L’Exemple des Missionnaires
MIAMI, 21 Décembre – Lors d’une conférence de presse lundi au siège de l’organisation Christian Aid Ministries, basée dans l’Ohio (Etat-Unis), l’on a appris, coup de théâtre, que les missionnaires nord-américains otages depuis deux mois d’un gang haïtien, n’ont pas été, comme l’on a crû, remis en liberté par les ravisseurs, le jeudi 16 décembre, mais qu’il se sont enfuis. A pied. Dans la nuit. A travers des chemins escarpés. Et guidés avec pour seul éclairage : la lune.
Un miracle ! Ils sont plusieurs millions en Haïti, où dominent aujourd’hui les cultes évangéliques, à probablement le voir ainsi.
Auparavant ils étaient 17 missionnaires, dont un canadien, qui ont été kidnappés le 16 octobre dernier par le gang haïtien dénommé ‘400 Mawozo’ (en créole ‘gwo soulye’ ou sauvages, sans manières ?).
Or cependant on a l’impression que les otages n’ont pas été si mal traités pendant leur captivité. Parmi eux, il y avait 5 enfants en bas âge, dont deux bébés. Dans la photo de groupe publiée lors de la conférence de presse de lundi, ces derniers ont l’air normal.
Probablement qu’ils n’ont pas été séparés de leur mère.
Les ‘Mawozo’ ont-ils, dans leur correspondance avec les forces de sécurité américaines (et haïtiennes), été placés formellement devant leurs responsabilités ?
Lors de la conférence de presse de lundi ainsi que dans les prières avec lesquelles était reçue chaque libération d’otage (il y a eu une première remise en liberté de deux otages, puis d’un second groupe de trois mais sans jamais d’explication fournie), on croit comprendre que l’arme principale ici a été la discrétion … et d’abord la foi.
Selon le porte-parole de la congrégation Christian Aid Ministries, les otages auraient demandé eux-mêmes qu’aucune violence ne soit utilisée pour les libérer. Ils se sont remis à la puissance de leur foi.
Lors de la conférence de presse de lundi a été montrée aussi une video du groupe chantant une chanson qui les aurait inspirés pendant leur captivité (rezonodwes.com), celle-ci vécue probablement par eux comme un test de leur foi.
Bref nous nous trouvons devant un phénomène d’essence religieuse, ce qu’on appelle communément un miracle.
Mais qui ne vient pas tout seul, bref qui demande toujours un sacrifice. Un effort. Et un effort commun.
Quelques Leçons de l’Explosion du Cap-Haïtien
MIAMI, 15 Décembre – Le nombre de victimes de l’accident du camion-citerne rempli d’essence qui a explosé lundi soir (13 décembre) au Cap-Haïtien, deuxième ville d’Haïti, s’élevait mercredi matin à 74 morts et autant sinon plus de blessés.
Le premier ministre de facto Dr Ariel Henry a réagi tout de suite en prenant la tête d’un corps de médecins et autres secouristes qui s’est rendu immédiatement sur les lieux.
Première réaction : encore le scandale de la contrebande d’essence qui fait rage depuis maintenant plusieurs mois ?
Aggravé par la dernière décision du gouvernement d’augmenter les prix du carburant à la pompe, en éliminant une subvention remontant à plusieurs années et que les finances publiques ne peuvent plus se permettre.
Probablement aussi une exigence des gendarmes économiques internationaux (FMI-Fonds monétaire international …) pour offrir leur collaboration.
Mais on s’est trompé, ce ne sont pas les responsables de la livraison du carburant qui, dans leur avidité quoique manifeste dans cette crise, sont à la base, du moins directement, de cette nouvelle catastrophe … mais, nous dit-on, la population elle-même.
L’accident s’est produit dans un quartier de forte densité, nommé Samari, à l’entrée sud du Cap-Haïtien (selon l’agence RHINews).
A un tournant de la route, le conducteur du camion-citerne a fait malencontreusement une embardée pour éviter un taxi-moto, et voici le poids lourd à la renverse.
Le conducteur, nous dit-on, s’est alors mis en devoir de prévenir les gens de ne pas s’approcher, la population commençant à s’assembler et plusieurs avec l’intention évidente de faire main basse sur le carburant qui commence à s’écouler.
Mais personne ne l’écoute et soudain c’est une violente explosion qui détruit tout, gens et habitations, sur une bonne distance.
Et cela dans une ville, voire un pays tout entier, qui aujourd’hui n’a aucune disposition pour faire face à pareille situation.
Aussitôt on pense à la contrebande qui a fait rage depuis les dernières raretés sur le marché du carburant.
Little-Haiti victime de la Crise Haïtienne !
MIAMI, 9 Décembre – Little-Haïti, le quartier haïtien de Miami, n’est plus que l’ombre de lui-même.
Non seulement parce que la majorité des nôtres ont dû déménager, ne pouvant faire les frais de loyer et autres avec la prise de possession du quartier par les entrepreneurs du Design District, Miami se convertissant en capitale de l’industrie artistique internationale (nous y reviendrons dans une prochaine chronique) mais ce mois de décembre qui est traditionnellement le plus prolifique avec les transferts d’argent et autres pour le pays natal, c’est une image totalement différente que projette la communauté haïtienne.
Et ce doit être probablement aussi le cas pour celle de New York, Boston, Chicago, Freeport (Bahamas) etc.
Les petits shops haïtiens sont vides. Motif no.1 : personne ne voyage en Haïti. Les gangs armés y font la loi, kidnappant, tuant, violant. Ce ne sont que ces nouvelles-là qui proviennent du pays.
Personne donc ou presque qui osera y mettre le pied pour les fêtes de fin d’année.
