucun cas. Il en a tout simplement marre notre président. Marre de tout. ‘I don’t care ; kite mele dada m’, comme il chantait quand il n’était qu’un amuseur public, époque où Sonson Lafamilia appartenait justement au cercle intime. Ou au moins, comme le reconnaît un sénateur proche du pouvoir : ‘un ami de bal.’
Procès d’Al Capone ! …
Car on aurait pu faire au moins un simulacre de procès. Attendu que, etc. Ou encore vu l’absence de témoins clé. Du genre, oui, souvenez-vous du procès d’Al Capone !
Mais remise en liberté avant même l’ouverture des débats et sur constatation par un juge Lamarre Bélizaire que tout le monde considère comme un toutou du pouvoir en place, sous le simplissime prétexte que le dossier est vide, alors qu’il existe un rapport de la police judiciaire portant sur des faits vérifiés par des descentes sur les lieux et parlant à certains des accusés et à leurs complices, outre leurs victimes, cela sombre dans le grandguignolesque, c’est ridicule. C’est se foutre de la gueule du monde entier.
Mais c’est tout à fait peut-être un reflet fidèle de l’état d’esprit actuel de notre président. ‘I don’t give a s … .’
Michel Martelly est entre plusieurs enclumes et plusieurs marteaux.
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PORT-AU-PRINCE, 23 Avril – Avec Martelly, Washington n’est pas seulement l’occupant c’est aussi le père fouettard.
Le président Michel Martelly s’arrange-t-il avec son premier ministre et compère Laurent Lamothe pour ne tenir aucune élection depuis leur arrivée au pouvoir en 2011 afin de mettre le législatif en caducité et les municipalités sous leur contrôle et pouvoir gouverner le pays par décrets c’est-à-dire une dictature de facto à partir du 11 janvier 2015 que le ‘grand voisin’ est obligé d’intervenir pour dire autant ! Sinon on allait droit au casse-pipe.
Le premier ministre Lamothe est mis de côté et le président maintenu plus ou moins en laisse.
Mais personne pour constater qu’y a comme un défaut et qu’il suffit de quelques petits cyniques pour lesquels la Constitution ne vaut même pas du papier hygiénique, et de leurs conseillers internationaux (véritables mercenaires sans feu ni lieu) pour envoyer tous ces principes plus théoriques que tout, y compris nos marxistes primitifs, par-dessus les moulins et rétablir la dictature. Elémentaire !
Dieu merci, ces derniers n’échappent pas eux aussi à la désuétude du système. Et ne font pas mieux.
Washington doit alors se résigner à effacer tout mais, faute d’alternative, plutôt dans le genre : on prend les mêmes et on recommence.
En effet quelle alternative quand l’opposition, ou ce qui se réclame comme tel, elle non plus n’a pas évolué d’un pouce sinon le même ‘rache manyòk banm tè a blanch’, la même table rase qui nous a déjà valu trois décennies de marche arrière depuis la chute de la dictature Duvalier, le mal suprême, en 1986.
Caperton de service …
A peine rentré à Washington après avoir géré la déposition (du moins officielle car rien ne l’empêche de régner toujours dans les coulisses) du premier ministre Laurent Lamothe que le nouveau Caperton de service (l’Amiral Caperton qui avait commandé les troupes d’occupation américaine d’Haïti / 1915-1934) doit se précipiter à nouveau à Port-au-Prince pour s’assurer que le processus électoral a bien (enfin plus ou moins bien) démarré et que les voisins dominicains ne s’amusent pas eux aussi à tout faire dévoyer sous prétexte d’anti-haïtianisme mais plutôt pour camoufler leur propre hantise, leur trouille, en face de la lune de miel Washington - La Havane, vu qu’ils ont été les principaux bénéficiaires de la Guerre froide dans la Caraïbe.
Lire la suite : Ne tirez pas sur le Yankee ! Enfin pas uniquement …
JACMEL, 2 Mai – A Jacmel, la richesse ne fait pas le bonheur. Et vice versa.
Le 1er Mai, fête patronale de la ville de Jacmel, chef lieu du département du Sud-Est, et l'une des villes jadis les plus prospères d'Haïti, a connu une gaité sans pareille. Fêtards et vacanciers du week-end ont dégringolé de partout, principalement de la capitale. Les hôteliers semblent s'être tirés d'affaires mais jusqu'au dernier moment les réservations se faisaient rares et les galeries d'art et d'artisanat qui se bousculent des deux côtés de la Rue Sainte Anne n'ont pas vu défiler grand monde que les citoyens de la ville eux-mêmes. Endimanchés il est vrai.
Pareil à l'Alliance Française, la magnifique exposition d'un jeune artiste du dernier pop-art haïtien, entre Hector Hyppolite et Jean-Michel Basquiat.
Ne vous fiez pas à la soirée Tropicana annoncée à cors et à cris parce que jusqu'à 1 heure a.m., il y avait beaucoup plus de gens sur l'Avenue Baranquilla qu'à l'intérieur.
La patronale de Jacmel subit les contrecoups de la profonde crise du pouvoir d'achat (et du pouvoir tout court) que nous subissons en ce moment, et dont nul ne voit la fin prochaine.
Cependant la construction n'en continue pas moins à progresser. Nos compatriotes continuant à fuir la capitale, Port-au-Prince, qui ne se relève toujours pas du terrible séisme de janvier 2010. La circulation automobile se fait encore plus dense au fur et à mesure qu'on laisse Jacmel pour Cayes-Jacmel et surtout Marigot, lovée entre les contreforts de la Forêt des Pins, qui porte bien son nom, et la mer Caraïbe.
A l'ombre du Libertador ...
En face se trouve le Venezuela, à vol d'oiseau de Jacmel, ce qui a permis au Libertador, Simon Bolivar, de mettre pied à terre la même nuit qu'il avait laissé Haïti pour sa dernière expédition militaire, la victorieuse, grâce à l'aide reçue des nouvelles autorités haïtiennes, les Pères de notre indépendance de 1804.
Aussi telle n'est pas leur fierté à la petite équipe du 'Mouvement social des citoyens jacméliens' de nous présenter la maison où avait résidé Simon Bolivar, avec la plaque portant le nom de celui-ci, mais qui avait disparu de vue depuis un quart de siècle. Pour eux, un tel exploit est presque aussi héroïque.
En effet, nous sommes invités par eux à faire le tour du centre historique de Jacmel, la cellule initiale dominée, comme toute ancienne ville européenne dont Jacmel est en Haïti la réplique parfaite, par la cathédrale et le marché public.