Le Cap Haïtien ne va pas trop mal !
CAP-HAITIEN, 29 Juin – La ville de tous les projets, bien qu'elle n'en sache rien. Ou si peu. Trop occupée à gagner sa vie, la 2e ville d'Haïti, le Cap-Haïtien se trouve au centre de beaucoup d'activités ainsi que de préoccupations.
Appel d'offres lancé pour la rénovation de l'ancien port international, avec un financement de l'aide américaine (USAID), en même temps que l'on est soucieux que son emplacement ne vienne faire obstacle au projet de 'couloir touristique' envisagé avec la collaboration de la Banque mondiale.
Autre projet de nature à relancer la machine économique locale, c'est l'éventualité de la construction d'un téléphérique pour transporter les centaines de croisiéristes de Labadie (importante escale de la Royal Caribbean) vers l'attraction numéro un d'Haïti et de toute la région Caraïbe, la Citadelle Christophe.
On a compris que le projet initial par la route, même avec une voie conçue spécialement à cette fin, prendrait deux heures à l'aller et deux au retour, donc trop étant donné que le paquebot le plus grand du monde (comme l'Oasis of the Seas) ne reste jamais 24 heures au même endroit.
Cependant le temps presse car qui oserait manquer la Citadelle.
La '8e merveille du monde' ...
Un frisson vous parcourt à peine avez vous mis les pieds dans l'ensemble constitué du palais Sans Souci, de la partie boisée que l'on grimpe (plus facilement grâce à une route en pierre de taille réalisée aux bons soins de l'USAID) pour déboucher au pied de la '8e merveille du monde', la Citadelle Christophe.
A moins d'y avoir été ces derniers mois, vous découvrez pourquoi l'héritage de Henry 1er a été élevé au titre de Patrimoine de l'humanité.
D'autant plus quand on est flanqué de deux guides comme Patrick Durandis, le directeur de l'ISPAN (Institut de protection du patrimoine national) et l'archéologue et ex-ministre de la Culture, Eddy Lubin.
On ne finit pas de parcourir dans tous les sens ce 'cuirassé de pierre', pour citer Césaire ('La Tragédie du Roi Christophe'), cette multitude de bouches à feu enlevées à toutes les armées étrangères qui ont essayé de maintenir l'esclavage sur cette terre (anglais, espagnols, français etc), tourelles, meurtrières, ponts levis, les uns réhabilités (jusqu'ici $14 millions dont au moins la moitié fournie par l'Etat haïtien), les autres qui attendent de l'être. Grâce au PAST (Projet de Préservation du Patrimoine et d'Appui au Secteur Touristique) avec la coopération de la Banque mondiale et de l'UNESCO.
Et ce sera un Big one ...
Avec aujourd'hui une préoccupation principale : le sort de la Citadelle en cas d'un séisme.
Les experts sont presque sûrs que ce sera un Big one ...
Le dernier en date, en 1842, avait détruit l'ex-résidence du Roi Christophe, le palais Sans Souci, mais surtout totalement la ville du Cap-Haïtien ensevelissant plusieurs milliers d'âmes.
La deuxième ville d'Haïti avait mis 30 ans à se reconstruire. Et pareille qu'avant.
La résilience des Capois se mesurant aussi par leur attachement sans faille à leur histoire qui se reflète depuis plusieurs siècles dans l'architecture de la ville.
Face à l'expédition navale envoyée par Napoléon en 1802 pour rétablir l'esclavage, le général Christophe, commandant de la ville du Cap (à l'époque le Cap Français) préféra y mettre le feu comme le lui avait ordonné son chef, le Gouverneur Toussaint Louverture.
La ville devait se rebâtir déjà sur le même canevas qu'avant.
Une course contre la montre ...
Cependant aujourd'hui on craint que le Cap ne redevienne plus ce qu'il était en cas d'une aussi terrible catastrophe.
Parce que l'autre pilier de son histoire unique ce sont les Capois eux-mêmes. On est Capois de père en fils et pour toujours.
Or ici également les masses poussées par le profond déséquilibre entre la ville et les campagnes ont envahi littéralement le chef-lieu du Nord.
A l'origine destiné à une population de quelque 10.000 personnes, le Cap-Haïtien en abrite aujourd'hui près d'1 million.
Tout comme la capitale, Port-au-Prince, qui a été construite pour 30.000 âmes mais en renferme aujourd'hui 3 millions au centre ville.
Et avec des infrastructures qui n'ont pas tellement évolué.
Les dirigeants de l'ISPAN et autres urbanistes, locaux et étrangers, disent être engagés dans une véritable course contre la montre avec les maux de la surpopulation et ses conséquences (amoncellement de déchets, résidences construites sur des canaux d'écoulement qui provoquent régulièrement des inondations partout en ville, déboisement dans les hauteurs environnantes etc).
Mais avec la différence que le Capois n'a pas perdu le goût de vivre. La ville est sympa. Le nouvel aéroport international brille de tous ses feux. Pendant cette période des vacances scolaires, des familles entières (y compris les petits Capois vivant en diaspora) envahissent les crémeries.
C'est chouette !
Haïti en Marche, 29 Juin 2016