PORT-AU-PRINCE, 8 Juin – On dirait que notre gouvernement s’intéresse aux grands hôtels internationaux plus que toute autre chose.
En tout cas, il a de toute évidence fait plus pour la promotion de ces derniers que pour la réussite des Accords qui y sont signés. Et cela continue … avec la semaine dernière un nouveau round de négociations de deux jours dans l’un de ces nouveaux palaces, le Best Western (à Pétionville). Et comme toujours, la montagne n’a même pas accouché d’une souris. Exécutif et Sénat, on s’est séparé sans même la politesse de se fixer un nouveau rendez-vous.
Mais on n’est pas fâché pour autant puisque dès qu’il s’agit de fouler les tapis moelleux d’un ‘5 étoiles’, nul ne résiste, même les adversaires les plus radicaux en temps ordinaire.
Les sénateurs accusent le président Michel Martelly et son équipe de tendances dictatoriales et jurent de les empêcher d’arriver à leurs fins.
De son côté le pouvoir traite son opposition parlementaire de revanchards qui veulent bloquer toute tentative de changement.
La bataille se situe pour le moment autour de la formation de l’organisme qui doit gérer les prochaines élections (législatives partielles et toutes les municipales et locales) donc capitales pour l’avenir politique.
Mais ce qu’on aura retenu jusqu’à présent c’est le défilé avec large sourire de circonstance à la ronde, la parade aussi incessante qu’infructueuse, sous les lambris dorés des hôtels grand chic où ont lieu ces rencontres, parce que chaque accord ou traité porte le nom de l’un d’eux.

 

Un décor pour scénario à la James Bond …
Quel coup de pub plus extraordinaire que l’Accord d’El Rancho. Le fondateur de ce palace des décennies 50-60 qui ont marqué le pic de l’industrie touristique haïtienne, aujourd’hui encore un décor pour scénario à la James Bond, bien entendu revu et revisité par les nouveaux locataires, Monsieur Albert Silvera, doit se retourner de joie dans sa tombe.
Quant au Best Western, il doit brûler en ce moment force chandelles et prier tous les saints de la liturgie catholique et vodou pour qu’aboutissent les conversations qui ont débuté la semaine écoulée dans ses salons que l’on dit décorés des plus belles créations de l’artisanat local.


Parce qu’un nouvel Accord signé entre des protagonistes qui se déchirent à belles dents dès qu’ils se séparent mais sont toutes dents dehors dès qu’ils franchissent la porte du palace du jour, c’est mieux qu’une page entière dans le New York Times pendant toute l’année.


Karibe-Carifiesta …
Le Karibe n’a rien à envier de ce côté, combien de traités concluant des sommets de la Caricom (association des Etats de la Caraïbe) et autres ‘Carifiesta’ qui ont retenti dans ses murs …
Il est vrai que l’on ne s’appelle pas Karibe pour rien !
Au point que (autre initiative de l’actuel gouvernement), tout comme on dit traité de Chicago ou bien de Vienne, l’on ne dit plus que Accord ou Traité de Karibe !
Est-ce bien constitutionnel puisque officiellement la capitale d’Haïti s’appelle toujours Port-au-Prince ?
Quoique faut-il ajouter jusqu’à nouvel ordre, puisque avec la destruction actuelle du centre-ville de la capitale sans que personne ne puisse dire pour le remplacer par quoi, on ne peut garantir non plus qu’un nouveau nom ne lui sera pas inventé. De quoi réjouir le roi Henri Christophe qui lui jeta un mauvais sort en la surnommant Port-aux-Crimes après l’assassinat de l’Empereur Jean Jacques Dessalines en 1806.

 

C’est du show business …
Enfin the last but not least (le dernier et non le moindre) Royal Oasis, vous avez déjà dit : Royal ! On garde en mémoire son inauguration grandiose en présence du chef de l’Etat et de tout le tralala officiel et diplomatique.
Ce gouvernement a un point à son actif : là où les négociations politiques tardent à se concrétiser, il en aura profité pour faire la promotion des investissements hôteliers ; c’est à chacun de ces derniers de jouer des pieds et des mains dans les couloirs des ministères et du parlement afin d’être choisi pour abriter le prochain ‘spectacle.’ Car les résultats tardent tant à venir que pour le grand public, c’est du show business.
On aurait presque dit que c’est cette heureuse perspective d’une super-promotion (j’ai failli dire : superproduction) sans bourse déliée, qui fait ces petits et grands palais sortir de terre comme par magie.

Les crises politiques ont du bon …
Promotion assurée, oui grâce aux divergences entre les politiques haïtiens !
Bientôt le Marriott mais n’est-ce pas une dépendance de la firme Digicel (téléphonie) si proche des princes qui gouvernent notre destinée. Serait-ce au moins dans ce domaine de l’hostellerie.
Puis le Hilton, mais ce dernier est déjà un habitué des James Bond (ex. Goldfinger) !
Morale de l’histoire : les crises politiques haïtiennes ne sont pas totalement gratuites !

Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince