Quel gouvernement et quelles élections ?
EL RANCHO, 31 Janvier – Un sujet longuement débattu pendant la première semaine du ‘Dialogue national’, le colloque entre les acteurs politiques haïtiens (où presque tous sont présents, à part le MOPOD mais celui-ci a été lâché par au moins trois de ses organisations membres) et qui se déroule sous les auspices de la Conférence épiscopale d’Haïti (CEH), la hiérarchie catholique, à l’hôtel El Rancho (Pétionville), ce topic inévitable ce sont bien sûr les prochaines élections.
La semaine commença cependant avec un autre sujet à controverse : la formation d’un prochain gouvernement.
Deux camps se sont aussitôt formés. Dont l’un en faveur de la formation dans l’immédiat d’un nouveau gouvernement. Celui-ci a été baptisé ‘gouvernement d’ouverture.’
Cela signifie qu’il comprendrait de nouvelles têtes mais dans le même agenda actuel. Avec probablement le Premier ministre Laurent Lamothe restant en fonction.
Cette thèse a été surtout défendue par les organisations politiques que l’on croit proches du pouvoir en place.
Celles-ci sont peut-être la majorité au colloque. Aussi certains de leurs leaders ont invoqué la règle de la majorité. Mais ce n’est pas dans le Protocole de Médiation, l’acte constitutif de la rencontre. Ici chaque voix a le même poids.
Un nouveau gouvernement qui bénéficie d’un réel support au Parlement …
L’autre camp s’est prononcé pour ‘un gouvernement de consensus.’
Aussitôt les quelques contestataires qui ont refusé de participer à l’événement (comme un sénateur du Nord, Moïse Jean Charles) de s’écrier : ‘Gouvernement d’ouverture ou de consensus, tous ces gens sont à la recherche d’un job dans le pouvoir.’
Les partisans du ‘consensus’, dont les partis OPL, Fusion, Fanmi Lavalas, LAVNI, KONTRA PEP (du sénateur William Jeanty), sont d’avis qu’il faut attendre les élections pour former un nouveau gouvernement sur des bases légitimes et qui bénéficie d’un réel support au Parlement.
Des élections à 38 millions de dollars américains ! …
Cette première question n’ayant pas été tout de suite résolue, les débats se sont tout normalement orientés vers l’organisation des prochaines élections.
Et là encore, même ligne de partage. Un camp pour la tenue de deux élections pendant la même année 2014. Et cette fois encore, les pro-Martelly font bloc ensemble.
Tandis que les autres se prononcent pour une seule élection.
Quelle différence entre deux élections ou une ?
Vendredi la Conférence épiscopale invitait des experts en élections pour apporter leur mot.
On apprend alors que, à la vérité, toute une année ne suffirait pas pour organiser une seule et bonne élection. D’abord cela coûte très cher. Près de 38 millions de dollars américains. Avec un premier tour en octobre et le second en décembre. Plus les rattrapages devenus presque inévitables.
La loi électorale mérite d’être revue …
De plus les élections ne concernent pas seulement l’organisme électoral. Comment les partis politiques peuvent-ils se procurer les moyens financiers, et aussi logistiques, pour mener deux campagnes la même année ?
Enfin, selon les experts, la loi électorale contient beaucoup de faiblesses qu’il faut corriger. Par exemple, la commune de Port-au-Prince n’est plus ce qu’elle était, le centre-ville ayant été détruit par le séisme et se trouvant depuis quasiment déserté. Etc. Nouvelle redistribution de la population. Nouvelle répartition (à faire) des bureaux de vote.
D’une pierre deux coups …
Or les élections doivent avoir lieu en cette année 2014, selon garantie donnée par le président de la République, Michel Joseph Martelly.
Mais surtout l’un n’empêche pas l’autre. Puisque c’est faire d’une pierre deux coups. En effet la même élection, avant fin 2014, pouvant renouveler non seulement le premier tiers déjà en suspens mais aussi le second tiers du Sénat qui arrivera à échéance en janvier 2015. Outre toutes les municipales - communales dues depuis 2011. Et enfin le renouvellement aussi de la chambre des Députés dont l’échéance arrive cette année.
Il ne restera que les présidentielles pour novembre 2015.
Et le tour est joué.
‘Nous devons réussir’ …
Le groupe qui plaide pour deux élections a demandé le week-end pour réfléchir et qu’il présentera ses conclusions ce lundi 3 février.
Voici l’atmosphère dans laquelle s’est déroulée cette première semaine de ce qui a été dénommé : les premiers débats inter-haïtiens depuis des décennies. Peut-être depuis les lendemains immédiats de la chute de la dictature Duvalier le 7 février 1986.
A la clôture vendredi, les différentes parties se sont adressées des coups de chapeau les uns plus chaleureux que les autres. Exécutif, législatif, partis politiques ont promis de continuer sur la même lancée. Même certains suggérant que cette initiative, et la tournure heureuse qu’elle a prise jusqu’ici, ne doivent pas plaire à tous. Voulant dire par là que c’est une manifestation symbolique d’indépendance nationale. Et que c’est la raison pour laquelle ‘nous devons réussir.’
Marcus – Haïti en Marche, 31 Janvier 2014