Quelles sont les origines de l’insécurité actuelle ?

MIAMI, 7 Novembre – ‘Barbecue’ procède à l’arrestation du présumé meurtrier de la jeune Evelyne Sincère qu’il va ensuite livrer à la police nationale, sous les applaudissements de ses anciens collègues - Jimmy Chérizier dit Barbecue est un ancien membre de la Police nationale d’Haïti (PNH).
Aujourd’hui il est plus connu comme leader d’une soi-disant fédération de gangs armés popularisée sous le nom de ‘G-9 alliés et famille’ qui occupe-rait tout un pan de la capitale, Port-au-Prince, puisque c’est encore Barbecue qui dit dans une vidéo mise en ligne sur les réseaux sociaux que c’est là que Obed Joseph, dit Kiki, le présumé assassin, est venu se réfugier et qu’il a décidé de le livrer à la police pour que cette dernière (cependant la seule force publique constitutionnellement reconnue) n’ait point besoin de venir roder dans son voisinage. Vous avez bien entendu.
Voici en deux mots décrite la situation que nous vivons : un chef de bande, aussi puissant qu’un seigneur de guerre du Moyen Age, et même d’avant le Moyen Age quand la notion de l’ordre public était totalement inconnue, qui peut défier la force publique et même montrer qu’il est plus efficient, et plus puissant, puisque c’est lui qui procède à l’arrestation de l’individu le plus recherché du pays, tant le meurtre crapuleux de la jeune Evelyne Sincère a révolté les consciences - pour remettre le présumé criminel à la police.
Récemment c’est encore le même Barbecue qui avait averti solennellement l’opposition que tous ceux qui s’aviseraient d’aller manifester contre le pouvoir en place le 17 octobre (anniversaire de la mort par assassinat du fondateur de la nation, Jean Jacques Dessalines), auraient affaire au ‘G-9 alliés et famille’ …
Barbecue un allié du pouvoir en place ?
Probablement puisque ce dernier n’a pas refusé (du moins officiellement) son coup de main le 17 octobre dernier …
Mais un allié bien encombrant puisque pourquoi a-t-il besoin de le crier sur les toits ?
Réponse : Jimmy Chérisier dit Barbecue est lui aussi ‘wanted’, recherché non seulement par l’autorité nationale, même supposément ( !!! avec trois points de suspension), mais aussi par la communauté internationale. Un nouveau rapport du BINUH (Bureau intégré des Nations Unies en Haïti) fait état de l’aggravation de la situation sécuritaire dans le pays (tweet du 4 novembre 2020) et que les Nations Unies restent disponibles pour appuyer les autorités nationales ‘qui doivent protéger la population et arrêter les instigateurs, auteurs et complices des crimes’ (information Gazette-Haïti-News).

Barbecue faisant de loin plus monstrueux que son prisonnier …

Or c’est Jimmy Chérisier, lui-même recherché, qui procède à l’arrestation, sans tout à fait expliquer dans quelles circonstances, de l’individu actuellement le plus recherché, présumé kidnappeur, violeur, assassin et ayant abandonné le cadavre de la victime sur une montagne d’immondices, à Delmas 24, le dimanche 1er novembre écoulé - pour livrer à la justice le monstre (au visage juvénile, Barbecue faisant de loin plus monstrueux que son prisonnier) …


Alors que d’autre sources rapportent que le présumé meurtrier, le jeune Obed Joseph, alias Kiki, est sinon un membre mais un familier des gangs. Pourquoi c’est chez eux qu’il est allé chercher refuge.
Et voilà l’une des principales sources qui alimentent cette insécurité démente qui ravage notre pays ?
D’abord la confusion. L’amalgame. La pagaille.
La Police nationale d’Haïti (PNH), la seule force de sécurité publique reconnue par les lois et la Constitution en vigueur, travaille main dans la main, la preuve ne saurait être plus évidente, avec les gangs, avec les criminels patentés.
Comme c’était aussi évident le 17 octobre dernier, lorsqu’elle a marché côte à côte avec les ‘G-9’ contre les manifestants de l’opposition.
On n’a pas entendu le pouvoir en place le dénoncer.
Complicité, embarras ? Débordé ? Dépassé par la situation ?
Une situation dont il (le pouvoir) a profité au moment de la montée en puissance de la contestation. Lors de la crise du ‘Peyi lòk’, en 2019, le pays fermé totalement par les forces d’opposition. Lorsque celle-ci était une force … avant de s’effondrer dans les disputes intéressées et les luttes intestines dont elle tarde encore à se relever.
Mais ce n’est pas l’opposition qui gouverne et ce n’est pas elle le premier responsable. Celui-ci c’est le pouvoir qui se retrouve aujourd’hui avec cette terrible épine au talon dont il peine à trouver les moyens pour s’en débarrasser.
Comme dit le créole : ‘Jan chache, Jan twouve.’ Bien entendu c’est la nation qui en paie le prix fort. Trop fort. Trop c’est trop ! Un prix en dizaines de meurtres et kidnappings par semaine. Haïti est actuellement à proprement parler un enfer. Où vous sortez de chez vous, où vous débarquez, où vous mettez les pieds à vos risques et périls. A toute heure du jour ou de la nuit.

