PORT-AU-PRINCE, 23 Novembre – En France ou au Canada, pays pratiquant le système démocratique, quand le chef de l’Etat (président de la république en France, et au Canada premier ministre) est en proie à une forte contestation comme l’est aujourd’hui le président haïtien Michel Martelly, et que sa légitimité peut finir par laisser à désirer (car il n’y a point en démocratie de ‘sacralisation’ de la fonction présidentielle que ce soit), on convoque simplement de nouvelles élections.
A ce sujet, la Constitution française est celle dont nous nous rapprochons le plus. Le chef de l’Etat, quand il s’avère que la politique gouvernementale passe mal dans la population, doit convoquer de nouvelles élections. Si sa majorité est reconduite, il choisit le premier ministre dans son propre camp. Si c’est l’opposition qui remporte les élections, il doit choisir le chef du gouvernement dans les rangs de l’opposition.
Elémentaire !

Le blocage politique …
En France ce procédé aujourd’hui classique a pour nom l’alternance. L’alternance démocratique.
Celle-ci a pour qualité première de permettre au président élu d’accomplir jusqu’au bout son mandat, comme le souhaitent aujourd’hui Michel Martelly et ses ‘fans’, mais en même temps de faire disparaitre le blocage politique. Du moins sous sa forme institutionnelle.
Tandis qu’aux Etats-Unis, le second mandat du président Barak Obama est menacé d’être saboté par une opposition farouche et perpétuelle de ses adversaires Républicains majoritaires à la Chambre des représentants.
L’alternance a été pratiquée sans difficulté sous presque toutes les dernières présidences en France : François Mitterrand avec un premier ministre de droite (tantôt Chirac, tantôt Balladur), le président Jacques Chirac avec un chef du gouvernement socialiste, Lionel Jospin. Etc.


Constitution en vigueur …
En Haïti nous ignorons l’alternance, alors même qu’elle est inscrite dans la Constitution en vigueur.
‘Article 137 : Le Président de la République choisit un Premier ministre parmi les membres du parti ayant la majorité au Parlement.’
Si c’est l’opposition qui, après les élections parlementaires, détient la majorité, le Premier ministre doit être choisi par le Chef de l’Etat dans les rangs de l’opposition.
Comme en France dans tous les cas sus-cités.
Par exemple encore aujourd’hui un président François Hollande, avec une cote de popularité en chute libre, peut se retrouver bientôt en situation d’alternance.

Comme une peau de chagrin …
Or en Haïti c’est ce qui ressemble le plus à la situation que nous traversons en ce moment. La contestation contre le président Michel Martelly ne cesse de grossir. Son pouvoir est accusé à la fois de grosses violations ainsi que de partisannerie. La légitimité présidentielle est en train de se réduire comme une peau de chagrin. On sent parfois le président au bout du rouleau. Tandis qu’en face les appels à la démission s’enhardissent de plus en plus.
Cela en même temps que aucun de nous ne peut ignorer qu’une fin de mandat précipitée, comme on l’a vécu particulièrement en 2004, ne fait qu’affaiblir davantage le pays. Y compris, et surtout, au niveau de sa souveraineté nationale. Ce fut l’arrivée de la Mission onusienne de maintien de la paix (Minustah), avec tous les déboires que l’on sait. En tout cas, le bilan de cette dernière demeure très controversé.

L’occasion idéale …
Alors que si la Constitution haïtienne ne prévoit pas la convocation par le président de la République de nouvelles législatives, mais celles-ci sont dues depuis déjà longtemps (novembre 2011). Aussi leur tenue prochaine constitue l’occasion idéale pour commencer à dénouer cette situation, à lever le blocage.
En un mot la seule solution raisonnable à la crise actuelle c’est l’alternance.
Un président Martelly dirigeant avec un chef du gouvernement qui a la confiance de la majorité parlementaire. A défaut d’en être lui-même issu.

Le hic ! …
Alors pourquoi pas ?
Oui, mais il y a un hic : les élections. Quelle confiance faire aux élections en Haïti ?
En même temps que c’est un passage obligé. Aussi pas étonnant que c’est à ce tournant que tout se situe. L’opposition accusant le président de vouloir s’approprier la machine électorale. Martelly manœuvre pour avoir un homme à lui à la présidence du conseil électoral. Il tente aussi d’avoir en main la direction de l’institution (constitutionnellement indépendante) en voulant remplacer la fonction de directeur administratif par celle de directeur général. Parce que, constitutionnellement, c’est le chef de l’Etat qui nomme les directeurs généraux. Etc.
Finalement on l’accuse d’avoir autant laissé trainer la tenue des sénatoriales partielles pour que le second tiers du Sénat (30 membres) arrive également en fin de mandat. De cette façon, fort de son contrôle sur la machine électorale, il se donne plus de garantie d’avoir une majorité en sa faveur après les législatives.
Et de continuer sa présidence comme il l’entend.

L’alternance pas possible …
Mais en face le président n’a pas les moyens de mettre fin à la grogne. Et ses adversaires ne sont pas nés d’hier. C’est le moins qu’on puisse dire. Pour l’instant !
En un mot, l’alternance qui seule peut nous aider aujourd’hui à éviter le pire, n’est pas possible.
Même garantissant que le président de la République ira jusqu’au bout de son mandat.
Et que l’opposition devra mettre fin à ses criailleries puisque désormais à pied d’œuvre.
Comme en tout pays qui se veut démocratique …

La politique source d’enrichissement personnel …
Mais chez nous tout ceci n’est qu’un rêve parce que le concept de partage du pouvoir n’existe pas sous nos cieux.
Plus précisément parce que la politique est d’abord une source d’enrichissement personnel !
Et l’international n’aide pas non plus qui ne défend que ses billes. Prenant ouvertement partie pour un camp contre l’autre.
Mais nous sommes le dernier et seul pays du continent où il détient encore cette possibilité. Haïti, le dernier des ‘banana republics.’

Haïti en Marche, 23 Novembre 2013