MEYER (Sud-Est), 12 Août – Quand on se trouve à court de revenus et ne peut plus honorer ses factures, on peut avoir recours éventuellement au crédit.
Et c'est le cas pour la plus grande partie des Haïtiens aujourd'hui. Qu'on soit particulier ou entreprise privée.
C'est pareil pour l'Etat. Il peut contacter les instruments de crédit internationaux.
Mais comme Haïti était devenue insolvable, on a eu l'opportunité d'obtenir une annulation de notre dette envers les institutions internationales de crédit ...
En échange, nous avons accepté de ne pas prendre d'engagement envers aucun partenaire officiel au-delà de 1.X pour cent, ce qui nous laisse une marge de manœuvre très réduite.
Or on a aujourd'hui l'impression que c'est la position dans laquelle se trouve l'actuelle administration Jovenel Moïse-Jack Guy Lafontant.
La porte du crédit est fermée. Point barre !
Mais il y a des dettes avec lesquelles on ne peut pas transiger. Comme les salaires de la Police nationale, seul responsable, officiellement, de la sécurité du pays.
Quant au peuple, par habitude, il se débrouille comme il peut.
Cependant, les pouvoirs haïtiens, dans le temps, avaient su trouver d'autres alternatives.
Lorsque les Etats-Unis lui refusèrent un emprunt qui devait servir à rembourser le reliquat de la Dette de notre Indépendance (même acquise par les armes en 1804) et dont la balance avait été rachetée à la France par la National City Bank of New York, le président Dumarsais Estimé lança un emprunt intérieur. Celui-ci (on dirait aujourd'hui, mystérieusement ...) fut un succès.
En tout cas, l'Histoire ne rapporte aucun faux pas quant à son remboursement.
Tandis que sous Papa Doc Duvalier, dans les années 1960, alors que son gouvernement faisait face à un embargo financier décrété par l'administration Kennedy, l'expérience sera de loin plus douloureuse.
François Duvalier pensa peut-être raviver la flamme nationaliste comme Estimé, mais c'est pour aboutir à tout à fait le contraire comme nous allons le voir.
'Bon Da' ...
D'abord il était une fois le président haïtien Joseph Davilmar Théodore (10 novembre 1914-22 février 1915 ). Face à des problèmes de trésorerie (cash flow), il eut recours lui aussi aux fameux bons.
Coucher de soleil à La Vallée
LA VALLEE DE JACMEL, 15 Août – 'Coucher de soleil à La Vallée', cette petite carte-souvenirs de voyage ferait merveille dans le monde. On ne se croirait pas en Haïti. Nous sommes à La Vallée de Jacmel.
Connaissez-vous un coin en Haïti sans des hordes de taxi motos, sans feux de signalisation en panne parce que ici une voiture est aussi rare qu'un éléphant blanc; tenez-vous bien, sans mendiants même dans une crise économique comme celle que nous traversons, probablement parce que les paysans ici vivent de leurs terres, au fond de leurs terres et qu'il n'y a rien que la montagne, la montagne toujours recommencée, d'un vert du plus pur au plus nuancé.
En ville, pas plus de deux maisons par bloc et toutes comme ce qu'un auteur suédois appelle 'maisons de poupée', pour leur charme unique.
Oui on est bien en Haïti, et à La Vallée de Jacmel, communément appelée La Vallée. En effet il ne peut y en avoir deux!
Mais le plus curieux c'est que, comme dans un catalogue Sears pour un épisode de La Belle au Bois Dormant, toutes les rues sont asphaltées. Fraichement. Pas un seul nid de poule, ni même d'ortolan, et l'averse est à peine terminée que toute l'eau a fini d'y couler.
JACMEL, 25 Août – Il y a un demi-siècle (25 juin 1960), le futur dictateur François Duvalier lançait dans cette même ville de Jacmel, où nous nous trouvons, une phrase qui a marqué l'histoire des relations d'Haïti avec notre grand voisin les Etats-Unis, laissant comprendre que 'aujourd'hui dans le monde, il n'y a pas qu'un seul pôle et que si la situation l'exigeait, nous n'hésiterions pas à changer de camp.'
Prononcée quelques mois après la victoire de la Révolution cubaine, cette déclaration a fait son effet à Washington.
Qu'elle ait été interprétée comme du chantage de la part (lors) de l'apprenti dictateur de Port-au-Prince, l'administration américaine comprit que c'était une demande formelle d'aide économique, et que ne pas y répondre pouvait créer des emmerdements évitables.
Et l'on ouvrit les vannes au futur Papa Doc. A charge par lui de faire barrage à toutes velléités d'implantation du communisme en Haïti.
Aujourd'hui on est un peu dans une situation similaire.
Haïti recevait récemment une mission commerciale chinoise (Pékin).
