Haïti a son rôle à jouer dans le miracle touristique de Cuba
JACMEL, 7 Août – Cuba se prépare à recevoir pas moins de 7 millions de touristes à partir de 2017.
La population cubaine s'élève (en 2015) à moins de 12 millions d'habitants. Avec un processus de dénatalité due aussi bien à la migration qu'au contrôle des naissances.
Haïti peut-elle tirer quelque chose du pactole cubain ? Le pays dont nous sommes le plus proche, avec les Etats-Unis (Key West est à un doigt de mer des côtes cubaines). C'est d'ailleurs de ce dernier (les Etats-Unis) que devrait partir un fort contingent de ces touristes avec la réconciliation en cours entre ces deux anciens ennemis de la Guerre froide – celle-ci ayant pris fin en 1989 (avec la chute du Mur de Berlin).
Actuellement les autorités haïtiennes pensent à des dispositions qui pourraient permettre d'attirer les nouveaux visiteurs de Cuba à prolonger leur séjour dans la région en faisant un crochet par nos sites locaux (le grand Nord avec la Citadelle, la Côte des Arcadins etc).
Mais c'est encore loin de la réalité. Comparé aussi avec la grande extension déjà prise dans ce domaine par notre voisine, celle avec laquelle nous partageons la même île, la République dominicaine.
Tout importer des Etats-Unis ? ...
Non, Haïti devrait chercher ailleurs. Il y a des opportunités probablement plus intéressantes. Comment Cuba va-t-il alimenter (traduisez en produits alimentaires) ce pas de géant qu'il est en train de faire ?
Va-t-il faire comme les Bahamas ? Tout importer des Etats-Unis. Du poisson frais, alors que les Bahamas sont un chapelet d'île, et jusqu'à l'eau de lessive ?
C'est à ce niveau que Haïti devrait peut-être penser à une collaboration effective pour participer à la nouvelle expérience cubaine.
D'autant que l'actuel pouvoir cubain (vu aussi les relations que nous avons développé avec le pays des frères Castro ces dernières décennies, et aussi avec le peuple cubain à travers les missions de coopération médicale et autres) ne demanderait sans doute pas mieux.
Fournir au tourisme cubain sa base arrière ...
Bien entendu, la République dominicaine a des atouts apparemment plus importants étant donné qu'elle a une bonne avance et une expertise déjà consommée dans ce domaine de l'industrie touristique. Près de 70.000 chambres d'hôtel, alors que en Haïti nous en totalisons environ 9.000.
Mais loin de nous de penser à l'impossible (du moins pour le moment) alors que nous avons probablement davantage les moyens de contribuer à fournir au tourisme cubain son back-up (sa base arrière), des fournitures essentielles : la production maraichère indispensable pour qu'une industrie touristique puisse vraiment devenir un instrument de développement économique national. Et non un mirage.
Comme ce le fut d'ailleurs dans le Cuba d'avant la révolution socialiste. Le paradis des casinos et de la fête perpétuelle. Et le règne absolu de la mafia.
Nous avons les mêmes terres, les mêmes traditions agraires, les mêmes cultures. L'Histoire le prouve. C'est à Cuba que les colons chassés d'Haïti au moment de notre Indépendance (1804) se sont réfugiés. Naissance de l'industrie sucrière dans les plaines de l'Oriente. Tout normalement, poussés par l'échec économique haïtien, c'est dans cette partie de Cuba que se dirigeront les premiers migrants haïtiens au début du siècle dernier.
Plus tard, le sucre est aussi ce qui a sauvé le Cuba socialiste, en le vendant à un tarif plus élevé et stable à l'Union soviétique.
Haïti doit avoir une véritable 'politique cubaine' ...
On se souvient aussi que sous la première présidence de René Préval – 1996-2001 - (qui a été le chef de l'Etat haïtien le plus proche des cercles de pouvoir cubains), ces derniers avaient envoyé des chalutiers pour nous aider à pêcher dans les eaux territoriales haïtiennes richement poissonneuses et qui ne sont moissonnées que par les pêcheurs dominicains, ceux-ci poussant leur audace jusqu'à faire la guerre aux pêcheurs haïtiens dans notre propres espace maritime.
Mais nous ne pouvons pas attendre que Cuba lui-même nous aide dans cette relance de la production agricole que nous envisageons. Il est lui aussi à la recherche d'investissements.
Encore moins du voisin dominicain qui lorgne bien entendu dans la même direction.
Ni des alliés éventuels du grand capitalisme dominicain chez nous.
C'est l'Etat haïtien lui-même qui devrait envisager, et avant pas trop longtemps, une véritable 'politique cubaine'.
Nous avons la main d'œuvre ainsi que les terres ...
Tout comme il doit avoir existé une véritable 'politique haïtienne' à Santo Domingo, pour attirer la main d'œuvre haïtienne dans la construction de l'industrie touristique dominicaine, doublée d'une production maraichère appropriée et entièrement alimentée par des petits agriculteurs haïtiens attirés de l'autre côté de la frontière par toutes sortes d'incitatifs. Pour être aujourd'hui chassés parce qu'on n'en a plus besoin.
Mais ce sont, espérons-nous, ces mêmes compatriotes qui viendraient refaire la même expérience, cette fois dans leur pays. A destination du miracle touristique cubain.
Mais l'Etat haïtien est seul en mesure de prendre en main une tâche de cette ampleur.
Nous avons la main d'œuvre. Nous avons les terres inoccupées.
Il manque une volonté nationale.
On y reviendra.
Haïti en Marche, 7 Août 2016