PORT-AU-PRINCE, 28 Août – Le couperet est tombé. La ministre de l’Economie a annoncé pour le mois prochain l’augmentation des prix de l’essence à la pompe. Selon Marie Carmelle Jean Marie, cette hausse sera progressive. Cependant elle n’a pas hésité à avancer, en guise de comparaison, que la gazoline pourrait passer à la limite de 200 à 300 gourdes le gallon. Ce qui, tenez-vous bien, représenterait une augmentation de 50%.
C’est très grave 50% parce que tous les autres prix sont supposés emboiter le pas et ces 50% se reproduire sur toutes les dépenses généralement quelconques puisque l’énergie entre dans la fabrication de tout ce que nous utilisons et consommons, de la course en tap-tap aux patates sur le carré du marché.
La ministre Jean Marie a expliqué qu’il n’y a pas d’autre solution. Nous lui donnons acte. Devant la commission économie et finances du Sénat qui lui a exigé des précisions dans le dossier gazoline, elle s’est répandue dans de longues et importantes explications.
Quelle ne fut pas la surprise de maints observateurs de noter que Mme Jean Marie a introduit un nouvel élément au dossier. Elle a parlé abondamment de compagnies auxquelles nous achetons de la gazoline et qu’il nous faut payer cette dernière au prix du marché libre international (ou ‘spot market’), c’est-à-dire au prix fort étant donné que nous faisons face à la concurrence d’acteurs plus puissants économiquement …
Et un prix si fort que l’Etat haïtien ne peut pas le répercuter tout de suite sur le consommateur haïtien. Mais seulement au fur et à mesure.
Aussi il nous faut enlever totalement de notre esprit le régime de ces dernières années, a poursuivi la ministre de l’Economie, avec la gazoline à un prix, disons, modéré, cela grâce à la subvention de l’Etat.
JACMEL, 7 Septembre – L’une des stratégies les plus intelligentes du gouvernement du premier ministre Laurent Lamothe est la tenue régulière du Conseil de Gouvernement.
Le mercredi 3 septembre écoulé avait lieu le 38e du genre, qui a été consacré principalement à la rentrée des classes ce 8 septembre.
La tenue sur une base constante du conseil de gouvernement ne permet pas seulement au gouvernement de dire au pays ce qu’il entend lui faire entendre, et de la seule manière dont il veut le lui faire entendre, mais (et c’est le plus important) cela lui permet d’éviter de rendre compte à la nation par le jeu démocratique c’est-à-dire où le gouvernement n’a pas lui-même la direction des opérations. Et il y a deux façons de le faire c’est lors des convocations devant le Parlement d’une part et d’autre part, par les conférences de presse.
Quelle est la dernière fois que le premier ministre Lamothe a répondu à une convocation au Parlement ?
Devant le Sénat pratiquement jamais, tandis que la dernière fois devant la chambre des Députés c’était à circuit fermé ! Le gouvernement dispose d’une majorité à la chambre basse.
Un contrôle total …
Quant aux conférences de presse, ni le président Michel Martelly ni le premier ministre Lamothe n’en sont friands …
Quant à ce dernier, plus frileusement encore, il a installé un dispositif à la Primature même, d’où ministres et hauts cadres de l’administration tiennent leur rendez vous avec la presse. Ce qui permet un contrôle total du processus.
Tandis que l’on a droit à au moins deux conseils de gouvernement par mois.
Ceci ajouté à l’émission ‘Gouvènman an lakay ou’, plateforme inventée et dirigée par le premier ministre en personne, finalement le chef du gouvernement d’Haïti maintient le monopole de l’information officielle sous son étroit contrôle.
Ainsi bien entendu que toute la machine de propagande.
MIAMI, 20 Septembre – Le président Michel Martelly se déclare sur le point de rencontrer l’opposition mais sur le ton du je-t’aime-moi-non-plus. C’est-à-dire en disant tout pour décourager cette dernière. Tout d’abord qu’il n’a pas de temps à perdre. Le président a annoncé qu’il doit s’absenter le mardi ou mercredi de cette semaine pour se rendre à l’Assemblée générale de l’ONU.
