PORT-AU-PRINCE, 30 Septembre – Deux manifestations (et même trois) ont gagné les rues de la capitale haïtienne ce lundi 30 septembre 2013.
Motif : commémorer le 22e anniversaire du coup d’état du 30 septembre 1991 qui avait renversé, dans un déluge de feu et de sang, le premier président élu démocratiquement de l’ère post-Duvalier, Jean-Bertrand Aristide.
L’une des trois manifestations, à l’actif d’organisations proches du pouvoir en place, dont le très anti-Lavalas Conasovic, et son animateur Rosemond Jean, et surtout le mouvement dit des militaires démobilisés auxquels le président Michel Martelly a promis la reconstitution des ex-Forces armées d’Haïti - est partie de la place Jérémie et a suivi un parcours bien délimité sous la protection des forces de police.
Tandis que les deux autres manifestations, toutes les deux anti-gouvernementales, convergeaient d’un commun accord vers le périmètre du palais présidentiel.
Une branche partie de l’église Saint Jean Bosco, au bas de la ville, et conduite par la Fondation 30 Septembre, Molegaf, Fopak et autres organisations populaires.
L’autre branche a pris son départ de Radio Tele Kiskeya, ruelle Vilmenay, sous la houlette du Mopod, un rassemblement de partis politiques.
Arrivés au Champ de Mars, où se trouve le siège de la Présidence de la République, les deux groupes se sont fusionnés et ils étaient alors plusieurs milliers qui se sont heurtés aux unités spécialisées de la Police nationale disposées en rangs serrés.
Ceux-ci forcés de reculer sous le nombre, ont utilisé les gaz lacrymogènes. Spécialement au niveau de la Faculté d’Ethnologie dont les étudiants avaient de leur côté commencé à jeter des pierres aux policiers.
Mais la police ne s’est pas arrêtée là. Elle avait une stratégie bien étudiée pour affronter les manifestations de l’opposition ce 30 septembre.
Une stratégie style guérilla. Les policiers lourdement équipés attaquent de plusieurs côtés à la fois. Cela pour arriver à fractionner le défilé et l’empêcher de se regrouper pour redevenir la multitude espérée. Partis plusieurs milliers, après son passage au Champ de Mars, la manifestation s’est retrouvée divisée en petits groupes de quelques centaines et n’a pu reconstituer la puissante vague qui devait déferler vers le parlement au Bicentenaire (au bas de la ville).
La stratégie semble avoir réussi. Mais avec deux conséquences.
1) La police nationale s’est mouillée complètement. Même si elle avait apparemment reçu l’ordre d’éviter trop d’excès (pas de morts, pas de mises en détention – en tout cas qui nous aient été rapportées sur le champ, peut-être un blessé du côté de la Faculté d’Ethnologie), cependant la police nationale, institution constitutionnellement indépendante, a sciemment mis fin à une manifestation de l’opposition. Car elle ne s’est pas limitée à protéger le palais national, mais a poursuivi son harcèlement jusqu’au bas de la ville pour casser la dynamique du mouvement.
2) Le pouvoir Martelly a pris la décision de descendre dans les rues pour affronter son opposition en télécommandant sa propre manifestation, la présence des militaires dits démobilisés parle d’elle-même.
Non seulement une telle démarche met un gouvernement dans l’obligation d’accepter, qu’il le veuille ou non, toute dérive qui peut résulter de cette confrontation voulue …
Mais cette stratégie n’a jamais été favorable jusqu’ici aux gouvernants. Même au pouvoir Lavalas, comme 2004 en témoigne …
Pour finir, comment le président Michel Martelly peut-il continuer de promouvoir le dialogue en visitant des leaders politiques, y compris ceux de l’opposition, en même temps qu’il confronte la même opposition dans les rues en y faisant descendre ses propres troupes (oui troupes, entendez les militaires démobilisés) et utilise les forces policières pour disperser les moindres mouvements de cette opposition (comme un récent sit-in).
Enfin, quelle est la politique du gouvernement ? Bien entendu, la réponse ne va pas tarder après ce 30 septembre. Pour l’opposition, Martelly sème la confusion car son objectif n’est autre que d’établir un pouvoir sans partage ou dictature.
Or il n’est pas sûr que le pouvoir actuel ait les moyens d’y parvenir non plus. Loin de là.
Alors la fin de l’instabilité n’est pas pour demain !
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince