Viol et coutumes
PORT-AU-PRINCE, 16 Mai – L'un des points positifs marqués par la justice haïtienne, ces dernières années, c'est la législation punissant le viol et l'application qu'elle trouve, de plus en plus, aussi bien devant les tribunaux qu'au niveau des institutions policières et d'incarcération.
C'est chaque semaine que dans le bilan des dernières opérations policières, tel que rapporté par les porte-parole de l'institution, le mot viol figure à la même place que ceux de vol et d'assassinat.
Il était temps car on ne saurait deviner combien c'était embarrassant quand un compatriote haïtien fut accusé de ce crime à l'extérieur (comme, par exemple à Miami, Floride) alors qu'un tel acte donnait l'impression d'être toléré chez nous.
Presque toujours, cela a eu lieu au foyer même où cohabitent l'accusé et sa victime. Et celle-ci peut être un enfant. Et plus souvent qu'on ne croit, un bébé.
Parce que celui-ci ne peut rien rapporter. Mais l'enfant pleure. On le conduit à l'hôpital. Et c'est le médecin qui dévoile l'affreuse vérité.
Mais, tenez-vous bien, ce n'est pas seulement le désir sexuel qui motive le coupable. Non, mais la superstition.
Violer un bébé (et dans sa propre famille) est un sacrifice à commettre pour trouver un emploi ou autre.
Bref, l'Etat sauvage !
On le sait parce que dans ces pays-là, il y a de bons psychiatres, capables de convaincre le violeur de révéler toute la vérité.
Mais cela fait un choc quand l'information paraît dans la presse.
Pensez au nombre de cas semblables qui se commettent dans notre pays même. Avec une telle surpopulation et les difficultés de logement.
Tout comme on a toujours entendu dire que coucher avec une infirme ou une personne qui n'a pas 'toute sa tête' ... porte chance pour voir réaliser ses rêves.
L'un des facteurs qui conduit au viol est donc la superstition.
Ou encore la sorcellerie. Différente de la religion Vodou. Même s'il se dit, peut-être à tort, que le houngan (grand prêtre et responsable d'un temple vodou ou 'hounfor') a le droit de cuissage sur toutes les filles qui fréquentent ce dernier. Vrai ou faux ?
Bien entendu c'est loin d'être une particularité haïtienne. L'extension des réseaux numériques (notamment les réseaux sociaux, what'sapp etc) nous met au courant de ce qui se passe dans le plus petit village de la terre entière.
Ainsi l'Inde semble apparemment (nous disons semble) numéro 1 dans les actes de viol. Même si à cause de l'effet des grands titres, l'information doit être prise avec précaution. C'est l'exemple parfait qu'un pays ne peut pas se développer en gardant des coutumes médiévales.
Dans le monde musulman ce sont les mariages arrangés. Dans des pays africains, c'est l'excision.
Mais partout la communication fait sauter les barrières.
Cependant le viol a lieu aussi dans les grands pays occidentaux capitalistes et démocratiques, respectueux des droits de l'homme etc.
Le machisme ou mythe de la supériorité masculine est aussi vieux que le monde et ne connaît ni de frontières ni de milieu social.
La justice traque des présumés coupables de viol au fin fond de la Belgique, tout comme le cinéaste Roman Polanski est poursuivi depuis trente ans par les Etats-Unis pour acte de viol commis sur une adolescente lors d'une party à Hollywood.
Quoique nos juges devraient être prudents pour éviter la confusion entre viol avéré et sexe sans consentement, harcellement sexuel et même homophobie.
On a vu une fille qui avait tué son amant être défendue ardemment par nos organisations féministes et un homme qui a tué son amante par jalousie, se voir condamné à la détention à perpétuité.
Cependant en Haïti il n'y aurait jamais eu de punition de ce crime sans l'intervention énergique et passionnée du mouvement féministe, au lendemain de la chute de la dictature et de l'obscurantisme des Duvalier, mouvement relayé plus tard par les organisations de défense des droits de l'homme.
Parce que le viol en Haïti se double d'une inconscience, presque de l'ingénuité, comme si c'était une loi de la nature.
Le jeune garçon se tapit au coin sur le chemin qu'emprunte la jeune fille. Et lui saute dessus. Comme le loup sur la brebis.
Le loup se croit dans son bon droit. La brebis effrayée, résiste à peine.
Et, tenez-vous bien, cela finit souvent dans une grossesse. Et dans bien des cas, la formation d'une nouvelle famille. Et même quelquefois d'un mariage.
Pour toute punition (pour le garçon ainsi que pour ses parents qui doivent alors sacrifier une partie de leurs biens), quand la brebis était encore pure, c'est la négociation entre les deux familles. 'Etranje pa mele ' ou l'Etat s'abstenir.
Voici donc pourquoi ce n'est pas seulement contre un crime mais contre des coutumes solidement enracinées, pour ne pas dire ancestrales, que la justice doit lutter ici.
Et c'est aussi pourquoi c'est toute la société qui doit y mettre la main.
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince