Protocole d’accord : enfin un premier pas vers l’organisation des élections
MIAMI, 28 Décembre – Il importe de signaler que le protocole d’accord trouvé entre l’Exécutif et le Parlement pour constituer l’organisme devant gérer les prochaines élections (tiers du Sénat et les communales) n’a soulevé que peu de réactions. Comme si le sentiment général était un wait and see, attendons voir si cela va marcher. Ces élections sont déjà en retard de plus d’une année. Et le pays ne voit pas le profit de cette crise qui est partant purement politicienne. Faire passer le temps en espérant que sa propre position s’améliore. Y compris dans le camp du pouvoir qui tarde à mettre en place son propre parti politique. Mais l’international (dans les coulisses) manifeste son impatience. Et c’est ce dernier qui détient le nerf de la guerre : le cordon de la bourse. Dans une économie actuellement en totale anémie.
Les rares réactions négatives viennent de ceux qu’il faut bien appeler les irréductibles. C’est le petit groupe des quelque sénateurs qui s’opposent à tout ce qui inclut l’actuel chef de l’Etat, Michel Joseph Martelly. Un groupe dont le nombre ne se compte même pas sur les doigts d’une main.
Idem du côté des députés où les critiques sont émises par la minorité avec à sa tête l’actuel président de la chambre basse, le député Levaillant Louis Jeune (Inite).
Le fait est que l’accord trouvé au bout d’une crise de plusieurs mois a l’approbation de 17 sénateurs sur les 20 que compte aujourd’hui la chambre haute et que le pouvoir Martelly-Lamothe (Laurent Salvador Lamothe, l’actuel chef du gouvernement) est appuyé par une forte majorité des députés.
‘Niet’ …
Quant à la classe politique, elle a émis peu de commentaires, adoptant en cela l’attitude générale.
Sinon quelques négations par principe. Les éternels ‘Niet’ comme on disait autrefois des responsables soviétiques qui devaient s’opposer en tout point et en tout lieu à tout ce qu’avançait le camp américain.
On se souvient que les mêmes avaient le même comportement lorsque le président René Préval négociait la formation du conseil électoral qui organisera les présidentielles de novembre 2011. Mais cela ne les empêchera pas d’aller aux élections comme si de rien n’était.
Auquel cas il faudrait toujours leur demander : Niet oui, ou Niet non ?
Collège transitoire du CEP …
Maintenant rappelons un peu en quoi consiste ledit Protocole d’accord. Voici ce que nous lisons sur le site de Haïti en Marche en date du lundi 24 décembre :
Un accord trouvé entre l’Exécutif haïtien et le Parlement autour de la formation de l’organisme devant prendre en charge les prochaines élections (sénatoriales partielles et municipales-communales-locales).
Après une crise de plusieurs mois, les négociateurs des deux camps, grâce aux bons offices de la société civile représentée par la plateforme Religions pour la Paix, ont abouti aux conclusions suivantes : le nouvel organisme électoral s’appellera ‘Collège transitoire du Conseil électoral permanent’.
Il est bâti dans l’esprit de la ‘Constitution de 1987 amendée’ qui exige un Conseil électoral permanent mais avec une réserve : le mandat des membres du Collège transitoire prend fin une fois la proclamation des résultats des prochaines élections pour laisser place automatiquement à la formation du Conseil électoral permanent.
Le cas Josué Pierre-Louis …
D’autre part, il est entendu que les membres du Collège transitoire ne seront pas reconduits automatiquement dans le Conseil électoral permanent. Les trois pouvoirs recommenceront le processus de nomination de leurs représentants.
Maintenant les points qui font problème. Commençons par le cas particulier de Me Josué Pierre-Louis, le représentant de l’Exécutif qui est accusé dans une affaire de viol. Le Parlement a manifesté son désaccord avec sa présence dans l’organisme électoral mais on a décidé de laisser l’Exécutif trouver lui-même comment évacuer la question.
Quoi qu’il en soit les sénateurs sont catégoriques à ce sujet, selon une interview accordée à la radio Mélodie FM, Port-au-Prince, par le sénateur Jocelerme Privert (26 décembre) : il y a différentes raisons qui militent pour que soit écarté l’ex-ministre de la justice Josué Pierre-Louis de l’organisme électoral. Pour commencer il n’a pas le quitus légal (‘décharge’ de sa fonction de ministre) exigible pour occuper une autre haute fonction administrative.
Le cas CSPJ …
Ensuite il y a le cas des trois premiers représentants nommés, mais en dehors des formes légales, par le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) et qui refusent de céder la place aux trois nouveaux choix du CSPJ entérinés cette fois par la majorité des membres de l’institution. Cette question sera traitée dans le cadre d’une démarche consensuelle comprenant l’Exécutif, le Législatif, le CSPJ et toujours avec l’aide de la plateforme Religions pour la Paix.
Enfin, un point qui ne figure pas dans l’accord mais qui a été confirmé par le sénateur Privert (Mélodie FM, 26 décembre) : le pouvoir Législatif a demandé aux organisations de la société civile organisée de procéder à une sélection qui doit aboutir au choix des trois personnalités qui le représenteront au Collège transitoire.
Voilà les conclusions qui ont été annoncées le lundi 24 décembre, veille de Noël, par les deux parties : l’Exécutif et le Parlement et qui permettent d’augurer de la tenue prochaine des élections déjà en retard d‘une année.
L’Exécutif au milieu de sa propre instabilité …
Mais tout n’est pas dit. Loin de là. La course d’obstacles n’est en rien terminée. Trop dépend encore de la discrétion des trois pouvoirs (Exécutif, Législatif et Judiciaire).
Rien ne garantit que les 17 sénateurs qui ont approuvé ledit Protocole d’accord conserveront leur belle harmonie lorsque confrontés aux intérêts de leur groupe politique réciproque et aux réalités de leur département et circonscription.
Mais l’inquiétude vient surtout du côté de l’Exécutif dont beaucoup de faits signalent qu’il traverse un champ d’instabilité.
En un mot le président Martelly aura à décider dès le début de l’année s’il conserve son premier ministre, Mr Laurent Lamothe, ou s’il doit céder à la cabale apparue au sein de ses plus proches qui le pousse à le renvoyer.
Lamothe est arrivé à se faire des appuis au sein du Parlement à sa politique gouvernementale.
Un départ du premier ministre non seulement retardera l’organisation proprement dite des élections, mais peut remettre en question mathématiquement le support des parlementaires au Protocole d’accord annoncé le 24 décembre 2012.
Haïti en Marche, 28 Décembre 2012