Les Duvaliéristes plus près que jamais de reconquérir le pouvoir

JACMEL, 27 Avril – Washington ne pense qu’à asseoir ses intérêts et choisit les plus aptes à les assurer à tel moment précis.
Cependant les différentes parties haïtiennes ont aussi chacune ses intérêts et même au sein du pouvoir actuel qu’elles ne sont pas toutes unies dans la défense de leurs intérêts respectifs.
Vous avez les ultra-libéraux à la manière du premier ministre Laurent Lamothe, les populistes façon Michel Martelly, mais aussi les opportunistes venant de tous bords, y compris de l’adversaire congénital, le Lavalas … mais aussi et en nombre plus imposant (et surtout avec une plus longue expérience du terrain politique), les Duvaliéristes. Ou plutôt, question génération, les Jean-Claudistes.
Tout cela forme un cocktail qui n’est pas de tout repos, l’Histoire du pays est là pour le démontrer.
Par exemple, le Duvaliérisme a une règle d’or : le bourgeois c’est fait pour alimenter l’économie, ou plus précisément la caisse publique. Mais c’est nous qui gouvernons. Et gouverner signifie maintenir la masse en respect, réprimer toute contestation. Les intellectuels, y compris. Le bourgeois peut ainsi dormir sur ses deux oreilles pendant que nous garantissons ‘la paix des rues.’ Mais pas question de mélanger les deux.
Et c’est pour avoir dérogé à cette règle en épousant la bourgeoisie en la personne de Mme Michèle Bennett, que Baby Doc a précipité sa chute. Le Duvaliérisme historique s’est senti trahi.

 

Une offre que Washington ne peut pas refuser …
Washington se voit aujourd’hui offrir une espèce d’offre qu’il ne peut pas refuser. Car le Duvaliéro-Jean Claudisme c’était la sécurité absolue d’un bout à l’autre du territoire, indispensable à l’implantation économique de type capitalisme sauvage. En plus d’un salaire minimum idéal pour l’investisseur avide du rendement maximum parce que nul ne pouvant contester, puisque point de liberté syndicale. Point de liberté tout court. Au singulier comme au pluriel.
Mais qui pis est, aujourd’hui ‘les caisses sont vides.’ Dixit le président de la République, Michel Joseph Martelly. Alors que sous Jean Claude Duvalier, du moins les belles années de la ‘révolution économique jean claudienne’ (appellation prédestinée, n’est-ce pas), il a fallu faire pression sur le régime pour emprunter des millions (Papa Doc, en vieux briscard - en créole : « vye rat’ - de la période de désoccupation américaine - 1934-1946 - et dont la libération économique a été autrement plus difficile que la libération militaire) avait laissé à sa mort (en 1971) un pays libre de tout endettement. Il a fallu donc convaincre ‘le successeur’ d’accepter le principe qu’un pays ne peut pas se développer sans faire des dettes. Le conseil n’est cependant pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Conclusion : aujourd’hui Haïti seul PMA, c’est à dire pays totalement en faillite, du continent américain !

La ‘pax duvalierista’ …
Et comme le meilleur ferment de la dictature c’est la misère, la démocratie ne saurait redémarrer aujourd’hui sous de plus mauvais auspices.
Washington vient d’établir, à travers deux notes de presse, sa préférence sans détour pour l’actuelle administration haïtienne concernant l’organisation des prochaines élections.
« Il est temps que le Sénat haïtien agisse et vote la loi électorale en conformité avec l’esprit de l’Accord d’El Rancho afin de fixer une date pour les élections », écrit la présidente d’une sous-Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants, Ileana Ros-Lethinen (Républicaine de Floride), soulignant que l’Exécutif haïtien et la Chambre des députés (où le gouvernement détient la majorité) ont jusqu’ici respecté leur engagement.
Par contre un nombre important de sénateurs considère que le pouvoir Martelly-Lamothe a profité des accords résultant du Dialogue d’El Rancho pour renforcer au contraire sa poigne, lors du récent remaniement ministériel, sur les ministères directement impliqués dans la mise en place de la machine électorale (justice, sécurité publique, intérieur et défense) et demande en contrepartie une révision dans la formule de composition du conseil électoral comme moyen de mieux garantir des ‘élections parlementaires libres, honnêtes et transparentes’ (selon les vœux aussi de Washington).
Cependant ces deux notes ne laissent aucun doute. Contre une opposition en effet perpétuellement remuante et incertaine, Washington choisit de se reposer sur l’obéissance apparente du pouvoir actuel.
Ou pour être plus clair : sous la pression probablement de ses intérêts propres et pressants, et perdant toute patience devant le marasme haïtien, l’administration américaine n’hésiterait pas, de guerre lasse, à revenir à la ‘pax duvalierista’ (bien entendu passée à la bouillabaisse électorale).
Mais la paix jean-claudienne a également son prix. A plus forte raison quand ‘les caisses sont vides.’
Et cette contrepartie-là ce sont les assassinats inexpliqués et disparitions ; la tolérance envers le kidnapping et le trafic de cocaïne (suivez mon regard !).
Et l’oubli total des dizaines de milliers de victimes de la tyrannie de trente ans (1957-1986).

Haïti en Marche 27 Avril 2014