Une atmosphère de fin de règne !

MEYER, 18 Avril – Sonson Lafamilia n’a pas été reconnu non coupable, il a été libéré. C’est le cas de dire : sans aucune autre forme de procès.
Comme si le président Michel Martelly, en vertu des pleins pouvoirs que la Constitution est censée lui accorder jusqu’aux prochaines législatives, avait pris un décret en faveur de la remise en liberté de son proche partisan. Et pas n’importe lequel : accusé de trafic de stupéfiants et de kidnapping et à la tête d’un gang qui, selon le rapport de police et non de simples rumeurs, a ramassé ainsi plus d’un million de dollars.
Voici donc le peu de cas que fait notre président de la justice, dont la même Constitution fait cependant aussi de lui le gardien suprême. C’est-à-dire qu’il n’en fait aucun cas. Il en a tout simplement marre notre président. Marre de tout. ‘I don’t care ; kite mele dada m’, comme il chantait quand il n’était qu’un amuseur public, époque où Sonson Lafamilia appartenait justement au cercle intime. Ou au moins, comme le reconnaît un sénateur proche du pouvoir : ‘un ami de bal.’

Procès d’Al Capone ! …
Car on aurait pu faire au moins un simulacre de procès. Attendu que, etc. Ou encore vu l’absence de témoins clé. Du genre, oui, souvenez-vous du procès d’Al Capone !
Mais remise en liberté avant même l’ouverture des débats et sur constatation par un juge Lamarre Bélizaire que tout le monde considère comme un toutou du pouvoir en place, sous le simplissime prétexte que le dossier est vide, alors qu’il existe un rapport de la police judiciaire portant sur des faits vérifiés par des descentes sur les lieux et parlant à certains des accusés et à leurs complices, outre leurs victimes, cela sombre dans le grandguignolesque, c’est ridicule. C’est se foutre de la gueule du monde entier.
Mais c’est tout à fait peut-être un reflet fidèle de l’état d’esprit actuel de notre président. ‘I don’t give a s … .’
Michel Martelly est entre plusieurs enclumes et plusieurs marteaux.

 

Un pouvoir pour cent ans ! …
D’un côté, Washington qui limite son régime tant attendu des pleins pouvoirs dont il espérait tant tirer, tout tirer pour réaliser tous les rêves de soi-même et de ses amis. Comme disaient les Nazis, un pouvoir pour cent ans !
Le Département d’Etat américain aurait été strict dans l’exercice des pleins pouvoirs. Par exemple, pas question de la décharge (quitus administratif) aux anciens gestionnaires des fonds publics, et indispensable à ces derniers pour rechercher en premier lieu la fonction de président de la république.
Ce qui enlève à Michel Martelly le pouvoir exclusif, et exclusiviste, de pouvoir désigner son successeur … à la manière d’un César.
Le premier à en pâtir serait l’ex-premier ministre Laurent Lamothe.

Série à la Chicago des années trente …
Les Lamothistes hurlent aujourd’hui dans les brancards.
Mais ils ne s’en contentent pas. Une véritable guerre intestine règne aujourd’hui au sein du régime Tèt Kale.
Parce que les anti-Lamothe en profitent de leur côté pour avancer leurs pions. Actuellement la bataille fait rage dans les coulisses des candidatures aux prochaines législatives présentées par le parti au pouvoir.
Mais aussi le même clan en profite pour vider tous les autres contentieux. Il faut faire vite. Entre autres la détention depuis plusieurs mois de ce Woodly Ethéard, surnommé Sonson Lafamilia, du nom d’un restaurant qui était aussi un ‘hang out’ (rendez-vous) favori pour notre chef de l’Etat, mais aussi apparemment le quartier général d’un gang spécialisé dans les stupéfiants et les enlèvements, le Gang Galil.
Mais nous n’aurons pas le loisir de savoir ce qui est vrai ou faux dans cette série à la Chicago des années trente puisque nos ‘chefs’ ont décidé de ne prendre aucun risque. Et de libérer le célèbre accusé avant même le procès proprement dit.
On pense que le président Martelly doit prendre de nombreuses décisions du même genre en ce moment. Comme quoi, le sort en est jeté, tout ce qui ne lui est pas interdit officiellement, allez y.
Interdit par Washington, bien entendu, par qui d’autre ?


Il ne peut donner la décharge, comme s’il désignait lui-même son successeur, pouvoir suprême par excellence (‘en tant que chef suprême de la nation’, comme il se présentait dans les premiers jours de sa présidence), cela malgré tous les efforts faits par lui et par son ex-premier ministre, Laurent Lamothe, qui fit pendant longtemps figure de favori - alors pour le reste, il ne prendra ni ne donnera aucune chance, pas de cadeau, pas de quartier !

Gare aux effets boomerang …
D’autant qu’on constate de plus en plus, au fur et à mesure qu’approche la fin de règne, que notre président a beaucoup de comptes à rendre. Et que les demandes de règlement qui l’assaillent, sont nombreuses. Trop nombreuses à gérer.
Et que les mots d’ordre de Washington ne sont probablement pas son pire casse-tête que gérer la guerre des clans qui fait rage autour de lui en cette avant-veille des élections.
On se bouscule, mais on se dénonce aussi allègrement les uns les autres et c’est pire encore à cause des effets boomerang qui peuvent retomber sur la tête de tout un chacun et aussi de tout l’ensemble.
De fait, on a l’impression que toutes ces histoires de découvertes de tonnes de cocaïne ici et là ne sont pas un effet du hasard.
Comme lors des guerres de succession dans le vieux Monde, évitons de sortir dans les rues qui sont livrées aux spadassins et à leurs hommes de main dangereux et aveugles.

Haïti en Marche, 18 Avril 2015