Benoit XVI reçoit chaleureusement Martelly
PORT-AU-PRINCE, 24 Novembre – Rectifions pour l’Histoire. Le président Michel Martelly n’est pas le premier chef d’Etat haïtien reçu par le Souverain Pontife. Le 8 juin 1996, le président René Préval visitait Jean Paul 2. Mais on sait que son administration avait moins le souci de communication que l’actuelle équipe au pouvoir.
Le jeudi 22 novembre écoulé, le président Martelly accompagné de sa famille (son épouse Sophia et 4 enfants) et du ministre des affaires étrangères, Pierre-Richard Casimir, était reçu par Benoit XVI au Vatican.
Selon une note de presse de la Présidence, le chef de l’Etat haïtien a mis l’emphase sur ‘les liens d’amitié et de respect avec le Vatican.’
Puis avec le Secrétaire d’Etat du Saint-Siège, Mgr Tarcisio Bertone : ‘la révision du Concordat, les rapports de l’Etat avec l’Eglise, la construction des églises catholiques détruites ou endommagées lors du séisme et la continuité dans l’établissement des rapports de proximité entre l’Etat et l’Eglise.’
Quelle révision de quel Concordat ? …
Le Pape de son côté promet de toujours intercéder en faveur d’Haïti ‘à travers ses prières et des missions.’
Que veut dire ‘la révision du Concordat’ ? Y a-t-il une telle initiative à l’étude ? On ne sait.
Rappelons que l’actuel Concordat remonte à la présidence de François ‘Papa Doc’ Duvalier. Et après des démêlés historiques. Duvalier expulsa deux archevêques de Port-au-Prince : Mgr François Poirier, puis son successeur ad interim, le premier haïtien ordonné évêque, Mgr Rémy Augustin.
D’autres expulsions eurent lieu, dont celle d’un directeur du Petit Séminaire Collège Saint Martial, Père Etienne Grienenberger, le 17 août 1959.
Le Vatican réagit sévèrement en menaçant d’excommunication le (futur) dictateur haïtien.
Cependant des négociations ne tardèrent pas à commencer qui donneront lieu à une première révision du Concordat (1966) …
En vertu de quoi, Duvalier obtint que ce soit le gouvernement haïtien qui nomme désormais les évêques et non le Vatican, mais nomination conditionnée à l’approbation du Saint-Siège.
Depuis, la majorité des évêques d’Haïti sont noirs ou mulâtres.
Baby Doc abandonne ce privilège …
Cependant en 1983, lors de la visite en Haïti du pape Jean Paul 2, Jean Claude Duvalier renonça à ce privilège qui fut obtenu par son père.
Si cela ne fait aucune différence sur le plan ecclésiastique puisque la même politique d’indigénisation du clergé catholique était désormais admise partout dans le monde, par contre le gouvernement n’a plus la discrétion de nommer des évêques uniquement conformes à son credo politique comme l’avait voulu Papa Doc.
D’ailleurs l’Eglise catholique, y compris le haut clergé, jouera un rôle de premier plan dans le renversement de Baby Doc trois années plus tard, le 7 février 1986.
Haïti constitutionnellement un Etat laïque …
Cependant quelle nouvelle surprise nous réserverait la visite du président Martelly au pape Benoit XVI lorsque la note de la Présidence mentionne parmi les points abordés : ‘la révision du Concordat - les rapports de l’Etat avec l’Eglise’ ?
Rappelons qu’en diplomatie, surtout la vaticane, chaque mot a sa valeur.
Ensuite que selon un arrêté pris en 2001 par le président Jean-Bertrand Aristide, lui-même un ex-prêtre catholique, le vodou est reconnu comme une religion à part entière.
Enfin que la Constitution de 1987 en vigueur fait d’Haïti un Etat laïque.
Le premier Concordat remonte au président Jean Pierre Boyer qui passa 25 ans au pouvoir (1818-1843).
Pas un bénitier n’a été reconstruit …
Mais un autre point dans l’agenda de la rencontre et encore plus urgent à signaler, c’est ‘la reconstruction des églises catholiques détruites ou endommagées lors du séisme du 12 janvier 2010.’
Aucune église, ni chapelle, pas même un bénitier n’a été reconstruit. Et c’est un motif de grande préoccupation pour les catholiques. Et aussi les non catholiques puisque les lieux saints constituent des éléments fortement symboliques et incontournables du patrimoine national.
Le plus curieux est que la collecte de fonds organisée auprès des catholiques du monde entier en faveur de l’Eglise d’Haïti a produit plusieurs dizaines de millions de dollars américains.
Où sont les 30 millions de dollars collectés ?
En effet moins d’un mois après le séisme, arrivait à Port-au-Prince, la capitale martyre, l’Archevêque Jose Gomez (San Antonio, Texas), envoyé spécial de l’Eglise des Etats-Unis.
Selon les déclarations faites à la presse par Mgr Gomez, une somme de 30 millions de dollars avait été récoltée des paroisses à travers les Etats-Unis et, ajoutait-on, ce montant était susceptible d’augmenter parce que des douzaines d’autres diocèses n’avaient pas encore acheminé les produits de leur collecte (source ‘Express News’, par Abe Levy, 2 Mars 2010).
Mais pour des raisons inconnues près de trois années plus tard, les fidèles catholiques assistent à la messe sous des tentes ou dans des hangars de fortune.
Que ce soit à la capitale, Port-au-Prince, ou dans les autres villes victimes du tremblement de terre : Léogane, Jacmel etc.
Oui, pour des raisons inconnues !
Où sont donc passés les plus de US$30 millions donnés par les fidèles catholiques des Etats-Unis pour la reconstruction ou réparation des églises d’Haïti ?
Haïti en Marche, 24 Novembre 2012