JACMEL, 18 Janvier – Le festival de Jazz de Port-au-Prince c’est toujours la même chose mais c’est jamais pareil.
C’est toujours la même musique, le jazz étant une infinie improvisation comme cet air bien connu ‘Musique sur une seule note’, mais c’est chaque année des groupes venant d’horizons divers, cette année deux très grands : le nouvel-orléanais Branford Marsalis et le camerounais Richard Bona.
Mais ce ne sont pas les plus célèbres qui font toujours la surprise comme ce quatuor allemand (Timo Vollbrecht, saxophoniste) qui a introduit le public à des sonorités bien nouvelles, du moins très singulières.
Ce sont toujours des groupes locaux qui en profitent soit pour se révéler, soit pour jouer devant un public au-delà de leurs fans habituels, mais c’est aussi cette année la révélation d’un véritable orchestre de jazz qui couvait derrière la façade de la fondation Dessaix-Baptiste à Jacmel (Hugues Leroy Jazz Ensemble) plus connue pour sa fanfare d’airs classiques.
PORT-AU-PRINCE, 25 Janvier – La France vient d’obtenir la libération et le rapatriement immédiat de Florence Cassez qui a été reçue à Paris comme une héroïne, particulièrement dans les milieux de l’establishment (présidence de la République, secteurs politiques, presse etc).
La Française vient de tirer 7 années de détention au Mexique où elle avait été condamnée à 60 ans de prison pour complicité dans des actes d’enlèvement commis par son amant mexicain.
Toutefois un sondage paru dans un grand quotidien de Mexico montre que 7 Mexicains sur 10 considèrent sa remise en liberté comme un arrangement politique entre la France et le Mexique et que ce dénouement prouve uniquement qu’il n’y a pas de justice au Mexique pour ceux n’ayant pas de relations de pouvoir ou de fortune.
Deux présidents français successifs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, n’ont pas ménagé leurs efforts pour arracher Florence Cassez aux geôles mexicaines.
En effet c’est devenu comme un point d’honneur pour la France : rapatrier ses ressortissants détenus à l’extérieur.
Ce n’est le cas, par exemple, ni pour les Etats-Unis, ni pour le Canada. Une Canadienne emprisonnée pour drogue, menaçait encore récemment de faire la grève de la faim dans la prison pour femmes à Port-au-Prince.
Rappelons-nous les jeunes missionnaires américains détenus en Haïti au lendemain du séisme de janvier 2010, sous une suspicion de trafic d’enfants.
Le dossier fut monitoré à distance par la diplomatie américaine avec les autorités haïtiennes. De façon à éviter toute évidence de pression.
Voire de triomphalisme comme la France. L’année dernière un ministre de Sarkozy vint personnellement récupérer deux jeunes Françaises qui avaient été détenues en République dominicaine pour trafic de drogue.
FURCY, 15 Février – Les photos du carnaval du Cap-Haïtien sont plutôt pauvres en signification. Des chars musicaux et quelques groupes de danseurs sans plus.
Mais pas de ‘bèf’ (bœufs), ni d’indiens – de Caonabo, Cotubanama ou du Xaragua, pas de morts-vivants (‘vivi griyen dan’), pas de monstres, pas de Choucoune, pas de loups-garous, pas de ‘mèt kalfou’, pas de ‘tresser rubans’. Même pas une ‘la maillote’. Bref, où est le patrimoine culturel, où est le passé historique joliment rendu avec humour qui est le propre du carnaval haïtien ?
Le carnaval dit décentralisé, à sa deuxième édition, semble avoir déjà vécu. Même quand le public se déchaine, même quand c’est, comme on dit, succès plus foule, il n’empêche ce n’est pas ça le carnaval. Et avant peu de temps il n’en restera rien qui ressemble de près ni de loin à un carnaval. Sauf à prendre le mot dans son sens le plus péjoratif. Une affaire sans aucun sens.
