Les Gangs un produit de notre Expérience Démocratique, eh oui !

MIAMI, 30 Octobre – Ben sûr le premier réflexe qui vous vient est celui du Tonton Macoute : Fusillez-les tous et allez jeter dans un sac dans le golfe de la Gonave !

Qui sont-ils ?

Leur âge moyen c’est 30 ans environ. Par conséquent nés après la chute de la dictature en 1986.

Par conséquent voilà ce qu’a produit notre belle expérience démocratique.

Bien sûr c’est plus nuancé mais on est bien forcé d’admettre que les gangs qui font la loi actuellement dans notre pays et quasiment sur les 27.750 km2, sont un produit de notre époque puisque n’ayant jamais existé ainsi auparavant.

Et nous entendons par là, la période dite expérience démocratique. Il faut bien admettre que c’est aussi (nous disons aussi c’est-à-dire personne n’en est le seul responsable) oui c’est aussi un mauvais ajustement, un mal-ajustement des promesses démocratiques (liberté d’expression, droits de l’homme etc) avec nos réalités jusque-là.

Le résultat est tout simplement monstrueux : c’est le règne absolu des gangs criminels et impitoyables pour toute la société ; du haut jusqu’au plus bas.

Par conséquent c’est nous qui devions, qui avions pour mission de faire le raccord, le pont entre les deux périodes, qui avons piteusement échoué.

L’éducation c’est ce qui nous reste, quand on a tout perdu ...

Comment était-ce avant la dictature dite trentenaire des Papa et Baby Doc (1957-1986) ?
Comment était-ce sous la dictature ?
Qu’est-ce qui avait empêché jusque-là un pareil débordement dans la criminalité d’exister, sinon d’être aussi évident ?
Outre des inventions nouvelles comme le smartphone (‘réseaux sociaux’) dans la main de chaque haïtien, comme partout dans le monde, et surtout l’utilisation qui en est faite. Laissant libre cours aux passions quelles qu’elles soient, sous quelque forme qu’elles puissent s’exprimer : sexe, vulgarité, violences, racisme à rebours, mésinterprétation de l’Histoire nationale ainsi que des coutumes les plus nobles.

Car, pour paraphraser je ne sais plus quel célèbre auteur : l’éducation c’est ce qui nous reste, quand on a tout perdu.

Et c’est ce qui a permis à des nations hier colonisées, comme la Chine, le Vietnam de rebondir pour occuper leur rang d’aujourd’hui.
Dans notre enfance (nous aujourd’hui sexagénaires ou septuagénaires), ce qu’on appelle l’éducation, mais qui n’est pas seulement l’instruction (le b-a : ba), jouait un rôle important voire primordial.

A l’école catholique, dominée par l’instruction religieuse ; au lycée par l’instruction civique.

Mais l’une comme l’autre jouait le même rôle de barrière contre le débordement total des passions quelles qu’elles soient, contre le règne absolu des instincts.

Comme nous semblons y assister en ce moment.

Par conséquent échec de l’éducation telle qu’elle est prodiguée aujourd’hui.

Mais pourquoi est-ce aussi évident après la dictature Duvalier, au lendemain du 7 février 1986 et que toute la nation avait cependant accueilli comme une libération ?

En effet la dictature n’a pas été un modèle de vertu et le patriotisme promulgué comme un tamtam, de la vulgaire propagande gouvernementale.

Papa Doc : « Je suis le drapeau haïtien noir et rouge un et indivisible ! »
Stupide !
En même temps que ce sont les vrais patriotes qui allaient nourrir la nuit les chiens sauvages derrière la Bastille du régime appelée Fort Dimanche.

La seule différence : c’était la peur. La peur dans tous les cœurs, au plus profond. Une peur à faire peur !

Probablement qu’aujourd’hui devant le désastre total, une majorité d’entre nous en a la nostalgie : ce temps où on pouvait traverser le pays la nuit, et du nord au sud, sans faire aucune mauvaise rencontre.
C’est vrai.

Et cela jusqu’à la chute du régime le plus sanguinaire que Haïti ait jamais connu.

