MIAMI, 3 Février – Serge Gilles n’était pas un ami, ni un confrère ni un camarade de combat, on s’est rencontré un nombre de fois assez restreint et pourtant c’est une personnalité inoubliable.
Pourquoi ? Parce que dans la galerie des noms les plus célèbres de ces leaders débarqués au pays au lendemain de la chute de la dictature Duvalier (7 février 1986), Serge Gilles est peut-être celui qui frappe le plus par son humanité, sa sympathie naturelle, l’absence de tout désir de faire de vous immédiatement un adepte, ou comme disait De Gaule, un godillot.
Au milieu de tous ces monstres bien sûr sacrés comme les Père Antoine Adrien (sans concession sous son statut de bénédictin), Gérard Pierre Charles (cultivé et même sympa mais véritable stalinien au plan dialectico-politique) ou encore le Professeur Leslie Manigat : chargé de doctorats, brillant sans aucune comparaison mais ‘animal politique’ avant l’heure …
Serge Gilles ne fait apparemment pas le poids … et pourtant il est l’un des rares qui aient réellement pris les armes pour tenter de renverser le régime trentenaire. On dit qu’il était sinon dans la Sierra Maestra mais a séjourné à Cuba aux moments les plus difficiles traversés par la révolution, en tout cas la première fois que nous entendrons parler de Serge Gilles c’est quand débarqué en exil aux Etats-Unis, après la rafle du 28 novembre 1980, on rapporta un Haïtien qui a été arrêté au Canada parce qu’il transportait un chargement d’armes …
Nous n’avons pu nous empêcher de penser : encore un fou (!) sachant que le régime haïtien avait une protection sans failles du gouvernement des Etats-Unis.
Et puis le temps passa … puis quelque temps plus tard pour entendre que l’Haïtien en question avait été relâché par le Canada sur intervention spéciale du gouvernement français.
C’est Serge Gilles, un compagnon et un camarade politique pour les plus proches du nouveau président élu français, le socialiste François Mitterrand.
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MIAMI, 20 Janvier – L’investiture de Joe Biden, le mercredi 20 janvier 2021, s’est voulue d’abord rassurante, un beau spectacle au nom de la démocratie, celle-ci vue comme le triomphe dans la tolérance réciproque des idées contraires, et par ceux-là mêmes qui les incarnent c’est-à-dire les élus selon la règle de la majorité, voulant que le vaincu accepte sa défaite mais aussi que le vainqueur n’en tire aucun avantage irrégulier.
On aura compris que c’est en même temps l’acceptation par la classe politique américaine, toutes tendances confondues, que la nation traverse aujourd’hui un moment difficile, qu’elle a mal à sa démocratie ; aussi est-ce le premier objectif que se fixe Joseph Robinette Biden junior, dit Joe Biden, 78 ans, 46e président des Etats-Unis d’Amérique : réconcilier la nation avec elle-même ou l’Unité.
Unité dans la diversité. A tous les niveaux. Aussi bien le genre (masculin-féminin ou/et autre …) que la race. Et ce n’est pas un simple mot. En effet symboliquement à ses côtés se tient la première femme vice-présidente des Etats-Unis, Kamala Harris, également fille d’immigrants, mère native de l’Inde et père jamaïcain.
Mais cette unité signifie d’abord engager la lutte contre les injustices sociales. Tout de suite. Hic et nunc. Ici et maintenant. Avec le président signant le jour même de son investiture une quinzaine de décrets devant faire face aux ‘crises’ sanitaires (la Covid-19 dont le bilan s’élève aux Etats-Unis à plus de 400.000 morts), économiques, climatiques et à une crise encore plus importante : celle des inégalités raciales. Un de ces décrets ordonne aux agences fédérales de rechercher, afin de les éliminer, les inégalités au sein de leurs programmes et politiques.
Mais l’immigration, qui a été la bête noire (!!!) du prédécesseur Donald Trump, est aussi passée au crible pour en éliminer des dispositions penchant trop vers la xénophobie (haine de l’étranger), voire le racisme.