La sécurité ou rien ! …

Dans le même temps le président parle en vain de nouveau conseil électoral (en effet son plus important allié, Washington, exige des élections dès janvier prochain, voire que c’est le démocrate Joe Biden qui vient de remporter la présidentielle … ), tout comme son projet de nouvelle Constitution qui ne semble intéresser personne que les gugusses qu’il a choisis comme conseillers ; même la remontée en force de la monnaie nationale (la gourde) arrêtée dans sa course vers le néant (en effet passant de 120 gourdes pour 1 dollar américain à aujourd’hui pas plus de 65 gourdes), bref rien de ses tentatives voire accomplissements qui n’obtienne un véritable impact … s’il n’arrive pas à restaurer la sécurité.
La sécurité ou rien !
Mais si l’origine de l’insécurité - outre les conditions économiques plus abominables que jamais, l’absence de création d’emplois, la concentration de plusieurs millions dans une capitale faite pour pas plus de quelques centaines de milliers - si l’insécurité actuelle a comme nous le voyons définitivement aussi une origine politique, puise sa gravité et sa persistance dans l’incompétence et la corruption qui s’accrochent à l’image de l’actuel pouvoir, cependant on ne peut dire que les autres acteurs politiques n’ont pas aussi une part de responsabilité, même indirectement.
En effet la même confusion, la même pagaille caractérise également une opposition qui par manque de compétences stratégiques, recourt trop souvent, se retrouve même à n’avoir pour toute arme que l’appel à descendre dans la rue.

Un pays prisonnier de lui-même …

Or la conclusion, c’est tout casser. Sans aucun discernement. C’est détruire, dit-il !
Se colleter avec la police, vrais policiers ou faux policiers en habits de gang, donc vive le désordre, vive l’anarchie, mais après …
Epi, anyen !
On rentre chez soi en laissant un pays toujours plus sens dessus dessous. Pagaille. Confusion.
Et donc le terrain favori pour l’insécurité.
Pour les kidnappings et les meurtres par dizaines par semaine.
Bref le cercle vicieux.
Et que tous reproduisent.
Tous nos acteurs sans exception.
Volontairement ou non. Consciemment ou pas.
Un pays prisonnier de lui-même.
Fait comme un rat.
No way out.
Mais c’est pas fini. Qu’est ce qui fait l’invincibilité de notre Barbecue et ses semblables ? Devinez ? Les antennes. Tous les gangsters et meurtriers ont droit de cité sur les radios beaucoup plus que vous et moi.
Lorsque les policiers ont applaudi le chef des ‘G-9 alliés et famille’ venu leur livrer son colis, le présumé assassin de Evelyne Sincère, c’est comme une grande vedette. Nos radios transforment aujourd’hui nos pires assassins en vedettes de cinéma.

Biden ne pourra pas grand-chose pour nous, pas tout de suite …

Notre cas est vraiment grave. Notre problème unique.
Cependant le peuple ne semble pas avoir abandonné totalement la partie. Ainsi il a applaudi aux bons chiffres obtenus par le candidat démocrate à la présidentielle du 3 novembre, Joe Biden. Très bien.
Sauf qu’une nouvelle administration américaine ne pourra pas grand-chose pour nous, pas tout de suite.
Nous sommes en effet dans une situation quand même plus favorable que les Etats-Unis qui se battent avec une crise pandémique qui lui a coûté plus de 235 mille morts en quelques mois et menace d’en faire davantage pendant on ne sait encore jusques à quand !
Dans son discours vendredi soir de 46e président élu des Etats-Unis en attente de la proclamation officielle des résultats, Joe Biden l’a bien dit. Les tâches qui attendent son administration sont la lutte contre le Covid, la lutte contre la catastrophe économique entrainée par celui-ci et la lutte pour refaire la paix au sein de son propre pays déchiré par l’actuelle crise politico-électorale.
Aucune aide n’est encore possible pour un allié extérieur, voire un qui semble alimenter aujourd’hui ses propres difficultés.
Evidemment ce n’est pas du peuple haïtien qu’il s’agit mais de ceux qui se battent pour la première place.
De ceux qui se battent mais … si mal. Avec trop de suffisance.
La suffisance comme l’orgueil va au-devant de la destruction ! Vous connaissez !

Marcus Garcia, 7 Novembre 2020