PORT-AU-PRINCE, 12 Août – Depuis le dernier week-end, à la capitale, c’est un sauve qui peut. Tout le monde à la recherche qui d’une génératrice, d’une lampe à kérosène ou de vulgaires bougies. Non ce n’est pas à cause d’un nouvel ouragan (c’est en effet la saison), mais simplement parce que depuis quelque temps l’électricité ne dure pas plus de trois ou quatre heures par jour. On a des raisons de croire que le blackout va encore s’intensifier jusqu’à ce que s’éteigne la dernière ampoule.
On nous a d’abord dit que c’est à cause du remplacement des circuits de distribution datant de Mathusalem.
Puis on a incriminé le barrage hydro-électrique de Péligre rendu par la sécheresse quasiment inutilisable.
C’est aussi vrai l’un que l’autre.
Mais soudain, d’autres facteurs font leur apparition.
Des firmes privées de fourniture d’électricité à la compagnie nationale (ou Electricité d’Haïti) arrêtent (ou menacent d’arrêter) leurs turbines.
Elles sont trois ou quatre.
L’affaire gagne les rues. L’Etat ne peut pas honorer ses factures.
Constat de faillite …
Ce fut presque l’un des thèmes du récent Carnaval dit des fleurs. N’était la décision formelle du président Michel Joseph Martelly d’interdire tout propos hostile au gouvernement dans ‘son’ carnaval !
Mais les faits vont vite prouver que l’Etat est en effet quasiment en banqueroute. Et l’un des signes les plus irréfutables c’est le nombre d’heures de distribution de courant dans la capitale.
Or il arrive que l’électricité soit étroitement liée au baromètre politique. Depuis François ‘Papa Doc’ Duvalier, le père du barrage hydro-électrique de Péligre, on le sait.
PORT-AU-PRINCE, 29 Août – Dimanche 25 août 2013, le président du Suriname, Desi Bouterse, passait le bâton honorifique à son homologue haïtien Michel Martelly, pour l’organisation en Haïti, en 2015, de cet important événement régional connu sous le nom de Carifesta.
Un pays qui ne s’est pas relevé du séisme dévastateur de janvier 2010 peut-il assumer une telle charge ?
A première vue non. Et pourtant Si. Yes we can. C’est un grand rendez-vous culturel et artistique des pays de la région. Et à ce niveau ce n’est pas trop de dire que Haïti est un des plus riches.
Vous me direz : en a-t-on les moyens, financiers ?
Il suffit de le vouloir. N’a-t-on pas eu deux carnavals cette année ? Il suffit d’en avoir un seul en 2015, et qu’il corresponde avec le Carifesta. Bien sûr pas question d’attendre la dernière minute, selon nos habitudes. Haïti a pris la responsabilité d’organiser l’événement régional (qui sait même planétaire si nous nous y prenons bien), alors il faut assumer dès aujourd’hui. Tout de suite. Mettre sur pied un comité d’organisation. C’est un défi aux yeux du monde entier.
Peu de participation et de support …
De plus nous ne sommes pas les seuls engagés dans ce projet. On est supposé avoir la collaboration des autres membres de la communauté caraïbe. Mais à ce sujet nous serions méfiants quand on lit les réactions rapportées dans la presse régionale du ministre de la culture de la Barbade, Eleston Adams, encourageant ses homologues régionaux à apporter leur support au Carifesta et exprimant son désappointement.
‘J’ai le regret de dire que je suis déçu par le peu de participation et de support des ministres de la culture de la Caraïbe pour le Carifesta’, a dit Adams.
‘La culture, a-t-il poursuivi, devrait être plus proéminente si nous voulons en récolter les bénéfices, spécialement dans le domaine du tourisme.’
A côté de la Barbade, les principaux participants ont été cette année la Jamaïque et Curaçao.
PORT-AU-PRINCE, 17 Septembre – Pas tout à fait folle la guêpe, peut-être que le président Michel Martelly sait quel tour il joue à l’opposition en se précipitant la semaine dernière dans ses bras après l’échec de ses partisans à la Chambre des députés pour bloquer le vote du projet de loi électorale.
Dès le lendemain de cette mésaventure, Michel Martelly frappait à la porte de certains leaders politiques bien connus avec un rameau d’olivier.
