PORT-AU-PRINCE, 28 Avril – Une personnalité effacée, s'il n'y a déjà pas contradiction entre ces deux termes, car en effet il y a tant à dire.
Qu'il a été le fondateur de Radio Métropole, l'une des principales radios de la capitale haïtienne, c'est tout ce que les nouvelles générations savent de Herby Widmaier, qui vient de s'éteindre à 84 ans, après une longue maladie cardiaque.
Mais aussi qu'il est le père de Joel Widmaier, créateur du Festival international de jazz de Port-au-Prince (PapJazz), qui a fini par imposer cette musique dans le paysage haïtien, ainsi que de Mushi (Gousse) Widmaier, également musicien de jazz ...
Et de Richard Widmaier, l'aîné, lui aussi musicien mais qui a dû y renoncer pour prendre en main les destinées de la radio.
Mais qui est Herbert Widmaier, dit Herby. Et même pour les intimes, 'Bibi'.
Nous entendons par intimes tous les employés qui se sont succédés dans les studios de 'Métropole', depuis 47 ans. Puis qui se sont dispersés aux quatre coins du monde, mais toujours portant en eux-mêmes ce sentiment d'esprit de famille que Herby a su insuffler à son entourage.
Pour cela, il lui faut (Herby) commencer par renoncer à son propre ego. Habituellement silencieux, on le croit timide, mais ses traits d'humour instantanés trahissent un esprit extrêmement vif.
JACMEL, 1er Mai – Le 1er Mai à Jacmel c'est la fête patronale de la ville, le chef lieu du Sud Est.
Mais c'est plusieurs fêtes à la fois : la fête religieuse ; la fête politique (ou du moins officielle mais à l'aspect politique prononcé car c'est quelque chose être sénateur, député ou magistrat dans le coin) ; la fête sociale et économique (les beaux habits et la foire agro-artisanale) ; la fête mondaine (plusieurs mini-jazz attirant aussi les milliers de visiteurs venant autant de la capitale que de la diaspora) ; la fête mondaine c'est également la plage (Raymond-les-bains, Ti Mouillage, Cyvadier, Marigot oh-la-la).
Enfin c'est aussi et bien sûr la fête champêtre. Mais proprement dite parce que c'est une joie immense de parcourir la campagne, de Jacmel jusqu'à la rivière Peredo, si vous le pouvez, parce que en cette saison de l'année c'est totalement le vert paradis tropical.
Voilà donc ce qu'a été le 1er Mai 2017, la Saint-Philippe et Saint Jacques ou fête patronale de Jacmel, capitale du Sud-est.
En un mot, on a bien fêté. Et toute la population. Et sans un seul grabuge. C'est pas beau ça.
Et pourtant une seule absence : le pouvoir en place.
Président, Premier ministre font la caravane du changement dans l'Artibonite, loin de là. Ça peut arriver.
Cependant autrefois Jacmel avait droit au chef de l'Etat (et cela depuis Baby Doc) et dans des cas spéciaux, au chef du gouvernement au moins.
Le ministre de la Culture a fait son job. Le festival de lundi soir a fait salle comble.
La foire agro-artisanale a attiré davantage encore. Tous les produits du terroir : cachiman, caïmites, corossol, ananas, tout ce qui faisait la table de la reine Anacaona avant l'arrivée de ces méchants conquistadores ...
Côté artisanal, on se bousculait pour la dégustation du café (différentes marques), du rhum-pays, du clairin blanc parfumé, du crémas, chocolat en bâton, tablettes d'amandes, djondjon, de la confiture de tamarin, de différents jus mis en boite ...
Le lieu aussi sort de l'ordinaire. La foire se tient au vieux warf rénové grâce à la générosité du Venezuela de feu Hugo Chavez en souvenir du séjour à Jacmel du Libertador où celui-ci créa le drapeau du Venezuela.
PORT-AU-PRINCE, 12 Mai – Devant la levée de boucliers pour débarrasser les rues du centre-ville (Port-au-Prince, Pétionville, Tabarre, Delmas, Cap-Haïtien etc) des foules de petits marchands qui les occupent, il n'est pas de trop de faire un peu l'histoire de cette migration devenue aujourd'hui si embarrassante et que les maires élus essaient de limiter autant que possible. Avec le consentement de leurs administrés.
Ce ne sont pas des miséreux qui ont décidé d'un seul coup par eux-mêmes de descendre sur la ville et d'en prendre possession. A la barbe des natifs.
Cette migration a une histoire et qui ne se limite pas seulement à la crise économique actuelle.
Exception faite des taxi-motos dont les conducteurs, pour la plupart des jeunes gens de la campagne proche, nous font tant de misères autant par leur insouciance vis à vis des règlements (s'il en existe !) de la circulation que par leur grossièreté.
Qui ne connaît ce titre qui a fait fortune dans les années 1960 : 'les villes tentaculaires et les campagnes délaissées.'
C'est tout à fait ce que nous vivons : le pays a tourné le dos à sa production agricole ; abandonné à lui-même, à la maladie et à l'analphabétisme, le paysan n'a d'autre alternative que tenter sa chance dans la ville la plus proche : notamment Port-au-Prince, Cap-Haïtien, Gonaïves.
