MIAMI, 12 Novembre – Sur le net circule une invitation de Jimmy Chérizier (nom de guerre Barbecue). « Le porte-parole de ‘Force Révolutionnaire G-9 Famille et Alliés Tous pour Un et Un pour Tous’ invite à un point de presse à La Saline, le vendredi 12 Novembre à 10 heures du matin, dans le but d’annoncer les dispositions à l’occasion de l’anniversaire, le 18 Novembre, de la grande victoire de l’armée indigène sur les forces coloniales françaises le 18 Novembre 1803. »
Autrefois toute la presse se précipiterait. Mais aujourd’hui tous les journalistes se consultent. Qui sait ce qui peut arriver. Il se peut pendant une telle activité que le groupe Barbecue soit attaqué par un camp adverse ou qu’une querelle éclate entre eux-mêmes. C’est ça quand l’insécurité est généralisée. Donc une seule consigne c’est ne pas mettre le nez dehors. Mais il va arriver aussi un jour où personne ne fera confiance à personne. Voilà vers où la situation actuelle nous conduit.
Faut-il rappeler qu’on l’a vécu pendant un temps sous Papa Doc, quand le pouvoir est allé jusqu’à tenter de diviser jusqu’aux familles pour mieux régner (‘divisez pour régner’), comme on l’aurait vécu aussi sous Staline à en croire le film ‘L’Aveu’ qui a été rediffusé cette semaine sur la chaîne TV5.
C’est donc jusqu’aux frontières extrêmes de la violence qu’on nous pousse en ce moment. L’insécurité engendrant la méfiance réciproque et pour finir un contrôle total-capital. Comme dit l’expression américaine : ‘FREEZE’. Plus rien ne bouge. Ou encore le ‘Pèlen Tèt’ de Frankétienne : ‘Anvan ou Bat je ou, tout Makak te Gentan nan Kalòj.’
Nous voyons encore cette jeune femme qui nous parle, parait-il, de la République dominicaine voisine où, d’ordre du président, Mr. Luis Abinader, s’est déclenchée une terrible chasse à l’haïtien. Non renouvellement du visa étudiant ; non renouvellement d’emploi ; non admission à l’hôpital d’abord pour les femmes enceintes de nationalité haïtienne puis pour tous les immigrants illégaux (ce qui entraine cette observation d’un universitaire dominicain : ‘et si les Etats-Unis décidaient de ne pas admettre à l’hôpital les immigrants illégaux dominicains nombreux à New york’ !).
Que nous dit cette jeune haïtienne dans son accent mi-créole haïtien mi ‘argot’ dominicain ?
« Il ne me reste qu’à rentrer chez moi en Haïti. Aussi j’adresse cette supplique aux gangs. Allez-vous me permettre de rentrer sans tenter de me kidnapper, de me voler, de me violer ? »
« Vous vous dites en révolte contre les privilégiés du pays mais je suis pareille à vous, oui ou non ? »
Ou en créole : « Nou tout se pitit Sò Yèt. »
Et c’est là en effet que tout se complique. Si comme dit Barbecue, (et paraphrasant en cela notre président Jovenel Moïse qui a été assassiné le 7 juillet écoulé) ce sont les ‘oligarques’ qui sont visés, alors pourquoi tant de misère pour les petites gens, pourquoi chasser les habitants de Martissant et autres de leur pauvre demeure, pourquoi le kidnapping suivi de viol et autres de la petite marchande des rues et autres ?
Tandis que les oligarques eux-mêmes sont déjà bien loin.
Pourquoi ?
Ou c’est un pays soudain devenu fou, et cela ne s’est jamais vu ; ou c’est la même opération à la Papa Doc mais qui aujourd’hui n’ose pas dire son nom. Et pour des raisons qu’on comprend. Car faut aussi maintenir le semblant, les oripeaux de la démocratie.
Mais surtout : qui tire les ficelles ?
Lire la suite : A qui doit profiter cette terreur généralisée ?
MIAMI, 30 Octobre – Ben sûr le premier réflexe qui vous vient est celui du Tonton Macoute : Fusillez-les tous et allez jeter dans un sac dans le golfe de la Gonave !
Qui sont-ils ?
Leur âge moyen c’est 30 ans environ. Par conséquent nés après la chute de la dictature en 1986.
Par conséquent voilà ce qu’a produit notre belle expérience démocratique.
Bien sûr c’est plus nuancé mais on est bien forcé d’admettre que les gangs qui font la loi actuellement dans notre pays et quasiment sur les 27.750 km2, sont un produit de notre époque puisque n’ayant jamais existé ainsi auparavant.
MIAMI, 22 Octobre – Seize (16) missionnaires américains sont kidnappés en Haïti par un groupe clairement identifié (en l’occurrence les ‘400 Mawozo’) dont le chef aurait déclaré crânement sur une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux qu’il est prêt à les occire un à un si la rançon demandée (1 million de dollars américains par tête) n‘est pas versée immédiatement. Et pourtant, sur les grands médias américains où l’information est relayée en boucle, on ne parle pas de terrorisme, mais de simple banditisme ?
Quand est-ce que c’est terrorisme et non banditisme ordinaire ? Qu’est-ce qui fait la différence ? Où se situe la ligne de démarcation ?
On ne sait pas.
Lire la suite : Même classé parmi les 3 pays les plus dangereux Haïti reste une banalité pour US
MIAMI, 19 Octobre – Colin Powell, premier Noir qui accéda au grade de général en chef des forces armées américaines, ainsi qu’à celui de secrétaire d’Etat ou chef de la diplomatie du pays militairement le plus puissant de la planète, jouera aussi un rôle dans les événements politiques qui agiteront notre pays Haïti pendant les trois décennies écoulées, et qui se poursuivent encore aujourd’hui … et pour le pire.
Au lendemain des premières élections démocratiques et constitutionnelles tenues après la chute de la dictature Duvalier (en 1986), une délégation arrivait de Washington.
Elle était composée de trois importantes personnalités : l’ex-président démocrate Jimmy Carter, l’ex-secrétaire d’Etat à la Défense (considéré comme l’architecte de l’intervention américaine au Vietnam sous le président Kennedy) puis président de la Banque mondiale, Robert McNamara et le chef d‘Etat-major en fonction, le général Colin Powell.
Ils sont venus assister à la prestation de serment du président élu Jean-Bertrand Aristide, le 7 février 1991.
Mais rapidement le bruit courut, vrai ou faux, qu’ils sont venus proposer à l’élu, avec près de 70 pour cent des votes exprimés, de trouver un arrangement avec celui qui avait été considéré comme le candidat favori de Washington.
C’est l’ex-ministre des finances (pendant quelques mois) sous Jean Claude Duvalier, Marc L. Bazin, qui fut aussi un haut cadre de la Banque mondiale.
Pas question évidemment, s’écrient les alliés de l’ex-curé de Saint Jean Bosco, particulièrement les Pères du Saint Esprit, en tête le Père Antoine Adrien ; l’ancien dirigeant du PUCH (parti communiste), Dr. Gérard Pierre-Charles ; peut-être aussi les leaders du FNCD qui avaient chaudement fait campagne en faveur de l’élu du 16 décembre 1990, Evans Paul (K-Plim) et Dr. Turneb Delpé et autres.
On comprend. La lutte avait été intense. On était encore en guerre, surtout après la récente tentative, seulement le mois précédent (7 janvier 1991), de l’ancien chef ‘tonton macoute’ Dr. Roger Lafontant de faire un coup d’état.
L’armée déjoua la tentative et jeta Lafontant en prison. Mais les esprits étaient encore surchauffés comme on peut deviner.
L’initiative des trois émissaires de Washington donc était mort-née.
Cependant il s’agit quand même de la puissance dominante. Et on peut se demander si de les avoir mieux écoutés, ne nous aurait pas épargné certains déboires par la suite.
D’ailleurs qui sont les trois émissaires en question ?
Si Robert S. McNamara, ex-président de la Banque mondiale, était là pour soutenir un poulain, Marc Bazin, par contre la démarche de Jimmy Carter et peut-être aussi de Colin Powell était probablement plus ‘politique’, c’est-à-dire avait une signification plus profonde.
Lire la suite : Colin Powell, un exemple et peut-être un Modèle !
MIAMI, 28 Septembre – Elections notre sport préféré ! En effet voici qui peut amener la cabale politique à marquer une pause : la mise en place du conseil électoral provisoire (CEP).
Le premier ministre Ariel Henry a annoncé lundi le renvoi de l’actuel CEP.
Existait-il réellement un conseil puisque celui-là avait été mis en place en dehors des prescrits constitutionnels comme nombre d’autres réalisations du défunt président Jovenel Moïse, de regrettée mémoire malgré tout.
Certaines des institutions appelées à participer à la formation du conseil électoral s’y étaient refusées on s’en souvient, y compris la Cour de cassation qui lui avait refusé sa bénédiction.
En tout cas l’idée n’est pas mauvaise en soi parce que c’est peut-être la seule décision prise depuis longtemps par le pouvoir en place, qui n’est pas contestée.
Parfait. Alors en avant !
La Primature a contacté les mêmes institutions pour désigner leur futur représentant dans un nouveau conseil, organisme de 9 membres. C’est un premier test qui témoignera du degré de sérieux des mêmes institutions. Entre l’engagement pour des élections honnêtes, et la tentation au contraire d’orienter ces dernières en faveur de son propre camp.
Cela promet une bataille furieuse, mais qui ici heureusement se déroulera en gros (‘je ront je’) dans les coulisses.
Test numéro 1) la rédaction de la loi électorale. Sa composition permettra tout de suite de juger de la compétence mais surtout de l’indépendance, vraie ou fausse, du nouveau conseil électoral. Car bien entendu les pressions seront fortes. Osera-t-on toucher dans cette loi au sacro-saint financement dont disposent les candidats (la fameuse caisse noire) ou bien seuls les déjà millionnaires, de plus aux dépens du trésor public, qui seront capables de l’emporter ? Encore une fois.