Or le gros du quartier haïtien s’étant déplacé vers ailleurs (North Miami, par exemple, où le loyer et les dépenses de première nécessité sont plus abordables), ce sont ces entreprises dites de service qui demeurent encore à Little-Haiti.
Et ce sont elles qui font les frais de la crise multiforme qui fait rage aujourd’hui au pays natal.
Traditionnellement l’Haïtien règle tout au même endroit. N’ayant pas assez le temps pour courir dans tous les sens, certains n’ayant que le dimanche pour congé.
Eventuellement son billet de voyage pour être en Haïti pour le 6 janvier : Fête des Rois (les Rois Mages) qui est la célébration principale dans nos provinces, moins que la Noel et le Nouvel An.
Mais le vrai casse-tête actuellement ce sont les transferts ou envois d’argent aux parents en Haïti.
La banque centrale d’Haïti (BRH) reconnait que ce sont ces derniers qui font tourner aujourd’hui l’économie du pays.
Près de 3 milliards annuellement pour une économie qui produit elle-même moins de 500 millions.
A ce propos la dégradation de la monnaie locale a atteint son point culminant. Dernier taux de la gourde (monnaie locale) par rapport au dollar : 100 g. 29 pour 1 dollar.
C’était le 28 Novembre 1980 !
MIAMI, 28 Novembre – Une date commémorée en Haïti par la presse et encore une partie d’entre elle. Or si on savait car tout est parti de là.
Le 28 Novembre 1980, la presse en Haïti a été décapitée d’ordre de Jean Claude ‘Baby Doc’ Duvalier.
Particulièrement deux stations de radio très populaires : Radio Haïti Inter et Radio Métropole.
Haïti Inter a vu emporter tout son staff, direction et personnel ; le premier à avoir disparu de la circulation son patron, Jean Léopold Dominique qui semble avoir eu le temps de gagner le maquis.
Métropole voit emprisonner deux de ses membres : Marcus Garcia et Elsie Ethéart.
Tous vont être forcés à l’exil les uns et les autres : Michèle Montas, Konpè Filo, Liliane Pierre-Paul, J.J. Dominique et beaucoup d’autres.
Autre média victime, l’hebdomadaire Le Petit Soir dépecé de ses journalistes vedettes : Pierre Clitandre et Jean Robert Hérard.
Mais c’est quoi cette presse dite indépendante qui a fait tellement peur à une dictature bien assise et dans un pays ouvert au tourisme et aux emplois nombreux créés par l’industrie d’assemblage.
Un pays aussi tout à fait pacifié après les années terribles de la dictature version Papa Doc (1957-1971), au bilan de jusqu’à peut-être dix mille morts, dans toutes les catégories sociales.
Vient un président démocrate américain nommé Jimmy Carter (1976-1980) qui, sous le drapeau (ô bienvenu) du respect des droits humains, força à vider toutes les prisons du régime, principalement Fort Dimanche-Fort La Mort …
Puis en avant pour l’organisation des premières élections libres depuis 1957.
Et là le duvaliérisme se braque.
Le 28 Novembre 1980 est la conséquence directe de cette conjoncture-là, de ce face à face.
Jimmy Carter n’est pas réélu. Les ‘Jean-Claudistes’ s’enfoncent dans la brèche.
Comme si la politique d’un pays aussi puissant comme les Etats-Unis d’Amérique pouvait être l’œuvre d’un seul homme.
MIAMI, 14 Novembre – Un nouveau terme fait de plus en plus son chemin concernant notre Haïti c’est celui de ‘Economie criminelle’.
Non au sens large utilisé par certains de nos intellectuels pour qualifier le régime traditionnel d’exploitation qui marque les rapports économiques dans notre pays depuis toujours, hélas, mais aujourd’hui de manière plus spécifique.
Même quand le trafic de la drogue faisait beaucoup plus parler de lui (peut-être parce qu’il restait encore tant soit peu de l’économie normale) qu’on ne parlait pas autant d’économie criminelle … qu’aujourd’hui.
Celle-ci de toute évidence est liée à l’activité si l’on peut dire économique actuellement la plus répandue … qui n’est ni l’exportation du café ou de la mangue ; ni le tourisme ; ni même le commerce local du carburant qui est actuellement un vrai casse-tête, ni même la drogue, mais … le kidnapping, bien entendu.
Economie criminelle !
On lit quelque part que ces derniers mois, les sommes circulant en Haïti en matière de rançons, friseraient les 30 millions de dollars US.
Economie criminelle, donc ce pactole suit la courbe normale que connait tout investissement de capital.
Capital-travail. C’est ainsi que le simple kidnappeur serait un employé comme un autre. Celui qui opère l’enlèvement dans la rue ou autre, transmet le colis à un autre et celui-ci à un autre … jusqu’au quartier général. C’est un travail à la chaîne.
Bien entendu économie signifie investissements. Grâce à la détention depuis près d’un mois de 17 missionnaires américains dont 1 canadien, on a pu voir le FBI (police fédérale américaine) s’en mêler. Arrestation en Floride de trois personnes, parmi elles des haïtiens-américains, dont la tâche est la fourniture d’armes lourdes au gang, dont des fusils avec télescope (‘sniper’).
Donc gros investissements en armements. Et qui n’ont pas à passer par des voies compliquées comme pour la cocaïne mais achetées la porte à côté, aux Etats-Unis et en plein jour, et débarquées en Haïti à n’importe quel port comme on dit ouvert au commerce extérieur, autrement dit business as usual !
Mais économie cela suppose transfert de fonds et transférer par exemple 17 millions de dollars, qui est la rançon exigée pour la libération des 17 missionnaires, cela ne se fait pas de la main à la main tout de même.