PORT-AU-PRINCE, 14 Juin – On dirait qu'il a fallu se rendre à l'évidence pour que nos élus commencent à réaliser ce que c'est que le budget rectificatif.
A les entendre en parler, disserter longuement, il y a encore quelques semaines, c'est comme si le pays allait découvrir soudain une importante mine d'or ou un gisement de pétrole dans notre sous-sol.
Le président Jovenel Moïse, jamais à court d'une promesse, concluait toujours en promettant immanquablement d'inclure tel nouveau dossier en question ... dans le budget rectificatif.
Les députés de la 50e législature ne le lui cèdent en rien.
Le budget rectificatif c'est une panacée pour faire disparaitre en un clin d'œil tous les problèmes du pays.
Mais la réalité est toute autre.
Le gouvernement a déposé son projet au parlement. C'est au contraire une invitation au pays à se serrer davantage encore la ceinture.
En effet de 122 milliards de gourdes l'année dernière, le budget est réduit à 118 milliards.
Autrement dit beaucoup de ressources sur lesquelles pouvait compter le président Jovenel Moïse et son équipe, ne sont pas au rendez-vous.
A commencer par l'assistance internationale. Le président américain Donald Trump a coupé de près du quart le budget de l'aide américaine.
C'est un coup mortel pour un pays dont le budget de fonctionnement reposait il n'y a pas si longtemps à 80 pour cent sur l'assistance externe.
Par exemple, les députés et les maires digèrent mal que l'apport de l'Etat aux municipalités soit réduit de 70% par rapport à l'année précédente. Passant donc de 10 millions (de gourdes) à quelque 3 millions.
Alors que le projet de budget se trouve en discussion à la chambre basse (les deux chambres votent séparément le budget), ce n'est que protestations.
Faire rêver l'électorat ...
Alors que les fonds sont largement insuffisants, on ne fait que rajouter sur leurs affectations. C'est que chaque élu, du président de la république au dernier des Asec-Casec (élus de sections communales), l'a été sur la base des promesses les plus mirobolantes agitées aux oreilles de la population.
Normal. La réalité est si brutale que la seule politique qui reste c'est celle de faire rêver l'électorat. Le bon peuple. Peuple-enfant !
PORT-AU-PRINCE, 28 Juin – Récemment quelqu'un opinait qu'il y a 4 pouvoirs : l'exécutif, le législatif, le judiciaire et ... les droits humains.
On aurait en effet cette impression vu que les organisations de défense des droits humains opinent, jugent et condamnent à longueur de journée les actes commis par l'un ou l'autre de ces pouvoirs (précisons) constitutionnels.
Quand un président de la république ou un autre membre du pouvoir commet un impair, il se fait sanctionner par les organisations des droits humains.
Quand le sénat vote une loi contre la diffamation (comme c'est arrivé récemment) qui viole le principe constitutionnel de la liberté d'expression, les droits humains sont appelés à la rescousse.
Quand la justice remet en liberté des accusés reconnus coupables avant qu'ils aient purgé leur peine, vite les droits humains.
Les droits humains ont donc une lourde tâche et surtout dans une société comme la nôtre où ces dérives-là sont très courantes.
Cependant la démocratie oblige que les droits humains eux aussi s'accordent avec le régime des libertés dans telle société et à tel moment de la durée.
On ne peut pas interpréter les droits humains comme parole d'Evangile, c'est-à-dire s'imposant aux hommes en tout temps et en tout lieu.
Après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, le gouvernement américain a pris des dispositions qui changent passablement le déplacement des citoyens américains dans leur pays même.
Les fouilles corporelles minutieuses dans les aéroports n'existaient pas auparavant.
Ou encore en France où la police aujourd'hui peut se présenter à n'importe quel moment chez vous pour opérer des fouilles sans que vous puissiez évoquer la liberté individuelle, la France qui se dit la patrie des droits de l'homme.
Mais devenu aussi aujourd'hui l'un des pays les plus exposés à la menace terroriste islamiste.
En Grande Bretagne, le pays de l'habeas corpus, où les policiers ne portent jamais d'arme, voici que le gouvernement déploie l'armée dans les rues de Londres.
Cela après trois attentats qui ont fait de nombreux morts.
Lire la suite : HAITI : Droits humains dans une société bloquée !
CAYES-JACMEL, 15 Juillet – C'est la Mont-Carmelle, fête patronale de la ville de Cayes-Jacmel, moins d'une heure en voiture de Jacmel, chef-lieu du département du Sud-est.
Beau parcours entre la montagne d'un côté, étonnamment verte au pays du déboisement intensif, et de l'autre la mer aux tons multiples chatoyants.
Mais ce n'est qu'une apparence parce que c'est dans tout le pays qu'est en train de s'opérer une mise en coupe réglée et à marches forcées des terres agricoles, pour les transformer en complexe-appartements, chassant agriculteurs et éleveurs, dans le cri désespéré des jeunes veaux ne retrouvant plus leur mère dans ce désordre, les animaux d'élevage attachés pêle-mêle sur les bords de la route tandis que leurs maitres sont partis on ne sait où.
Alors même qu'une nouvelle administration haïtienne se donne pour objectif principal refaire la production agricole nationale, mais sur quelles terres ?
En effet, celles-ci sont en train de disparaître rapidement.
De Marigot à Cavaillon, de Camp Perrin à la Vallée de Jacmel, et partout ailleurs c'est un rush vers l'intérieur du pays où l'on peut se procurer des propriétés beaucoup plus vastes qu'en ville, et probablement aussi à meilleur prix, voire à Port-au-Prince la capitale qui a non seulement été détruite par le séisme de janvier 2010 mais qui n'offre aucune garantie non plus quant à l'authenticité des titres de propriété.
Alors qu'il y a quelques décennies c'est la campagne qui dégringolait vers la ville, pour créer les immenses bidonvilles que nous connaissons aujourd'hui, que ce soit à la capitale que dans les grandes villes de l'intérieur (Gonaïves, Cayes, Cap-Haïtien), occupant tout ce qui existait d'espaces vides, aussi bien le bord de mer (adieu la plage individuelle) que la montagne qui abritait l'alimentation naturelle en eau de la ville en contrebas ...
Mais où vont tous ces fous ?
JACMEL, 30 Juillet – La misère peut aussi se mesurer à la quantité de fous qu'on voit dans les rues.
Bizarrement aujourd'hui de loin plus d'hommes que de femmes. Et partout dans le pays.
Il est vrai qu'il y a cette jeune dame émigrée renvoyée par ses parents en Haïti parce que ayant perdu la tête, circulant presque nue et qui a été engrossée par un inconnu.
Récemment un Haïtien a été appréhendé à l'aéroport de Miami au moment où il allait prendre l'avion pour Haïti.
Il y a deux ans, il avait rendu enceinte une jeune fille plus ou moins handicapée mentale. Celle-ci a perdu l'enfant mais on a procédé à une analyse ADN sur le fœtus et il s'est révélé que notre homme actuellement sous les verrous, a été le concepteur.
Par contre il n'y aura rien de semblable concernant l'individu qui a commis le même crime sur cette pauvre émigrée rapatriée à Port-au-Prince.
Nous disions que la folie est actuellement le signe le plus évident, la mesure la plus fiable de l'ampleur de la pauvreté.
Demander la charité dans les rues c'est le dernier degré de déchéance. Voire quand c'est un homme. Est-ce pourquoi ces derniers semblent le vivre avec plus de difficulté que les femmes.
Inimaginable est le nombre de fous que l'on croise dans les rues.
Et ils sont de plus en plus d'une grande violence.
Soit contre eux-mêmes, en déambulant nus comme un ver.
Exhibitionniste malgré soi.
Soit en s'attaquant à leur prochain. On se fait casser facilement ses essuie glace avant de pouvoir se tirer de là.
Entre les taxi motos et les fous, il y a de quoi vous rendre fou !
MEYER (Sud-Est), 12 Août – Quand on se trouve à court de revenus et ne peut plus honorer ses factures, on peut avoir recours éventuellement au crédit.
Et c'est le cas pour la plus grande partie des Haïtiens aujourd'hui. Qu'on soit particulier ou entreprise privée.
C'est pareil pour l'Etat. Il peut contacter les instruments de crédit internationaux.
Mais comme Haïti était devenue insolvable, on a eu l'opportunité d'obtenir une annulation de notre dette envers les institutions internationales de crédit ...
En échange, nous avons accepté de ne pas prendre d'engagement envers aucun partenaire officiel au-delà de 1.X pour cent, ce qui nous laisse une marge de manœuvre très réduite.
Or on a aujourd'hui l'impression que c'est la position dans laquelle se trouve l'actuelle administration Jovenel Moïse-Jack Guy Lafontant.
La porte du crédit est fermée. Point barre !
Mais il y a des dettes avec lesquelles on ne peut pas transiger. Comme les salaires de la Police nationale, seul responsable, officiellement, de la sécurité du pays.
Quant au peuple, par habitude, il se débrouille comme il peut.
Cependant, les pouvoirs haïtiens, dans le temps, avaient su trouver d'autres alternatives.
Lorsque les Etats-Unis lui refusèrent un emprunt qui devait servir à rembourser le reliquat de la Dette de notre Indépendance (même acquise par les armes en 1804) et dont la balance avait été rachetée à la France par la National City Bank of New York, le président Dumarsais Estimé lança un emprunt intérieur. Celui-ci (on dirait aujourd'hui, mystérieusement ...) fut un succès.
En tout cas, l'Histoire ne rapporte aucun faux pas quant à son remboursement.
Tandis que sous Papa Doc Duvalier, dans les années 1960, alors que son gouvernement faisait face à un embargo financier décrété par l'administration Kennedy, l'expérience sera de loin plus douloureuse.
François Duvalier pensa peut-être raviver la flamme nationaliste comme Estimé, mais c'est pour aboutir à tout à fait le contraire comme nous allons le voir.
'Bon Da' ...
D'abord il était une fois le président haïtien Joseph Davilmar Théodore (10 novembre 1914-22 février 1915 ). Face à des problèmes de trésorerie (cash flow), il eut recours lui aussi aux fameux bons.