Une longue histoire …
Or sans le savoir c’est une importante information que vient de nous livrer le chef de l’Etat. En effet nous avons une longue histoire de participation présidentielle à l’Assemblée générale des Nations Unies à la veille d’élections importantes et ayant pris du retard.
Or le ton même du président Martelly montre qu’il compte davantage sur ses rencontres dans la grande maison de verre qui enjambe le fleuve Hudson à New York qu’à celle avec ces ‘casse-pieds’ de sénateurs de l’opposition …
En effet du Congrès américain à l’ONU-OEA, toutes les voix à l’unisson se sont élevées contre les sénateurs, ces pelés et galeux d’où nous vient tout le mal ! C’est eux, et eux seuls, les six sénateurs de l’opposition, qui en refusant de voter les amendements à la loi électorale, empêchent la tenue des élections pour le renouvellement des deux chambres du Parlement et les municipales.
Par conséquent Michel Martelly part gagnant. Et on comprend qu’il piaffe d’impatience.
Haro sur le baudet …
Oui, disions-nous, Haïti a une longue histoire de participation de nos chefs de l’Etat à l’Assemblée générale des Nations Unies et toujours pour recevoir des mots d’ordre qui vont moduler le prochain politique avenir du pays …
MEYER, 27 Septembre – Haïti a beaucoup évolué, quoi qu’on dise. Un président de la république peut s’absenter pendant plusieurs jours sans risquer le moindre soubresaut. Qui plus est, son premier ministre l’accompagne, laissant le pays aux mains d’aucun responsable en particulier, que tout est tranquille. Pas un pétard. Plus rien ne bouge. Et ce n’est pas qu’il n’y ait pas de mécontents. Ceux-ci font un boucan, sur les ondes. Mais c’est tout. Tout se passe bien.
Du jamais vu en Haïti !
Les absences présidentielles ont toujours été le moment idéal pour faire mariner les complots. Aussi les présidents haïtiens ont toujours été de grands casaniers. L’exemple le plus typique reste les Duvalier père et fils. Il est vrai que du haut de leur présidence à vie, ils ne laissaient aucune autre alternative.
Le seul voyage de Baby Doc a été de gagner l’exil (1986).
Et son second voyage a été de retourner en Haïti (2011) dont il n’est plus reparti depuis. C’est atavique.
L’exemple contraire c’est Jean-Bertrand Aristide. Dès qu’il bougeait, le renversement se rapprochait.
Pas étonnant qu’il ait deux fois été basculé (en 1991 et 2004) avant la fin de son mandat.
Aussi qu’est-ce qui a changé ?
Lire la suite : Quand nos présidents peuvent voyager sans peur ni reproche !
PORT-AU-PRINCE, 17 Octobre – 208 ans après l’assassinat du fondateur de la patrie, le Général Jean-Jacques Dessalines (tué au Pont Rouge, entrée nord de Port-au-Prince, le 17 octobre 1806, dans une embuscade tendue par des adversaires politiques), nous continuons à nous en accuser les uns les autres.
Samedi dernier, 17 octobre, deux groupes sont descendus dans les rues pour faire entendre leur credo politique réciproque.
Pour nous résumer, le pouvoir en place d’un côté, et l’opposition de l’autre.
Pour nous résumer encore plus, mais d’une manière caricaturale, l’opposition se décrit comme des héritiers du Libérateur et premier chef d’Etat d’Haïti, l’Empereur Jean-Jacques Dessalines, le général en chef de nos célèbres va-nu-pieds qui ont vaincu, le 18 novembre 1803, la force expéditionnaire envoyée par Napoléon Bonaparte pour les remettre en esclavage.
Et à entendre un discours qui se développe depuis l’arrivée au pouvoir, en 2011, du président Michel Martelly (dans le privé, artiste de variété) : le pouvoir actuel est l’émanation de la minorité ‘zuit’ (traduisez : toute petite) qui détient la quasi totalité des richesses matérielles du pays depuis toujours.
Vrai ou faux, ce qui sort de l’ordinaire c’est la nouvelle qualification donnée à ces derniers : ‘Pitit Petyon’ (fils de Pétion).