JACMEl, 24 Décembre – 2020 année la plus terrible. Partout sur la terre. Mais différemment en Haïti. Ici ce n’est pas le nouveau coronavirus (Covid-19) qui a emporté plus de 1.7 millions de personnes dans le monde (chez nous moins de 240 décès) mais c’est une autre épidémie : le kidnapping.
2020 aura été l’année la plus terrible de mémoire d’Haïtien. Parce que nous aurons perdu notre statut même de pays civilisé (gagné les armes à la main en mettant fin chez nous à l’esclavage en 1804), voire d’Etat démocratique avec le phénomène des gangs armés et fédérés (‘G-9 et alliés et famille’), tontons macoutes d’un nouveau genre pour nous prendre en otage, à force d’accumuler les crimes les plus abominables et surprenants, mais surtout au vu et au su des dirigeants. Et de leurs alliés internationaux.
Pendant qu’on utilise ce piège sans précédent dans son genre, dans son audace pour mettre le pays en coupe réglée ; non contents de monopoliser les trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), et toutes les sphères de décision que cela implique, voici que nous débouchons sur ce qui aurait été inimaginable il y a moins de trois ans, jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Jovenel Moïse et son alliance avec le président américain Donald Trump pour tenter d’abattre l’un de nos amis les plus chers, le régime chaviste vénézuélien …
Dès lors en effet place au nouveau totalitarisme. Comment celui-ci se manifeste-t-il ? Toutes les décisions, nominations, décrets, arrêtés, déblocage de fonds sur la fortune nationale déjà en ruines, y compris les contrats avec des tiers nationaux ou étrangers, tout portant une seule signature, celle du chef de l’Etat, Mosieu Jovenel Moïse.
Le seul qui nomme et révoque et fixe la mission des organismes qu’il continue de créer à tours de bras et de sa seule autorité, ayant mis fin à l’existence de tous les autres pouvoirs (législatif et municipal) en ne tenant pas les élections parlementaires et municipales ni autres … et en refusant de fixer une date exacte pour les organiser. Pas avant – pour une fin de non-recevoir on ne peut être plus clair – la tenue d’un référendum pour donner au pays une nouvelle constitution.
Et voilà, d’un jour à l’autre on n’entend qu’un seul nom en Haïti : Jovenel Moïse. Que ce soit le conseil électoral provisoire créé sans aucune intervention, comme il se doit constitutionnellement, de la société civile ; que ce soit un certain comité dit de suivi pour le projet de nouvelle constitution, c’est un seul refrain : au nom du président de la république ; conformément à la volonté du chef de l’Etat haïtien, Jovenel Moïse et coetera !
Tout ceci est (a été) si prémédité que l’intéressé finit par se trahir lui-même : ‘Se mwen ki sèl otorite nan peyi a, an Ayiti se mwen ki vini apre Bon Dye.’
Pour une conception du système démocratique !
Comment un président haïtien, après la longue dictature trentenaire et criminelle des Duvalier, peut-il se permettre de parler ainsi ?
Quelle est la mission de Jovenel Moïse ? De qui est-il exactement le mandataire ? En tout cas Trump ne sera plus qu’un citoyen ordinaire (et même, très ordinaire) à partir du 20 janvier prochain.
Qu’adviendra-t-il alors d’Haïti ?
Toujours est-il que cette fête de Noel ne laisse pas un grand espoir. A moins de constituer plutôt un début de réveil. Partout, de la capitale Port-au-Prince jusqu’aux confins de la république, comme dit le créole : ‘Kòk pa bat.’ Les petites échoppes sont vides. Aussi bien d’articles que de clients.
Alors que, sans le désordre créé par nos politiciens obnubilés par le pouvoir et ses avantages, en 2020 Haïti tout au contraire aurait dû être pendant l’année qui s’achève, un havre au milieu des ravages du Covid-19 de par le monde. Une chance perdue pour refaire ‘Haïti Chérie’, le joyau touristique que notre pays a été dans les années d’après un autre ravage, la Seconde guerre mondiale.
2021 arrive. Sans tomber dans les combats d’arrière-garde : partira ou partira pas le 7 février 2021, qui selon les calculs de l’opposition marque la fin du mandat de Jovenel Moïse, mais qui sont en vérité autant de calculs à courte vue parce que ne solutionnant le vrai problème qui est comment débarrasser vraiment le pays de son actuel système mortifère, des pouvoirs gouvernant par eux-mêmes et seulement pour eux-mêmes, qui nous conduisent vers la disparition de tout attribut non seulement d’un état démocratique mais du monde civilisé tout court …
Et que les dirigeants n’ont rien pour alimenter si ce n’est à coups de tafia (alcool bon marché) comme notre président qui n’a qu’un seul projet pour la nouvelle année : le carnaval … alors que partout celui-ci est supprimé à cause de la pandémie.
Oui on a toujours dit Bonne année ; serions-nous le premier pays à souhaiter : Mauvaise année ! Faisons-en sorte que ce ne soit pas le cas.
Marcus Garcia, Haïti en Marche, 25 décembre 2020