Un étalage croustillant …
Car partout le carnaval c’est un héritage culturel accumulé au cours des ans, au fil des siècles. A Venise on ne saurait remplacer le masque de Casanova par celui de Superman. Ni à la Nouvelle Orléans la trompette de Louis Armstrong ouvrant le défilé à travers les rues du Vieux quartier - par la musique Nu Jazz de Berlin.
A Rio, la danse samba est apprise très tôt aux tout petits.
A Jacmel ce sont les monstres en papier mâché remontant aux temps les plus anciens.
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PORT-AU-PRINCE, 24 Février – On ne peut ne pas ressentir une certaine gêne quand des élus se réfèrent aux pères de la patrie (Haïti est indépendante depuis 1804, la première nation noire qui ait acquis sa liberté par les armes et issue directement de l’esclavage) pour des considérations économiques très actuelles.
Idem dans les conversations en ville, principalement dans les milieux intellectuels. C’est touchez pas à mon patelin ! Touchez pas à nos trésors (minerais d’or, cuivre et même uranium - car il n‘est pas interdit de rêver) dont notre sous-sol soudain abonde.
Pourtant le président équatorien, Rafael Correa, économiste, âgé de 49 ans, vient d’être réélu massivement pour un troisième mandat de 4 ans.
Principal titre de gloire : il a sorti l’Equateur du marasme économique en utilisant à bon escient les ressources minières du pays – qui a aussi un peu de pétrole.
Son homologue bolivien, Evo Morales, tente de faire de même.
Le Cubain Raul Castro, idem.
Ne parlons pas du Chili dont l’exportation du minerai de cuivre est la principale source de revenus.
Le Chili a passé un contrat avec la Chine d’un montant de plus de 1,3 milliard de dollars l’an garantissant à cette dernière une livraison stable de cuivre chilien.
Haïti exportait aussi du minerai de cuivre (SEDREN - Gonaïves) ainsi que de la bauxite (minerai d’aluminium) à Paillant, dans les hauteurs de Miragoane (Nippes).
Mais la SEDREN ainsi que la Reynolds Mining ont fermé après épuisement des sites dans les années 1970.
Vint ensuite une longue période où l’on entendit que les ressources minières ne font pas de prix.
PETITE RIVIERE DE NIPPES, 2 Mars – Jean Claude Duvalier avait quelques réponses fin prêtes dont le fameux : ‘qu’avez-vous fait de mon pays ?’
Et il précise : ‘pendant mon gouvernement tout n’était pas rose mais il y avait moins d’insécurité et moins de misère.’
Cette déclaration devait probablement constituer l’arme secrète pour le conseil de défense de l’ex-dictateur qui comparaissait le jeudi 28 février écoulé devant la cour d’appel de Port-au-Prince pour répondre d’accusations de crimes contre l’humanité (arrestations et détentions arbitraire, disparitions, exécutions extrajudiciaires, massacres, bref tout ce qui constitue la panoplie des crimes du duvaliérisme) ainsi que de détournement de fonds publics. Au moins 100 millions de dollars emportés dans ses bagages au moment de son renversement par un mouvement populaire le 7 février 1986.
‘Je serai en droit de dire à mon tour : qu’avez vous fait de mon pays ?’ s’écrie l’inculpé avec à proximité son égérie (et probablement souffleuse) Véronique Roy.
Donc c’était le prix à payer avec ces dizaines de milliers de morts, disparitions et tristes départs pour un exil sans retour enregistrés pendant les trente années du régime le plus sanguinaire de l’histoire récente du continent.
Mépris de la vie de ses compatriotes …
Jean Claude Duvalier dévoile ici son mépris de la vie de ses compatriotes. Il ne pouvait en être autrement puisque c’était là la force du régime. A la moindre alerte, exécuter toute une famille (les Sansaricq, les Benoit, les Bajeux) ou tout un village (Cazale).
Jean Claude Duvalier n’a jamais entendu parler de Fort Dimanche sinon que comme une prison pour délinquants et trafiquants de drogue.