Premier tour des élections : 26 Octobre 2014

MIAMI, 16 Mars - Les prochaines élections sont parmi les plus importantes que nous ayons eues depuis le renversement de la dictature Duvalier et l’entrée en application de la Constitution de 1987.
L’électeur sera appelé à élire deux tiers du Sénat (20 sièges sur 30), toute la chambre des députés et toutes les municipales et territoriales. Resteront pour 2015 les présidentielles et le dernier tiers du Sénat.
Ce sont donc là des élections décisives pour les dix prochaines années au moins. Aussi aucune organisation politique qui se respecte ne peut se permettre de tourner le dos. Sous peine de disparition du cadran, voire de la mémoire des électeurs.
Cependant chacun réagira encore une fois à sa façon :
Fanmi Lavalas et MOPOD vont continuer de dénoncer, c’est leur arme de choc. Mais derrière l’appel à la démission du chef de l’Etat, c’est plutôt le rappel électoral que l’on bat.
Quant à la Fusion des sociaux démocrates qui est partie en fin de partie, on ne sait trop quelle attitude elle va adopter au final n’ayant pas, comme les deux autres organisations précédemment citées, de troupes de choc.

Martelly jouera sa ‘célébrité’ personnelle …
Mais entrée en scène d’une multitude de petits partis politiques qui ont participé au Dialogue et ont même pu faire pencher la balance. Par exemple, leur opposition à la formation d’un gouvernement de consensus pour lui préférer un gouvernement d’ouverture qui a la faculté de laisser en place le premier ministre, Laurent Salvador Lamothe. Le sort de celui-ci à certains moments autour de la table, ne tenait qu’à un fil.
On les appelle ordinairement partis proches du pouvoir. Mais s’ils sont capables d’influencer par leur nombre l’arithmétique de formation d’un gouvernement, par contre ont-ils une force électorale véritable ?
Jusqu’à quel point le président Martelly peut-il compter sur ces partis-là (les méchantes langues diraient ‘particules’) pour augmenter son capital électoral ?


La question, pour le moins, reste pendante. Etant donné que les élections ne se gagnent pas seulement le jour du vote. Suivez mon regard.
Michel Martelly semble plutôt devoir jouer sa ‘célébrité’ personnelle. L’aura qui entoure aujourd’hui sa personnalité de chef de l’Etat haïtien reçu en moins d’un mois par les plus grands de ce monde (Washington, Paris, Vatican, La Havane, Caracas etc). Mais aussi et surtout comme le père d’un Accord politique qui, pour la première fois depuis deux décennies (depuis les temps où le pays pouvait encore compter sur des personnalités ‘modèle’ comme un Père Antoine Adrien ou un Dr. Louis Roy), ouvre des possibilités de débloquer une interminable crise qui ne promet rien que plus de marasme et de misère matérielle.

Le gentil petit gars ! …
Jamais avare d’une plaisanterie, Michel Martelly soulignait au cours d’un intermède au Dialogue : ‘les présidents d’Haïti arrivent au pouvoir au sommet de leur popularité et s’en vont au plus bas, moi je suis le président dont l’image sera plus resplendissante à son départ du pouvoir.’
Cependant même en n’ayant pas de mouvement politique vraiment important propre à sa personne - n’empêche que le Dialogue ait montré que les pro-Martelly sont plus nombreux que l’on pense et se recrutent dans différents secteurs ( !!!), outre les partis Tèt Kale, Repons Peyizan etc, le Président a encore la possibilité de s’adresser directement au moment opportun à la Nation.
Autrement dit, le Martelly humble et courtois envers les différents secteurs (le gentil petit gars !) qui n’a cessé de surprendre ces derniers temps, est susceptible de continuer son entreprise de charme jusqu’aux élections.

Un nouveau gouvernement en gestation …
Cela transpirera-t-il dans le prochain gouvernement ? L’Accord d’El Rancho stipule un nouveau gouvernement dit d’ouverture. En dehors du Premier ministre Laurent Lamothe qui est supposé rester en fonction, rien n’a encore filtré sur la composition de l’équipe gouvernementale.
Accord du 14 mars 2014, « Article 1 : De la Gouvernance ; Conduite de l’action gouvernementale : Les Parties s’accordent sur la mise en place d’un Gouvernement d’ouverture capable d’inspirer confiance et de créer les conditions nécessaires pour réaliser des élections libres, honnêtes et démocratiques.
« Dans un délai ne dépassant pas dix (10) jours ouvrables à dater de la signature de l’accord, l’Exécutif intégrera dans l’appareil gouvernemental des personnalités inspirant confiance venant des partis politiques intéressés. »
A quoi on devrait ajouter peut-être l’« Article 2 : Séparation des Pouvoirs : Les Parties s’engagent à respecter le principe constitutionnel de la séparation des Pouvoirs. Elles s’accordent sur : a) Le respect de l’indépendance des pouvoirs ; b) Le respect de l’indépendance des institutions ; c) Le respect de l’indépendance des juridictions ; d) La résolution sans délai de la question de la publication de la liste des Membres de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) élus par le Sénat de la république (.). »
A noter aussi à la fin de cet Article : « Pour la mise en œuvre des dispositions de l’article 2, le Pouvoir Exécutif s’accorde un délai ne dépassant pas dix (10) jours ouvrables à compter de la date de la signature de l’accord. »