Mais en dehors des intentions annoncées par le nouveau président des Etats-Unis et du thème sous lequel il annonce sa politique : l’Unité … le plus éloquent c’est surtout l’assemblée assistant le mercredi 20 janvier à l’investiture. Le spectacle était dans la salle, si l’on peut dire. Tous les derniers présidents élus (42e, 43e, 44e …), aussi bien républicains que démocrates, les vice-présidents aussi, y compris celui-là même de l’administration Trump, Mike Pence … pour remonter aux anciens présidents George W. Bush, Bill Clinton, Barak Obama, accompagnés de leur chère moitié, Jimmy Carter (96 ans) ne pouvant faire le déplacement, et au centre de cette assemblée : les sénateurs et représentants toutes tendances politiques confondues …
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PORT-AU-PRINCE, 30 Décembre – Difficile de ne pas avoir remarqué que Donald Trump est le président le plus mégalomane de toute l’histoire des Etats-Unis.
Entre parenthèses le mot signifie avoir la folie des grandeurs, être d’un orgueil excessif. Lui dont l’entreprise hôtelière s’appelle déjà : Trump tower. Comme les pyramides de l’Egypte pharaonique. Rien que ça.
Selon une dépêche de presse, aujourd’hui le 45e président des Etats-Unis qui continue à ne pouvoir digérer la récente défaite de sa tentative pour obtenir un second mandat, est à la recherche d’un aéroport international pour porter son nom. Pour perpétuer son nom.
Il aurait préféré quelque part dans le voisinage de sa nouvelle résidence principale. Sans doute pour qu’il puisse aller y pavaner plus souvent. Le président américain sortant a décidé en effet de laisser New York, où l’on ne rate pas une occasion de venir graffiter au front de sa Trump Tower : ‘Go home !’, entendez par là l’Etat de Floride qui a voté pour lui aux présidentielles du 3 novembre, et où il possède une sorte d’hôtel de plage intitulé Mar-a-Lago.’ Pas La Mare aux Diables de notre enfance mais pas loin !
Les suppositions s’arrêtent sur l’aéroport de West Palm Beach, une chasse gardée des milliardaires de Floride, comme un éventuel ‘Trump International Airport’.
Voilà.
Car son alter ego Jovenel Moïse ne peut rien pour lui à cet égard. Quand ni François Duvalier ni Baby Doc (après 29 ans de pouvoir absolu père et fils) n’ont un monument à leur nom. On croit savoir que la Constitution de 1987, celle dont notre actuel chef de l’Etat voudrait tant se débarrasser (et pour cause), a pris les devants, interdisant la consécration d’aucun monument public à un président encore vivant.
JACMEl, 24 Décembre – 2020 année la plus terrible. Partout sur la terre. Mais différemment en Haïti. Ici ce n’est pas le nouveau coronavirus (Covid-19) qui a emporté plus de 1.7 millions de personnes dans le monde (chez nous moins de 240 décès) mais c’est une autre épidémie : le kidnapping.
2020 aura été l’année la plus terrible de mémoire d’Haïtien. Parce que nous aurons perdu notre statut même de pays civilisé (gagné les armes à la main en mettant fin chez nous à l’esclavage en 1804), voire d’Etat démocratique avec le phénomène des gangs armés et fédérés (‘G-9 et alliés et famille’), tontons macoutes d’un nouveau genre pour nous prendre en otage, à force d’accumuler les crimes les plus abominables et surprenants, mais surtout au vu et au su des dirigeants. Et de leurs alliés internationaux.
Pendant qu’on utilise ce piège sans précédent dans son genre, dans son audace pour mettre le pays en coupe réglée ; non contents de monopoliser les trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), et toutes les sphères de décision que cela implique, voici que nous débouchons sur ce qui aurait été inimaginable il y a moins de trois ans, jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Jovenel Moïse et son alliance avec le président américain Donald Trump pour tenter d’abattre l’un de nos amis les plus chers, le régime chaviste vénézuélien …
Dès lors en effet place au nouveau totalitarisme. Comment celui-ci se manifeste-t-il ? Toutes les décisions, nominations, décrets, arrêtés, déblocage de fonds sur la fortune nationale déjà en ruines, y compris les contrats avec des tiers nationaux ou étrangers, tout portant une seule signature, celle du chef de l’Etat, Mosieu Jovenel Moïse.