D'ailleurs ce n'est qu'un 'stop-over' (un lieu de transit) avant de partir 'pour le Chili' (expression utilisée aujourd'hui pour dire migration illégale, tout comme on disait jadis 'pran kanntè' quand le voyage se faisait par voilier en direction de Miami ou des Bahamas) - mais depuis le séisme de janvier 2010 et que le Brésil a accepté de recevoir nos réfugiés - les Haïtiens ont commencé à arpenter aussi le continent sud-américain : après le Brésil, c'est aujourd'hui le Chili, le Mexique etc.
PORT-AU-PRINCE, 16 Mai – L'un des points positifs marqués par la justice haïtienne, ces dernières années, c'est la législation punissant le viol et l'application qu'elle trouve, de plus en plus, aussi bien devant les tribunaux qu'au niveau des institutions policières et d'incarcération.
C'est chaque semaine que dans le bilan des dernières opérations policières, tel que rapporté par les porte-parole de l'institution, le mot viol figure à la même place que ceux de vol et d'assassinat.
Il était temps car on ne saurait deviner combien c'était embarrassant quand un compatriote haïtien fut accusé de ce crime à l'extérieur (comme, par exemple à Miami, Floride) alors qu'un tel acte donnait l'impression d'être toléré chez nous.
Presque toujours, cela a eu lieu au foyer même où cohabitent l'accusé et sa victime. Et celle-ci peut être un enfant. Et plus souvent qu'on ne croit, un bébé.
Parce que celui-ci ne peut rien rapporter. Mais l'enfant pleure. On le conduit à l'hôpital. Et c'est le médecin qui dévoile l'affreuse vérité.
Mais, tenez-vous bien, ce n'est pas seulement le désir sexuel qui motive le coupable. Non, mais la superstition.
Violer un bébé (et dans sa propre famille) est un sacrifice à commettre pour trouver un emploi ou autre.
Bref, l'Etat sauvage !
On le sait parce que dans ces pays-là, il y a de bons psychiatres, capables de convaincre le violeur de révéler toute la vérité.
Mais cela fait un choc quand l'information paraît dans la presse.
PORT-AU-PRINCE, 1er Juin – Il ne faudrait pas qu'on donne au gouvernement haïtien trop de responsabilité dans l'affaire TPS.
Pour la bonne raison que à cause de ses obligations vis à vis de l'autre pays, il ne peut trop faire.
Qu'on se souvienne du dossier de dénationalisation des Dominicains d'ascendance haïtienne qu'une disposition de la Cour suprême de Santo Domingo est venue priver de leur nationalité acquise par la naissance dans ce pays.
Les autorités dominicaines ont su nager habilement pour écarter les institutions internationales (dont la Cour interaméricaine des Droits Humains – CIDH, la Caricom ou communauté des Etats de la Caraïbe etc) pour se retrouver avec pour vis à vis uniquement le gouvernement haïtien.
Et nous avons perdu. Pardon, les Dominicains-Haïtiens ont pratiquement perdu la bataille.
Nombre d'entre eux font partie des dizaines de milliers d'expulsés et de rapatriés qui ont depuis traversé la frontière.
Ce mercredi (31 mai), le ministre de la sécurité intérieure des Etats-Unis, et à ce tire responsable en chef de l'immigration, John Kelly, a rendu visite au président Jovenel Moïse au palais national, qui l'a reçu en compagnie du premier ministre Jack Guy Lafontant et d'autres autorités gouvernementales.
En gros, la rencontre s'est terminée en queue de poisson. Au sens que rien n'a changé sur le fond. Le ministre américain a promis de continuer à réfléchir mais sans garantir ce que souhaitait l'Etat haïtien lui aussi : une prolongation du TPS pour 18 mois et non pour seulement 6 mois comme l'a décidé la semaine dernière le ministre Kelly.
Comme vous savez, le mot TPS désigne un statut de résidence temporaire que l'ex-président Barack Obama avait bien voulu accorder aux Haïtiens qui se sont réfugiés aux Etats-Unis au lendemain du séisme de janvier 2010 qui a ravagé la capitale haïtienne, faisant plus de 250.000 morts.
Ils sont près de 60.000 compatriotes à vivre depuis 7 ans aux Etats-Unis sous la protection de ce statut spécial mais temporaire qui leur permet de travailler, d'envoyer leurs enfants à l'école et même de visiter le reste de la famille de temps en temps en Haïti, comme s'ils avaient la résidence légale, communément appelée la carte verte ('green card'). Mais voilà, le TPS est une disposition temporaire. La seule façon de continuer à en bénéficier c'est si elle est renouvelée. Comme l'administration Obama l'a fait depuis tous les 18 mois.
Mais voilà, c'est un nouveau président qui occupe la Maison Blanche, Mr Donald Trump. Et il a des sentiments différents vis-à-vis de ce dossier.
La semaine dernière, son ministre de l'intérieur, John Kelly, a décidé une prolongation du TPS pour seulement 6 mois. En précisant que ces 6 mois c'est pour donner le temps aux personnes en question pour préparer leur dossier afin de retourner en Haïti.
Lire la suite : TPS : la lutte doit être menée aux Etats-Unis et non en Haïti