Martelly propose le dialogue. En cela répondant aussi aux recommandations de la communauté internationale qui n’a qu’un mot à la bouche : consensus, compromis.
Mais le geste du président survient à un moment où l’opposition est embrayée plutôt dans une direction contraire.
Une manifestation (à l’actif de leaders également bien connus) a été dispersée par la police avec des grenades lacrymogènes. Cela le jour même où le président faisait sa tournée des leaders politiques.
La tendance radicale est si manifeste que ces derniers sont restés prudents sur les sujets évoqués avec leur important visiteur.
En dehors des secteurs parlementaires directement intéressés, rares sont les organisations politiques qui se sont déclarées ouvertement prêtes à aller aux prochaines élections.
PORT-AU-PRINCE, 30 Septembre – Deux manifestations (et même trois) ont gagné les rues de la capitale haïtienne ce lundi 30 septembre 2013.
Motif : commémorer le 22e anniversaire du coup d’état du 30 septembre 1991 qui avait renversé, dans un déluge de feu et de sang, le premier président élu démocratiquement de l’ère post-Duvalier, Jean-Bertrand Aristide.
L’une des trois manifestations, à l’actif d’organisations proches du pouvoir en place, dont le très anti-Lavalas Conasovic, et son animateur Rosemond Jean, et surtout le mouvement dit des militaires démobilisés auxquels le président Michel Martelly a promis la reconstitution des ex-Forces armées d’Haïti - est partie de la place Jérémie et a suivi un parcours bien délimité sous la protection des forces de police.
Tandis que les deux autres manifestations, toutes les deux anti-gouvernementales, convergeaient d’un commun accord vers le périmètre du palais présidentiel.
Une branche partie de l’église Saint Jean Bosco, au bas de la ville, et conduite par la Fondation 30 Septembre, Molegaf, Fopak et autres organisations populaires.
L’autre branche a pris son départ de Radio Tele Kiskeya, ruelle Vilmenay, sous la houlette du Mopod, un rassemblement de partis politiques.
Arrivés au Champ de Mars, où se trouve le siège de la Présidence de la République, les deux groupes se sont fusionnés et ils étaient alors plusieurs milliers qui se sont heurtés aux unités spécialisées de la Police nationale disposées en rangs serrés.
Ceux-ci forcés de reculer sous le nombre, ont utilisé les gaz lacrymogènes. Spécialement au niveau de la Faculté d’Ethnologie dont les étudiants avaient de leur côté commencé à jeter des pierres aux policiers.
JACMEL, 2 Novembre – Deux événements pas tout à fait semblables et en deux lieux différents mais qui se terminent tous les deux de manière si inattendue qu’on peut se demander s’il n’y a pas un deus ex machina, quelque main agissante par derrière.
Il s’agit de l’affaire André Michel. Et une semaine plus tard, jour pour jour, celle de la manifestation des lycéens du Cap-Haïtien, et qui prit fin sous des nuages de gaz lacrymogènes lancés par des mains inconnues. En tout cas jusqu’ici non identifiées malgré, selon l’expression consacrée, l’enquête qui se poursuit !
L’avocat André Michel, supposément sous un avis de recherche judiciaire, est arrêté le lundi 21 octobre.
Aussitôt tout un peuple, avec à sa tête plusieurs groupements et regroupements politiques, sort pour prendre sa défense.
Port-au-Prince s’échauffe. L’affaire prend aussitôt une tournure politique. En effet, Me André Michel est aussi le jeune avocat qui a introduit une plainte contre la Première dame Sophia Martelly et son fils ainé pour corruption.
Surgit un commando ! …
Soudain, alors que le détenu venait d’être emmené au Parquet pour interrogatoire, surgit un commando qui l’arrache des mains de ses gardiens et l’entraine à l’abri d’un véhicule officiel jusqu’au Parlement. D’où il sortira, aussi mystérieusement, pour aller se mettre à l’abri.
Jusqu’à date personne n’a revendiqué l’opération. Du moins, ouvertement.
Tout comme les autorités qui réagiront par une série de déclarations plutôt embarrassées sur les bords.
En tout cas, les rues qui étaient au bord de l’explosion en cette journée du mardi 22 octobre, retrouveront presqu’aussitôt leur calme.
Dans un pays tellement habitué aux troubles politiques, on ne se pose plus la question de savoir comment cela commence. Ni comment cela finit.