En partant celle-ci a fait miroiter des perspectives intéressantes (plusieurs milliards dans la reconstruction du centre ville de la capitale, Port-au-Prince, détruite par le séisme du 12 janvier 2010, électrification de tout le pays au solaire, 20.000 emplois au départ ...).
Notre pays traverse actuellement l'une des pires crises économiques de son Histoire récente.
La Guerre froide est terminée (1947-1991). Mais les milliards d'aide consentis aux Duvalier (Papa et Baby Doc), ainsi qu'à leurs successeurs, n'ont apporté aucune solution. Haïti reste le pays le plus pauvre de l'hémisphère occidental.
QUEBEC, 31 Août – Une exposition internationale de photos de presse fait le tour du Canada.
Comme la page de couverture d'un grand magazine international, dans le style du Time Magazine d'autrefois, on a droit à un défilé des événements les plus percutants des dernières années et qui continuent de défrayer quotidiennement la chronique.
Cela nous donne une idée du monde tourmenté et cruel dans lequel nous vivons.
Ce sont les victimes innocentes de la centrale terroriste islamiste (EI – Etat Islamique appelé encore DAESH) et aussi de la guerre menée pour déloger ces derniers par une coalition de forces internationales, dont les Etats-Unis, et les Etats régionaux (Syrie et Irak et accessoirement aussi la Turquie).
Les moments les plus sanglants n'en sont pas moins les attentats terroristes qui n'épargnent personne, y compris les enfants dont l'inquiétude qui se lit sur leur visage, vous prend aux trippes.
Mais une autre conséquence directe de cette guerre fratricide (il n'y a pas d'autre mot) ce sont bien les centaines de milliers de réfugiés qui vident cet enfer, essayant d'atteindre l'Europe (dont d'abord l'Espagne et l'Italie qui baignent sur la Méditerranée en face du continent arabo-africain).
Les meilleures photos, par leur habileté à saisir la cruauté du moment, s'enchainent, décrivant le même enfer, mais à présent au milieu d'une mer tumultueuse où le grand Homère n'aurait pu imaginer plus effrayants épisodes pour son Odyssée.
Cette chronique de violences indiscriminées et proprement cannibales, se poursuit avec le conflit ukrainien, lorsque une partie de ce pays (la Crimée) décida de rompre les amarres pour traverser avec armes et bagages (la Crimée et la Russie, ont une frontière commune) dans la grande fédération russe.
Le président russe, Vladimir Poutine, leur fait un accueil intéressé.
Conclusion : la guerre entre le pouvoir ukrainien appuyé par les pays de l'Union européenne – mais seulement du bout des lèvres sinon avec des menaces de sanctions sans grand effet ... Et un cimetière de corps désarticulés et de matériels calcinés.
Mais la même folie n'épargne aucun coin du monde avec les attentats terroristes transportés par l'Etat Islamique (EI) au sein même de cette Babylone des temps nouveaux, nous disons l'Europe particulièrement (France, Grande Bretagne, Belgique, Espagne ...)..
PORT-AU-PRINCE, 8 Septembre – On voit d'ici les grands titres dans la presse de Montréal et de France : Notre grand Académicien se voit refuser que son nom figure sur une bibliothèque dans sa vile natale en Haïti !
A la veille d'inaugurer la 'Bibliothèque Nationale Dany Laferrière' dans la ville de Petit-Goave (sud de la capitale), le romancier haïtien, naturalisé canadien, membre de l'Académie Française, Dany Laferrière, reçoit une lettre lui annonçant le renvoi de la cérémonie.
Pour cause de l'arrivée de l'ouragan Irma ?
Pas vraiment puisque la lettre porte un autre 'en-tête', celui de 'Bibliothèque municipale de Petit-Goave'.
Le maire récemment élu de Petit-Goave a donc décidé de débaptiser l'établissement qui de 'Bibliothèque Nationale Dany Laferrière' devient 'Bibliothèque Municipale de Petit-Goave'.
Et en quelque sorte aussi de le 'nationaliser' (si l'on peut dire) en remplaçant l'adjectif 'national' par 'municipal' (excusez de la confusion, mais c'est de cela même qu'il s'agit : on est en pleine confusion). Qui eut pu imaginer pareil quiproquo ?
Cependant monsieur le maire a son argument. Ecoutez : la Constitution de 1987 en vigueur interdit de donner à des institutions publiques le nom de personnages encore vivants.
Cela pour contrer tout retour aux pratiques de la dictature Duvalier (1957-1986) consistant à baptiser de leur propre nom les nouvelles réalisations comme l'Aéroport international François Duvalier' ou encore l'infamante Cité Simone Duvalier, voire l'Hôpital Michelle Bennett etc.
Quelle ironie ! Dany Laferrière a dû fuir Haïti en 1976 pour échapper aux tontons macoutes.