Les Izo, Tije et Bout Janjan d’aujourd’hui sont les Boss Pent et Ti Bobo d’hier ...

Cependant sous Papa Doc et Baby Doc le ver était dans le fruit mais contenu parce que le pouvoir l’avait seulement domestiqué pour l’avoir à son service. Les Izo, Tije et Bout Janjan d’aujourd’hui sont les Boss Pent et Ti Bobo d’hier. Mais pouvions-nous après empêcher cet éclatement du monstrueux phénomène comme aujourd’hui ?

Faudrait d’abord que nous sachions en quoi nous nous engagions en clamant partout notre adoption de la démocratie, traduisez : le règne total de la liberté individuelle, le régime des mêmes droits pour chacun de nous du moment qu’on respecte les mêmes droits à l’autre et de l’autre (ce qui n’est pas certain !), le respect des droits humains le plus strictement que possible et (‘the last but not the least’ – le dernier et non le moindre) : l’interdiction de la peine de mort !!!

Et c’est là probablement que cela a foiré, que la machine a dérivé follement jusqu’au plus profond du ravin.

Numéro 1) nous avons pensé que la démocratie est un don du ciel, qu’il n’y a aucun effort spécial à faire, bref que l’homme est démocrate par nature, que c’est : aimons-nous les uns les autres !

Ne reconnaissez-vous pas dans ces individus masqués, brandissant avec fierté leurs armes de guerre, les mêmes jeunes garçons qui vous quémandaient quelques sous aux feux de signalisation des avenues principales de la capitale ? …

Eh bien, peut-être que l’éducation, notre bonne vieille éducation jusqu’aux années 1960 tout au moins, aussi bien civique que religieuse a été faite pour barrer la route justement à ces débordements dans lesquels nous avons aujourd’hui capoté, comme Engels qui dit : « La religion est l’opium du peuple », oui on sait … mais voilà mais pas d’éducation du tout, c’est laisser libre cours à la sauvagerie la plus atroce comme celle que nous vivons car en démocratie aussi l’éducation n’a pas disparu loin de là …

Or numéro 2) la dictature a dénaturé l’éducation traditionnelle, la transformant en un vulgaire instrument de propagande gouvernementale - comme nous voyons d’ailleurs aujourd’hui encore nos régimes continuer à s’en servir les uns après les autres …

C’est pour aboutir à ces êtres sans âme livrés à eux-mêmes. Ce sont les gangs chassant les pauvres résidents de Martissant de leur humble logis, ou kidnappant des bébés et prêts à les tuer en cas de non-paiement de la rançon. Tuant, violant, viols en série …

Avec bien entendu le facteur pas forcément le premier de tous mais également déterminant et surtout qui nous interpelle directement, c’est la misère.
En effet ne reconnaissez-vous pas dans ces individus masqués, brandissant avec fierté leurs armes de guerre, les mêmes jeunes garçons qui vous quémandaient quelques sous hier aux feux de signalisation des avenues principales de la capitale ?

Nous sommes tous coupables … Mais ce n’est pas vous spécialement (on n’est pas au confessionnal !), que tous ceux qui ont un rôle dans la cité qui doivent comprendre que ce n’est pas une génération spontanée les gangs actuels mais notre faute, parce que c’est nous tous qui avons choisi d’abdiquer nos responsabilités sous prétexte que la démocratie c’est un régime qui fonctionne par lui-même comme un aéronef sur pilotage automatique.

Enfin combien de ceux qui aspirent aujourd’hui au pouvoir qui ont véritablement idée des responsabilités qui les attendent. C’est non seulement (déjà dans le meilleur des cas) un effort économique et une meilleure distribution de la fortune nationale mais c’est aussi une véritable œuvre de ‘civilisation’ de ce pays (et en tenant mieux compte cette fois-ci bien entendu de nos caractères nationaux propres et non pas une simple copie des manuels venus d’ailleurs), car à tout prendre mieux vaut ‘Bouqui et Malice’ que ces mitraillettes qui tuent sans réfléchir et que nous ne fabriquons pas.

Marcus Garcia, Haïti en Marche, 30 Octobre 2021