PORT-AU-PRINCE, 16 Décembre – On ne peut pas faire l’économie de l’alphabétisation. Même avec les réseaux sociaux.
Ou pour dire les choses plus clairement, les réseaux sociaux, aujourd’hui à la portée de tout un chacun dans notre pays aussi, risquent de sonner pour toujours le glas de l’alphabétisation.
Du fait que les réseaux sociaux, tels qu’ils existent chez nous comme ailleurs, n’utilisent aucune véritable langue, utilisent même, si l’on peut dire, leur propre langue.
Mais l’ennui c’est que dans un pays où l’alphabétisation est une denrée aussi rare, on risque qu’il n’en reste finalement plus rien.
La vraie cause c’est bien sûr parce que l’école n’avait jamais été en aussi mauvais état qu’aujourd’hui. Il s’ensuit que même nos écoliers en classes secondaires qui n’écrivent dans aucune langue. Ni créole, ni français (ni anglais) mais dans une sorte de jargon n’appartenant à aucune langue connue. Donc ne permettant aucune véritable communication non plus. En dehors de la seule petite chapelle. Voici donc Haïti qui se renferme encore plus sur elle-même. Et l’Haïtien (surtout le petit haïtien) n’ayant aucune chance de poursuivre des études puisque fonctionnant, à ce niveau, comme un ‘bèbè’ (un muet).
Comme partout, à la façon dont fonctionnent chez nous les réseaux dits sociaux, c’est-à-dire la communication sur l’internet, tout le monde peut intervenir pour placer son mot (d’accord ça rend le débat plus démocratique) mais beaucoup ou n’ont jamais appris à s’exprimer par écrit ou n’attendent pas d’avoir quelque chose à dire pour intervenir, bref la conclusion c’est une litanie de bêtises, soit bêtises dans son sens créole c’est-à-dire une succession de ‘gros mots’ ou de propos malsains, soit une litanie de termes incompréhensibles parce que écrits ni en français, ni en créole, ni en anglais, ni dans aucune langue connue.
Bien entendu la pratique du français est aujourd’hui encore plus restreinte, étant donné que ces dernières décennies l’enseignement de cette langue, même dite notre deuxième langue nationale, a été plus négligée que jamais, même chez des ex-bacheliers.
Cependant l’enseignement du créole ne fait pas mieux, or le créole est aussi une langue, notre première langue nationale, et qui dit langue dit études, enseignement, une orthographe, une grammaire, une stylistique. L’expression ‘kreyòl pale, kreyòl konprann’ est une supercherie (pour enfoncer davantage le peuple dans l’ignorance, qui sait), le créole doit aussi s’apprendre, point.
On en trouve aussi qui professe que le français n’est pas pour les Haïtiens, mais qui ne font aucun effort non plus pour l’enseignement du créole.


Conclusion : un grand nombre d’Haïtiens, même après avoir fait des études, ne parlent aujourd’hui aucune langue, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent s’exprimer correctement, et spécialement par écrit, pas plus en créole qu’en français ou en anglais ou en espagnol.
C’est un grave problème chez, par exemple, les petits haïtiens qui émigrent avec leurs parents aux Etats Unis et qui, placés en classe d’apprentissage de l’anglais, ne savent pas écrire non plus en créole supposé être leur première langue, donc on doit encore les faire reculer au moins d’une année supplémentaire pour apprendre comment s’exprimer dans une langue quelconque. C’est donc malheureux.
Or pour revenir à notre sujet du jour, le fait de s’exprimer aussi librement (ou comme dit le créole ‘liberalman’) sur les réseaux sociaux peut enlever chez certains usagers, sinon au plus grand nombre, toute envie, tout besoin de bien s’exprimer, de parler ou d’écrire dans une langue quelconque, sous prétexte que ‘kreyòl pale, kreyòl konprann.’
Comme qui dirait le créole permet toutes les libertés, tous les droits … y compris alors celui de ne pas avoir besoin d’apprendre à lire et à écrire.
Ainsi voici un instrument de progrès, qui peut contribuer à nous faire revenir davantage en arrière.
Cela ne dérange sûrement pas les marchands de smartphones ou de portables.
A qui la faute ?
Plus sûrement à l’Etat car c’est d’abord lui qui est responsable de l’enseignement et de l’alphabétisation et non les compagnies de communications (téléphone ou internet).
1) Nécessité pour un meilleur enseignement de la langue : créole, français ou anglais.
2) Interdire les réseaux sociaux sur les lieux d’enseignement.
3) Obligation pour tous les parents de mettre leurs enfants à l’école, quitte à leur infliger une amende quelconque comme cela se voit aussi bien aux Etats-Unis qu’à … Cuba, malgré la différence idéologique entre ces deux pays.
Haïti est le seul pays du continent où la plus grande partie de la population est encore analphabète. Or le téléphone étant devenu la chose aujourd’hui la plus importante pour la population, encore plus avec les réseaux sociaux pour se défouler et comme marchand d’illusions, conséquence : l’alphabétisation va encore plus reculer.
Jusqu’à ce qu’on émigre aux Etats-Unis ou en Europe ou au Chili ou au Brésil pour constater que l’analphabétisme est la pire des conditions, parce que vous condamnant à ne jamais vraiment sortir de votre … aliénation. On le voit à bord de l’avion assurant le trajet Cap Haïtien – Fort Lauderdale (Floride).

Marcus Garcia, Mélodie 103.3 FM