Réponse à Justin Trudeau
MIAMI, 15 Décembre – Lors de son interview de fin d’année le Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, ‘a reconnu que son pays a échoué dans la mise en place d’une politique stable en Haïti avec des résultats tangibles.’
Nous citons une dépêche de RHInews, toujours M. Trudeau poursuivant : ‘Il ne s’agit pas seulement de l’échec du Canada. C’est également celui des Etats-Unis, des Nations Unies et de l’Europe.’
Et concluant : ‘on doit apprendre des erreurs du passé.’
Si cela en effet était possible.
Car les causes remontent à tellement plus haut et tant de dégâts ont déjà été commis.
Alors que l’on tend à rester prisonnier du présent-présent c’est-à-dire n’allant pas plus loin que les dernières interventions internationales dans notre pays (1994 puis 2004 etc), il serait bon au contraire de faire davantage le point à ce sujet, pour MM. Justin Trudeau et Robinette Biden … et pour nous aussi bien sûr.
Si les interventions de 1994 et 2004 ont été comme on l’admet aujourd’hui, des coups pour rien c’est évidemment parce que ce sont des opérations comme dit le créole ‘kache peche’, c’est-à-dire pour essayer de colmater un mal déjà fait et aux effets indéniablement à plus long terme.
Cependant ne vous méprenez pas, les premiers et vrais responsables n’en sont pas moins nous autres Haïtiens, ou comme aimait à répéter notre ami le poète Emile Célestin Mégie : ‘haïtien ou haïr les siens’ !
Cela dit, nous pouvons témoigner que le dernier exemple d’une intervention positive de Washington dans les affaires d’Haïti remonterait au gouvernement de Jean-Claude ‘Baby Doc’ Duvalier (années 1970) : développement d’une industrie d’assemblage accompagnée de la relance du tourisme.
Création d’emplois et de richesses qui put calmer les esprits et permit une pacification aux quatre coins du territoire national.
A l’époque ce sont nos voisins dominicains qui venaient voler les chevaux de nos concitoyens à la frontière !
On doit à l’administration Carter (président Jimmy Carter, 1976-1980) d’avoir non seulement tenté de convaincre Duvalier d’abandonner le régime de la présidence à vie mais aussi accepté de recevoir les immigrants haïtiens au même titre que les cubains, du fait que les uns comme les autres fuyant un régime dictatorial.


Mais depuis et ceci dit, les Etats-Unis n’ont fait que nous enfoncer à chacune de leurs interventions dans nos affaires, toujours plus dans le gouffre.
Baby Doc parti en exil le 7 février 1986 c’est leur soutien à l’armée … qui fera le massacre électoral du 29 novembre 1987.
Suivi du coup d’état du 30 septembre 1991 parce que l’élu, le prêtre Jean Bertrand Aristide (sorte de populisme aveugle et apportant de l’eau au moulin de l’extrême-droite qui avait appuyé Duvalier), n’était pas le choix de l’administration de George Bush père.

Ce sont coup sur coup deux interventions militaires mais toujours et invariablement pour avancer ses propres pions …

Et de fil en aiguille, comme dit l’anglais ‘to make a long story short’ - pour raccourcir une histoire à la fois immuable et toujours recommencée, ce sont coup sur coup deux interventions militaires mais toujours et invariablement pour avancer ses propres pions : 1994 pour forcer Haïti à embrasser la mondialisation économique mais sans aucune préparation, ce qui nous vaut la disparition totale aujourd’hui de l’économie nationale … et 2010 pour changer les résultats des élections et installer à la présidence du pays un candidat sorti des tiroirs d’une certaine secrétaire d’Etat Hillary Clinton.
Dès lors c’est la porte ouverte aux mêmes individus qui achèveront le pillage, peut-être les pires dans l’histoire du pays, à l’image du film d’Ettore Scola : Affreux, sales et méchants bref les mêmes que poursuit aujourd’hui (et nous revenons au premier ministre Justin Trudeau) l’international à coups de sanctions.
Pour le premier ministre du Canada, ces dernières vont se poursuivre. Et bientôt homologuées par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Il aura fallu une chanson de Jean Pierre Ferland ‘Il a neigé à Port-au-Prince’, qui marqua l’apogée du tourisme canadien en Haïti …

Mr. Trudeau croit voir dans les sanctions ‘une approche nouvelle pour venir à bout de la crise haïtienne’.
‘Ajoutant que d’autres sanctions sont prévues et souhaitant que les partenaires européens … emboitent également le pas.’
Or pas obligatoirement notre ancien ‘maître’ la France …
En effet à la récente initiative du journal The New York Times de dénoncer dans une longue série bien documentée, la Dette de l’Indépendance (une punition qu’on dit unique dans l’Histoire, ceci pour avoir arraché notre indépendance par les armes de la France coloniale en 1804 … et, qui plus est, contraindra nos gouvernements successifs à non seulement ruiner le pays pour s’en acquitter mais aussi forcer également la nation à une soumission quasi esclavagiste), eh bien à ces révélations répondit … une France boudeuse.
Qui plus est, revancharde, subventionnant en effet en 2004, deuxième centenaire de l’indépendance, les groupes locaux hostiles au gouvernement du même Aristide qui toujours dans sa logique ‘populiste’, nous avait lancé dans un nouveau cul-de-sac : la dette de l’indépendance comme propagande politique !

La sympathie du fils d’un défunt premier ministre Pierre Elliot Trudeau que les Haïtiens ont beaucoup apprécié pour sa démarche progressiste …

Quant au Canada, Mr. Trudeau est trop bon. Que nous doit-il ? Il aura fallu une chanson de Jean Pierre Ferland ‘Il a neigé à Port-au-Prince ’, qui marqua l’apogée du tourisme canadien en Haïti. Et sympa comme tout. Les premiers débarqués nous diront qu’ils sont les ‘nègres blancs’ c’est-à-dire victimes du racisme anglo-saxon qui leur crie ‘speak white’ c’est-à-dire parler anglais alors qu’ils sont tout fiers de leur français, cependant menacé.
Mais voici justement les diplômés haïtiens partis prêter leurs services dans l’Afrique en pleine décolonisation (années 1960) - en même temps pour fuir Papa Doc, celui-ci fort du soutien de Washington dans la lutte anti-communiste - et qui leur contrat en Afrique terminé, se voient offrir de s’établir au Québec.
C’est la communauté haïtienne au Canada, qui ne cesse de s’agrandir, aujourd’hui encore une dernière-dernière chance pour nos diplômés plus que jamais sans la moindre perspective sur le marché local.
Que nous doit le Canada ?
La sympathie du fils d’un défunt premier ministre Pierre Elliot Trudeau que les Haïtiens ont beaucoup apprécié pour sa démarche progressiste …
Jusqu’à sembler encore récemment prendre le contre-pied d’un certain premier ministre québécois semblant tout ignorer de cette page d’histoire de la ‘Belle province’ …
On dit que des compagnies canadiennes prospecteraient quelque part dans le nord d’Haïti. Des chercheurs d’or, vous vous rendez compte. ‘En plein vingtième siècle sila a.’
Voici donc un aperçu de ce qui est réellement en jeu aujourd’hui dans notre pays.
Comme disait la même chanson de Nemours Jean Baptiste citée plus haut : ‘Ici repose.’
Pas ‘ci-git’.
Car quoique triste, l’histoire n’est pas terminée. Loin de là.
‘A bientôt détails !’

Marcus Garcia, Haïti en Marche, 15 Décembre 2022