Le seul qui nomme et révoque et fixe la mission des organismes qu’il continue de créer à tours de bras et de sa seule autorité, ayant mis fin à l’existence de tous les autres pouvoirs (législatif et municipal) en ne tenant pas les élections parlementaires et municipales ni autres … et en refusant de fixer une date exacte pour les organiser. Pas avant – pour une fin de non-recevoir on ne peut être plus clair – la tenue d’un référendum pour donner au pays une nouvelle constitution.
Et voilà, d’un jour à l’autre on n’entend qu’un seul nom en Haïti : Jovenel Moïse. Que ce soit le conseil électoral provisoire créé sans aucune intervention, comme il se doit constitutionnellement, de la société civile ; que ce soit un certain comité dit de suivi pour le projet de nouvelle constitution, c’est un seul refrain : au nom du président de la république ; conformément à la volonté du chef de l’Etat haïtien, Jovenel Moïse et coetera !
Tout ceci est (a été) si prémédité que l’intéressé finit par se trahir lui-même : ‘Se mwen ki sèl otorite nan peyi a, an Ayiti se mwen ki vini apre Bon Dye.’
PORT-AU-PRINCE, 16 Décembre – On ne peut pas faire l’économie de l’alphabétisation. Même avec les réseaux sociaux.
Ou pour dire les choses plus clairement, les réseaux sociaux, aujourd’hui à la portée de tout un chacun dans notre pays aussi, risquent de sonner pour toujours le glas de l’alphabétisation.
Du fait que les réseaux sociaux, tels qu’ils existent chez nous comme ailleurs, n’utilisent aucune véritable langue, utilisent même, si l’on peut dire, leur propre langue.
Mais l’ennui c’est que dans un pays où l’alphabétisation est une denrée aussi rare, on risque qu’il n’en reste finalement plus rien.
La vraie cause c’est bien sûr parce que l’école n’avait jamais été en aussi mauvais état qu’aujourd’hui. Il s’ensuit que même nos écoliers en classes secondaires qui n’écrivent dans aucune langue. Ni créole, ni français (ni anglais) mais dans une sorte de jargon n’appartenant à aucune langue connue. Donc ne permettant aucune véritable communication non plus. En dehors de la seule petite chapelle. Voici donc Haïti qui se renferme encore plus sur elle-même. Et l’Haïtien (surtout le petit haïtien) n’ayant aucune chance de poursuivre des études puisque fonctionnant, à ce niveau, comme un ‘bèbè’ (un muet).
Comme partout, à la façon dont fonctionnent chez nous les réseaux dits sociaux, c’est-à-dire la communication sur l’internet, tout le monde peut intervenir pour placer son mot (d’accord ça rend le débat plus démocratique) mais beaucoup ou n’ont jamais appris à s’exprimer par écrit ou n’attendent pas d’avoir quelque chose à dire pour intervenir, bref la conclusion c’est une litanie de bêtises, soit bêtises dans son sens créole c’est-à-dire une succession de ‘gros mots’ ou de propos malsains, soit une litanie de termes incompréhensibles parce que écrits ni en français, ni en créole, ni en anglais, ni dans aucune langue connue.
Bien entendu la pratique du français est aujourd’hui encore plus restreinte, étant donné que ces dernières décennies l’enseignement de cette langue, même dite notre deuxième langue nationale, a été plus négligée que jamais, même chez des ex-bacheliers.
Cependant l’enseignement du créole ne fait pas mieux, or le créole est aussi une langue, notre première langue nationale, et qui dit langue dit études, enseignement, une orthographe, une grammaire, une stylistique. L’expression ‘kreyòl pale, kreyòl konprann’ est une supercherie (pour enfoncer davantage le peuple dans l’ignorance, qui sait), le créole doit aussi s’apprendre, point.
On en trouve aussi qui professe que le français n’est pas pour les Haïtiens, mais qui ne font aucun effort non plus pour l’enseignement du créole.
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