PORT-AU-PRINCE, 18 Décembre – Il s'en est fallu de peu que nous retombions en dictature. Aujourd'hui l'arme principale ce n'est pas la violence directe des tontons macoutes (on peut y recourir aussi éventuellement), mais le nouveau tiercé gagnant c'est la fatigue des vieux militants anti-duvaliéristes, la rage de réussite de nouvelles générations peu scrupuleuses sur les méthodes pour y parvenir et les nouvelles technologies de la communication qui permettent de contourner les médias traditionnels et leurs membres mieux rompus à la défense des libertés.
Après des jours de casse-tête, le Président de la République a choisi Evans Paul alias « Konpè Plim » - « K-Plim » pour les intimes -, afin de succéder à Laurent Lamothe qui a démissionné le 14 décembre dernier de son poste de Premier ministre. Qui est donc le nouvel homme fort de la République ? L'image qui vient à l'esprit de tout Haïtien quand on évoque le nom d'Evans Paul, c'est celle d'un homme toujours aux postes de combat contre la dictature.
Son père, Alphonse Paul, de sensibilité fignoliste, est porté disparu un beau jour de 1958. Il est élevé par sa mère, Athémise, qui ne porte pas les Duvalier dans son cœur. C'est dans cette ambiance anti-duvaliériste que grandit Evans.
Très jeune, il porte l'étendard de la révolte contre la dictature. Comme journaliste à Radio Cacique, dénonçant à mots couverts les travers du régime jeanclaudiste et comme dramaturge, protestant sur les planches avec sa troupe de théâtre Konmbit Pitit Kay (KPK) contre les exactions du système. Toujours en termes voilés, par crainte des représailles de la part des tontons-macoutes.
Le meurtre par balles de sa sœur Amenta, alors âgée de 16 ans, en 1976, ne fait que le convaincre de la justesse de son combat. Ce jour-là, à Radio Cacique, Evans Paul ne met pas de gants pour pourfendre la barbarie du système. Les sbires du régime, entendant ce jour-là sa diatribe radiophonique, n'attendent pas longtemps pour se jeter comme des fauves sur la radio. Le journaliste l'échappe de justesse.
Il vit un second drame dans la même année : l'assassinat de Gasner Raymond le 1er juin 1976, journaliste célèbre de l'hebdomadaire indépendant Le Petit Samedi Soir. Un drame qui renforce son militantisme.
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JACMEL, 2 Janvier – L'opposition ne risque-t-elle pas de nous faire perdre une nouvelle fois l'occasion d'avoir un peu plus de contrôle sur le devenir de notre pays. Cela en maintenant son exigence pour le départ immédiat du président Michel Martelly.
Est-elle prête à une telle éventualité ? A-t-elle les moyens pour gérer une situation aussi définitive ?
En 2004, l'opposition avait la même attitude face au pouvoir affaibli de Jean-Bertrand Aristide.
Mais c'est un troisième larron qui déboucha de nulle part : un certain Gérard Latortue, amené de Washington, lui aussi dans les bagages des US Marines.
De quelle alternative dispose aujourd'hui l'opposition haïtienne pour empêcher la même situation de se reproduire ?
Eviction de l'homme fort ...
Alors que le même changement souhaité par elle, est déjà en marche. Et comment !
Eviction de l'homme fort du pouvoir Martelly : le premier ministre Laurent Lamothe.
Nomination à sa place, en attendant la sanction parlementaire, d'un militant qui, quoique connu et reconnu, a passé le plus clair de sa carrière politique, ou de sa vie tout court, dans l'opposition : Evans Paul.
Renvoi du conseil électoral, désormais effectif, pour le remplacer par une nouvelle équipe choisie sur une base plus consensuelle (Article 289 de la Constitution).
Nomination d'un gouvernement de consensus, c'est-à-dire ouvert à l'opposition et sur des secteurs non partisans.
Et tout cela mené tambour battant.
PORT-AU-PRINCE, 8 Janvier – De Obama à Poutine, Angela Merkel à Raùl Castro, Martelly à Dilma Roussef, c'est le monde entier qui déplore le massacre de Charlie Hebdo.
On retient particulièrement la visite de solidarité de Nicolas Sarkozy, le principal chef de l'opposition, au président François Hollande.
Les luttes intestines doivent se taire quand la nation est en danger. Comme disait notre Jean Jacques Dessalines : 'au premier coup de canon d'alarme, les villes disparaissent et la Nation est debout.'
Mercredi, le journal satirique français Charlie Hebdo a été envahi par deux individus armés qui ont tué 12 journalistes, dont les dessinateurs et caricaturistes qui font la renommée internationale de cette publication, ainsi que deux policiers qui étaient de garde.
Les tueurs sont deux jeunes hommes d'ascendance musulmane. Un plus jeune les aurait aidés dans cette entreprise mais on ne sait pas trop comment.
Pour tous, c'est une atteinte sans précédent à la liberté d'expression qui est un droit reconnu dans tout le monde civilisé, figurant dans toutes les constitutions des nations démocratiques et toutes les conventions internationales.
Et c'est d'ailleurs pourquoi ceux qui ont armé le bras de ces jeunes hommes les ont envoyés contre Charlie Hebdo ...
Ils auraient crié 'Allah Akbar', Allah est grand !
PORT-AU-PRINCE, 16 Janvier – Les manifestations populaires occupent davantage le terrain dans l’opinion internationale que prévu depuis qu’elles sont couvertes par les grands médias internationaux, sauf qu’on continue à ne pas pouvoir distinguer sur quoi elles peuvent (ou veulent) déboucher.
Forts de cet impact dans l’opinion, leurs organisateurs mettent les bouchées doubles. Pendant qu’on installe un nouveau premier ministre (Mr. Evans Paul) et un nouveau gouvernement dit de consensus pour essayer de désamorcer la crise, eux n’en ont cure et décrètent, comme on dit, la permanence jusqu’au renversement, dont ils semblent assurés, du président Michel Martelly.
‘Opposition band’ …
Ce sont désormais les manifestations qui rythment la vie dans la capitale haïtienne et elles ont déjà prévu comment intégrer le prochain carnaval à leur mobilisation générale. On parle de ‘Opposition band.’
Cependant elles pèchent de deux côtés. Une certaine instabilité dans leur organisation. Par exemple, tantôt avec Lavalas, tantôt sans. Coup de théâtre, c’est la réconciliation de Lavalas avec Pitit Desalin, une branche passée sous le contrôle du désormais ex-sénateur Moïse Jean-Charles, en rébellion contre la direction centrale et le chef historique, Jean-Bertrand Aristide.