Little-Haiti victime de la Crise Haïtienne !

MIAMI, 9 Décembre – Little-Haïti, le quartier haïtien de Miami, n’est plus que l’ombre de lui-même.
Non seulement parce que la majorité des nôtres ont dû déménager, ne pouvant faire les frais de loyer et autres avec la prise de possession du quartier par les entrepreneurs du Design District, Miami se convertissant en capitale de l’industrie artistique internationale (nous y reviendrons dans une prochaine chronique) mais ce mois de décembre qui est traditionnellement le plus prolifique avec les transferts d’argent et autres pour le pays natal, c’est une image totalement différente que projette la communauté haïtienne.
Et ce doit être probablement aussi le cas pour celle de New York, Boston, Chicago, Freeport (Bahamas) etc.

Les petits shops haïtiens sont vides. Motif no.1 : personne ne voyage en Haïti. Les gangs armés y font la loi, kidnappant, tuant, violant. Ce ne sont que ces nouvelles-là qui proviennent du pays.

Personne donc ou presque qui osera y mettre le pied pour les fêtes de fin d’année.
Or le gros du quartier haïtien s’étant déplacé vers ailleurs (North Miami, par exemple, où le loyer et les dépenses de première nécessité sont plus abordables), ce sont ces entreprises dites de service qui demeurent encore à Little-Haiti.

Et ce sont elles qui font les frais de la crise multiforme qui fait rage aujourd’hui au pays natal.
Traditionnellement l’Haïtien règle tout au même endroit. N’ayant pas assez le temps pour courir dans tous les sens, certains n’ayant que le dimanche pour congé.
Eventuellement son billet de voyage pour être en Haïti pour le 6 janvier : Fête des Rois (les Rois Mages) qui est la célébration principale dans nos provinces, moins que la Noel et le Nouvel An.

Mais le vrai casse-tête actuellement ce sont les transferts ou envois d’argent aux parents en Haïti.
La banque centrale d’Haïti (BRH) reconnait que ce sont ces derniers qui font tourner aujourd’hui l’économie du pays.
Près de 3 milliards annuellement pour une économie qui produit elle-même moins de 500 millions.
A ce propos la dégradation de la monnaie locale a atteint son point culminant. Dernier taux de la gourde (monnaie locale) par rapport au dollar : 100 g. 29 pour 1 dollar.


Partant on se bat pour le dollar et celui-ci disparait avant même d’arriver aux mains de son destinataire en Haïti.
En effet on apprend que les banques locales ont du mal à payer les transferts à leurs destinataires, en dollars.
C’est la dernière manifestation en date de la crise économique et financière. Les bénéficiaires de transferts se plaignent que les banques haïtiennes ne peuvent pas payer en dollars sinon une partie du montant et leur proposent la balance en monnaie locale …

Or en même temps que la radio annonce que la gourde est tombée en valeur en dessous de 100 gourdes pour un dollar, donc personne qui en veuille.
En même temps aussi qu’on est obligé de passer par les banques ce depuis la décision par les autorités monétaires, elles aussi avides du billet vert pour régler les importations essentielles dont la gazoline - de restreindre le règlement en dollars des transferts seulement aux détenteurs d’un compte en banque en dollars …

Portant un rude coup aux maisons de transferts en diaspora puisque désormais dans l’impossibilité de tenir elles-mêmes leurs engagements envers leur clientèle.

Pendant notre visite de près d’une heure dans cet établissement de Little-Haïti, même pas un seul client qui se soit présenté.

Mais ce n’est pas tout. Il y a pire. C’est le banditisme qui s’est généralisé dans les rues aussi bien à Port-au-Prince, la capitale que dans le reste du pays.

Des fois où l’on tenterait d’acheminer les transferts de porte à porte comme cela se faisait depuis toujours jusque dans les coins les plus reculés du pays, y compris à dos de mulet.

Aujourd’hui c’est bien fini. Est-ce le gangstérisme qui est en premier responsable ou d’abord la ruine économique … ou la dérive des politiciens ?

Ou les mêmes … mais en sens inverse ?

En tout cas une visite dans le quartier de Little-Haiti, Miami, vous permet d’appréhender d’un seul coup les brutales conséquences de la crise qui fait rage dans notre pays.

Et sans aucun signe d’amélioration à l’horizon.

Marcus Garcia, Haïti en Marche, 9 décembre 2021