Le ministre Fantino universellement désavoué
JACMEL, 11 Janvier – Voilà ce qu’on appelle en prendre plein la cartouchière puisque l’actuel ministre canadien de la coopération, Mr. Julian Fantino, est un ancien chef de la police.
En effet tout le monde le critique surtout pour ses propos accompagnant sa décision de geler l’aide du Canada à Haïti.
C’est à se demander si le Premier ministre Stephen Harper était au courant.
Et si le ministre a consulté les représentants du Canada en Haïti avant de tirer ses conclusions.
On remarquera cependant qu’il venait d’effectuer une visite en Haïti.
Bien sûr le gouvernement haïtien est monté au créneau. Mais c’est d’un seul choeur que le ministre Julian Fantino se fait rabrouer partout. Au Canada comme ailleurs. Au Québec comme en diaspora. Etc.
Ce sont d’abord des ONG canadiennes faisant ressortir, indirectement bien sûr, tout un côté superficiel dans les propos du ministre qui accuse : ‘Il y a des déchets partout.’
Inscrire les projets dans la durée …
Pour Jean-François Labadie, responsable d’un projet d’appui en gestion de la santé mis en place en 2001, grâce à l’ACDI (Agence canadienne pour le développement international), ‘l’aide internationale a encore besoin d’évoluer. Elle doit améliorer sa cohérence et sa concertation. Tant le gouvernement haïtien que les partenaires internationaux ont leur responsabilité à cet égard’.
Le programme qu’il dirige, le PARC, a préparé 250 diplômés qui sont à présent intégrés à la fonction publique. La directrice générale du ministère haïtien de la santé, par exemple, en est issue.
Selon Mr Labadie, il est nécessaire d’inscrire les projets dans la durée pour assurer de bons résultats.
Et ajoute-t-il, ‘c’est l’une des grandes forces de la coopération canadienne que d’appuyer des projets qui se construisent sur 5 ans et même 10 ans.’
Construit avec la participation des habitants …
Le ministre Fantino explique sa décision du fait que, selon lui, les Haïtiens ne participent pas assez à la solution des problèmes de leur pays.
‘Allons nous nous occuper de leurs problèmes pour toujours ? Eux aussi doivent se prendre en charge’, tonne-t-il dans les colonnes du quotidien La Presse.
Ecoutons à présent Mme André Gilbert, chargée de projet à OXFAM-Québec.
‘Lors des deux derniers ouragans, notre travail de restauration des ravines a littéralement sauvé des vies’.
Cette Québécoise qui a passé près de vingt ans en Haïti met actuellement la touche finale à un projet d’aménagement de trois bassins versants dans les campagnes entourant l’épicentre du terrible séisme de 2010 dans l’objectif de relancer le développement agricole et communautaire.
Le projet est financé principalement par l’ACDI pour un coût de 6 millions de dollars.
Et Mme Andrée Gilbert de poursuivre : ‘L’équivalent de 8km de canaux d’irrigation et de 7 km de chemin a été construit avec la participation des habitants et des agriculteurs. En étroite collaboration avec les institutions gouvernementales, ce projet a aussi permis la réhabilitation de puits et de sources détruits par le séisme, ainsi que l’établissement de 750 poulaillers et la plantation de 23.000 arbres fruitiers, plus du double que ce qui avait été prévu.’
‘Ce n’est pas un pays facile’ …
Le ministre Julian Fantino pense-t-il que c’est dans la capitale de près de 3 millions d’habitants et détruit par le séisme de janvier 2010 que se concentre l’aide canadienne ?
On pourrait le croire.
‘Parfois il y a des reculs, mais aussi il y a de belles avancées’ confirme Martine Bernier, représentante des projets financés par l’ACDI au Centre de coopération internationale en santé et en développement de Québec. Elle est convaincue que les fonds d’Ottawa font une grande différence sur le terrain.
‘Haïti ce n’est pas un pays facile’, explique-t-elle, rappelant que le pays n’a cessé de connaître de graves difficultés : l’épidémie du Sida, plusieurs ouragans, le séisme du 12 janvier 2010 qui détruisit la capitale, fit plus de 200.000 morts et un déficit économique équivalant à 120% du PIB. Puis, le dernier et non le moindre, le cholera qui a déjà tué plus de 7.000 personnes.
Les critiques viennent aussi d’ailleurs. Selon un autre article paru dans La Presse (Canada), un haut fonctionnaire du Département d’Etat américain a souligné que le Canada est un partenaire important et apprécié en Haïti et que Ottawa ne devrait modifier aucun de ses programmes.
Tandis que pour une responsable du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), le ministre Fantino n’a peut-être pas bien saisi tout ce qui se passe en Haïti lors de son premier séjour dans ce pays.
Le tourisme et le secteur minier …
Enfin pour certains en Haïti, le ministre Julian Fantino se servirait d’Haïti pour régler ses propres comptes dans le milieu politique au Canada et au sein même du gouvernement du Premier ministre Harper.
L’ancien chef de la police provinciale de l’Ontario a succédé à Mme Bev Oda qui avait promis de restaurer le Champs de Mars, le plus grand square de la capitale haïtienne, dès que les sinistrés du séisme se seraient retirés. Ce que le gouvernement Martelly est arrivé à obtenir. Des pancartes rappellent encore la promesse du Canada.
Pour finir il y en a pour qui la référence du ministre Fantino à la République dominicaine voisine signifie qu’il y a trouvé deux choses qui l’obsèdent : le tourisme et le secteur minier.
Oyez le ministre : ‘On va, à côté, en République dominicaine, et les choses vont beaucoup mieux.’
Ensuite, plusieurs sociétés minières canadiennes y sont déjà actives, et en 2010-2011, l’ACDI a décaissé plus de 250 millions de dollars dans le pays, selon les données fournies par l’Agence canadienne.
Le ministre Julian Fantino voit probablement plus d’intérêt à investir dans le tourisme et le secteur minier ( ?) que dans la réhabilitation des bassins versants.
‘Chacha ye cha !’
Un moment d’égarement …
Enfin pour son homologue de la province du Québec, Jean-François Lisée : ‘j’espère que c’est un moment d’égarement de la part d’Ottawa.’
‘Nous menons beaucoup de projets avec l’ACDI. Si l’organisme se retire, il y aura un trou’ dit le ministre québécois.
‘C’est légitime de vouloir évaluer l’efficacité des programmes. Mais ce n’est pas nécessaire de stopper l’aide, dit Jean-François Lisée, précisant aussi : ‘Nous avons donné notre parole aux Haïtiens après le tremblement de terre.’
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince