Car Washington Seul Peut Décider Ce qui est Terroriste ou Pas !
MIAMI, 22 Octobre – Seize (16) missionnaires américains sont kidnappés en Haïti par un groupe clairement identifié (en l’occurrence les ‘400 Mawozo’) dont le chef aurait déclaré crânement sur une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux qu’il est prêt à les occire un à un si la rançon demandée (1 million de dollars américains par tête) n‘est pas versée immédiatement. Et pourtant, sur les grands médias américains où l’information est relayée en boucle, on ne parle pas de terrorisme, mais de simple banditisme ?
Quand est-ce que c’est terrorisme et non banditisme ordinaire ? Qu’est-ce qui fait la différence ? Où se situe la ligne de démarcation ?
On ne sait pas.
Donc seul Washington qui peut décider, du moins en ce qui concerne Haïti, de ce qui est terrorisme ou qui ne l’est pas.
Pourtant il peut y avoir (oui en ce moment même !) des individus en prison aux Etats-Unis ou même en Haïti, pour avoir proféré des menaces, rien que des menaces, mais qui peuvent avoir été interprétées comme du terrorisme par les dirigeants américains. De simples menaces et non pas des actes, contrairement aux kidnappings (au pluriel) dont il est question aujourd’hui !
Dix-sept missionnaires américains et 1 canadien membres d’organisations caritatives, habitués à se relayer de manière régulière dans des institutions locales consacrées à la formation de jeunes haïtiens.
Dans le groupe se trouvent au moins 5 adolescents dont un enfant de 2 ans. Rien n’y fait.
La police fédérale (FBI) est venue participer aux négociations. Mais jusqu’ici si l’on peut dire, ‘business as usual’.
Malgré toutes les particularités du groupe détenant les otages, malgré leurs menaces ouvertes, malgré leur bilan précédent, rien n’y fait : la question est traitée, si l’on peut dire, comme une affaire de simple police.
Or petit rappel : Après l’entrée en Haïti, en 1994, des troupes américaines ramenant le président Aristide dans ses fonctions, des chefs militaires haïtiens ont été invités formellement : ou à laisser le pays ou à se tenir tranquilles parce qu’il avait été rapporté qu’ils auraient proféré des déclarations qui ont été perçues par les services de renseignements américains, comme des menaces ‘terroristes’.
Mais aujourd’hui voici que 17 missionnaires (dont 1 canadien) sont aux mains de gangs qui demandent comme rançons 17 millions mais le mot terrorisme ne parait nulle part dans les communiqués et conférences de presse du Département d’Etat ou de la Maison blanche.
Par contre si cela se passait en Irak ou au Mali, ce serait du terrorisme.
Comment l’expliquer ? C’est à la tête du client. Terrorisme ici, simple banditisme là. On aurait crû les services de renseignements occidentaux plus sérieux que cela.
Les gangs haïtiens utilisent des noms les plus extravagants : ‘400 Mawozo’, ‘Lanmò 100 Jou’, ‘Bout Janjan’, ‘Ti Kenkenn’ etc, mais c’est du folklore local, pas très grave.
En tout cas, rien d’idéologique.
Même quand le mot ‘terroriser’ est utilisé car vous pouvez lire dans la presse étrangère : ‘Les gangs qui ont terrorisé Haïti ces dernières années’ que ce n’est pas de terrorisme proprement dit qu’il s’agit mais de simple ‘vagabondage’ comme on disait autrefois dans la police haïtienne au temps où celle-ci régnait, contrairement à aujourd’hui, sur tout le territoire de la république. Même leurs adversaires politiques que les chefs de la police de ce temps-là qualifiaient de ‘‘ti vakabon’ !
C’était le bon vieux temps.
‘Blan an di ou mouri mon chè, ou mouri’ …
Aujourd’hui c’est plutôt comme cette blague qu’on aimait raconter autrefois : un haïtien malade qu’on se prépare à transporter à la morgue et qui proteste. Alors le brancardier de lui dire : ‘blan an di ou mouri mon chè, ou mouri.’
Le blanc a décidé que tu es mort mon vieux, mille regrets donc tu es mort !
Voire quand c’est du ‘blanc’ lui-même qu’il s’agit aujourd’hui, quand c’est sa propre tête qui est en jeu, raison de plus pour que ce soit à lui seul de décider du sens à y apporter.
Comme on voit le gouvernement du Mali révolté parce que la France prend des dispositions concernant sa force d’intervention contre les terroristes (‘djihadistes’) mais sans daigner en informer à l’avance le gouvernement malien.
Mais dans notre cas, c’est pire, parce que cela va plus loin. Jusqu’au terrorisme qui est trop fin pour notre museau.
C’est la banalisation la plus absolue.
On comprend que le nommé ‘Barbecue’, un fédérateur de gangs dits ‘alliés et famille’, formé pendant le mandat du président assassiné le 7 juillet dernier, Jovenel Moïse, ait pu, le 17 octobre écoulé, profaner, en toute impunité, le monument au père numéro 1 de la patrie, Jean Jacques Dessalines, en y défilant en habit de cérémonie après avoir chassé des lieux le chef du gouvernement Dr. Ariel Henry.
En Haïti, pas de discussion, seul Washington qui est habilité à établir la différence entre bandit et terroriste, et à la surprise générale jusque dans le cas patent de citoyens américains, natif-natal, et même en nombre imposant (16 américains et un canadien), et que la mort plane au-dessus de leur tête, non par supposition mais de la bouche même du chef de ce gang … ah j’ai failli dire ‘terroriste.’
Cela pour vous laisser deviner quel traitement finalement nous est réservé à nous les locaux !
Marcus Garcia, Haïti en Marche, 22 Octobre 2021