Les réserves …
Il est important de noter que le président du Sénat, le sénateur Simon Dieuseul Desras, a lutté du bec et des ongles, mais en vain, pour faire inscrire également parmi les dispositions contenues dans l’Accord la remise en question de trois juges de la Cour de Cassation, dont l’actuel président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, le juge Arnel Alexis Joseph, sous l’accusation entre autres d’être totalement aux ordres de l’Exécutif.
De guerre lasse, le sénateur Desras a insisté pour que sa requête figure dans les réserves du Législatif en marge de l’accord signé.
« Article 14 : Droit de réserves : Les Parties signataires du présent accord ont le droit de formuler des réserves sur une ou plusieurs clauses du présent instrument. »

Marronnage …
A présent, quid de l’opposition ?
Celle-ci se divise en deux parties : celle ayant signé l’accord du 14 Mars 2014, dont l’OPL en la personne de son coordonnateur Sauveur Pierre Etienne, la KID de Evans Paul (K-Plim) etc …
Et l’autre opposition, soit celle qui s’est levée de table comme la Fusion, Fanmi Lavalas et autres, soit celle qui était opposée radicalement au Dialogue, en tête le MOPOD, le RDNP de l’ex-candidate aux dernières présidentielles, Myrlande Manigat. Etc.
A présent que l’Accord final a été signé, le sort en est jeté. Objectif : élections. Au mieux, premier tour le 26 Octobre 2014.
Mais les politiciens haïtiens ont toujours de la peine à changer de tactique, à rectifier le tir. Autrement dit une bonne partie de cette opposition, surtout celle dont les manifestations de rue constituent l’arme principale, va continuer à jouer l’écran de fumée, ou marronnage, à tenter de dissimuler son jeu.

Une ou deux grandes plateformes …
Alors même que, éparpillée elle aussi aujourd’hui en une multitude de ‘dénominations’ et d’organisations dites de la base, outre le processus d’éclatement que traverse Fanmi Lavalas, la meilleure stratégie pour l’opposition serait de rassembler ses forces en une ou deux grandes plateformes pour partir à la conquête aussi bien des deux tiers du Sénat, de la totalité de la Chambre des députés et de toutes les territoriales, ces élections représentant de toute évidence un enjeu majeur dans l’avenir politique du pays. Le plus l’opposition se présentera en ordre dispersé, le plus l’issue finale risque de lui échapper. Et le contraire idem.

Société civile plutôt marginalisée ! …
Alors reste la société civile. Est-ce que celle-ci doit rester les bras croisés pendant que l’avenir du pays est à ce point en jeu ?
L’Accord du 14 Mars 2014 lui fait peu de place. « Article 13 : Commission de suivi des accords : (…) les Parties conviennent de mettre en place la Commission de suivi des accords. Cette commission est supervisée par la Médiatrice. Elle rend compte directement à celle-ci. Elle est constituée de : quatre (4) membres venant des partis politiques ; un (1) membre de l’Exécutif ; un (1) membre du Parlement ; un (1) membre des Observateurs indépendants. »
Or malgré que les dits Partis politiques aient dans cette Commission la part du lion, c’est eux qui se sont opposés (bien sûr en vain) à la participation de la Société civile dans le processus de suivi de l’Accord.
On ne sait trop pourquoi ? Considèrent-ils la Société civile comme pas suffisamment (ou pas véritablement) indépendante ?
Toujours est-il qu’il reste la Presse. Or il est difficile de croire que celle-ci serait totalement inféodée. Que ce soit aux côtés du Pouvoir (que ce soit l’un ou l’autre, Exécutif ou Législatif) ou des partis d’opposition !
Car tout ce beau chapiteau mis en place serait peine perdue si la population ne dispose pas pour mieux l’éclairer d’informations suffisamment désintéressées.
La Presse, tout en n’étant pas partie de l’Accord, a donc un rôle majeur.

Marcus – Haïti en Marche, 16 Mars 2014