C’est la République dominicaine qui rompt les relations
PORT-AU-PRINCE, 27 Novembre – Selon la presse de Santo Domingo, la République dominicaine n’ira pas à la prochaine rencontre au Venezuela avec la République d’Haïti.
L’information a été confirmée par le ministre à la Présidence, Gustavo Montalvo, qui a communiqué officiellement ce mercredi (27 novembre) la décision du gouvernement dominicain de ne pas assister à la réunion qui devait avoir lieu au Venezuela avec le gouvernement haïtien.
Motif invoqué par Santo Domingo : « Le gouvernement haïtien a rompu l’accord que nous avons signé la semaine passée, selon lequel nous devons prioriser le dialogue entre les deux pays pour la recherche d’une solution à tous nos problèmes communs. Cependant Haïti a préféré prendre un autre chemin. Dès lors mettant fin à nos conversations. Voilà pourquoi nous n’irons pas à cette réunion » a dit le ministre dominicain à la Présidence.
La rencontre en question devait avoir lieu le samedi 30 novembre, à Caracas (Venezuela).
A l’invitation du président Nicolas Maduro, le Venezuela s’est proposé comme un facilitateur dans le conflit.
Conflit né du verdict de la Cour constitutionnelle dominicaine, en date du 23 septembre 2013 (et décision sans appel), enlevant la nationalité aux Dominicains d’ascendance étrangère, en remontant jusqu’à 1929. On estime que plus de 240.000 Dominicains peuvent être affectés dont la plupart d’origine haïtienne, nés en République dominicaine.

Condamnation et sanctions …
La question a été portée devant de nombreuses instances internationales. OEA, ONU, Caricom ou communauté des Etats de la Caraïbe.
Le mardi 26 novembre, la Caricom a tenu une réunion des chefs d’Etat et de gouvernement de la région. Le président d’Haïti, Michel Joseph Martelly, y a assisté.
Le communiqué commun signé après la rencontre de Port of Spain (Trinidad and Tobago) est on ne peut plus ferme.
La Caricom condamne vigoureusement la décision de la Cour constitutionnelle dominicaine et demande aux autorités dominicaines de surseoir à son application.

Décision ‘abjecte et discriminatoire’ …
Mais des sanctions sont également prévues dans le cas où ces dernières refuseraient de s’amender.
. Suspension de l’examen de la demande dominicaine d’adhésion à la Communauté caraïbe.
. Appel à toutes les organisations régionales, continentales et internationales pour faire pression sur les autorités dominicaines afin de surseoir à une décision que la Caricom qualifie de ‘abjecte, discriminatoire’ et en violation avec les dispositions de la Convention américaine sur les droits de l’homme, qui ont été paraphées par la République dominicaine.
. Enfin la Caricom ne reprendra pas ses relations habituelles avec la République dominicaine tant que celle-ci n’aura pris ‘les mesures politiques, législatives, judiciaires et administratives’ pour remédier à ‘la grave situation humanitaire que peut créer cette décision.’

Déclaration conjointe et non accord …
Voilà ce qui fait dire aux autorités de Santo Domingo que Haïti a violé ‘l’accord’ qui aurait été conclu lors d’une première rencontre au Venezuela entre les deux parties grâce aux bons offices du président Nicolas Maduro, en vue d’utiliser le dialogue comme instrument de résolution de tout conflit qui pourrait surgir entre les deux républiques se partageant l’île.
Mais du côté des autorités haïtiennes, on maintient qu’à aucun moment n’a été signé un quelconque ‘accord.’ Le ministre haïtien des Affaires étrangères, Pierre Richard Casimir, qui a représenté Haïti à ces entretiens, a souligné dans un communiqué après son retour de Caracas, le samedi 23 novembre, que les deux pays ont signé une ‘déclaration conjointe’ qui reconnaît qu’un processus de dialogue a été initié sur invitation d’un allié commun, le Venezuela.
Ainsi il serait plus logique de dire que c’est Santo Domingo qui, irrité par les conclusions du sommet de la Caricom, a décidé de rompre les conversations initiées le 19 novembre au Venezuela avec Port-au-Prince.

Atouts de nos voisins dominicains en Haïti même …
Mais en rompant ces entretiens, de quelle alternative dispose la République dominicaine ?
. Renoncer à l’application de la décision de sa Cour constitutionnelle pour apaiser le courroux qu’elle a soulevé dans les Etats de la région et les menaces de sanctions économiques qui peuvent en découler. La Caraïbe menace de demander l’exclusion de la République dominicaine de l’accord Petrocaribe ou achat de pétrole vénézuélien à des conditions largement avantageuses.
Pas si vite. Les autorités dominicaines ont encore d’autres atouts face à une Haïti où leur influence est très forte. Et à bien des niveaux.
Depuis le dictateur dominicain Rafael Trujillo qui a régné sur le pays voisin de 1930 à 1961, la corruption est une arme dont nos voisins ont toujours su faire usage avec succès pour accomplir leurs desseins chez nous.
Même après l’assassinat de plus de 20.000 paysans haïtiens sur ordre de Trujillo, en 1937.
Aujourd’hui la république voisine est notre second partenaire commercial (après les Etats-Unis), avec un déficit abyssal de notre côté.
Depuis toujours aussi, ils savent se ménager un puissant service de renseignements dans notre pays alors qu’en Haïti cette notion n’existe même pas.

La confrontation est-elle inévitable ? …
L’ambassadeur dominicain en Haïti, Ruben Silié, peut bien affirmer qu’il n’y a pas rapport mais comment être certain que les refoulements massifs d’immigrants illégaux en cours depuis le week-end dernier (22 – 23 novembre) ne sont pas plutôt des mesures de représailles ?
Car traditionnellement lorsqu’un Etat refuse de rencontrer les représentants d’un autre, la prochaine étape c’est : la confrontation !

Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince