Arnel Joseph ou l’homme qui en savait trop !
MIAMI, 26 Février – Arnel Joseph, le puissant chef de gang haïtien, a été abattu vendredi alors qu’il roulait à moto sur la route de Lestère (Artibonite), au nord de Port-au-Prince, la capitale.
Il s’était échappé seulement la veille, le jeudi 25 février 2021, du principal pénitencier du pays, la prison civile de la Croix des Bouquets (au nord de Port-au-Prince), lors d’une évasion qui a fait 25 morts, dont 6 prisonniers et les autres des membres de la population civile vivant dans le voisinage du centre de détention, mais où a aussi perdu la vie le directeur principal de la prison, l’inspecteur de police Paul Joseph Victor.
Outre quelque 400 détenus qui ont réussi à s’échapper.
Arnel Joseph, qui a été le chef de gang le plus recherché d’Haïti jusqu’à son arrestation, le 22 juillet 2019, dans un hôpital du sud du pays (Bonne Fin, près des Cayes) où il était soigné pour des blessures après un affrontement avec les forces de l’ordre - était resté apparemment puissant même en prison. Il avait tenté une première évasion, qui fut ratée. Mais il pouvait faire circuler de sa cellule des vidéos où il promettait à ses complices qu’il ne fera pas long feu derrière les barreaux. Sachant bien soigner son mythe, on le croyait même actif dans la campagne de kidnappings qui bat son plein dans le pays (près d’une dizaine d’enlèvements par semaine), mais c’est justement cette épidémie de kidnappings qui est derrière sa brutale élimination alors que depuis près d’une semaine deux techniciens d’une compagnie cinématographique dominicaine étaient gardés prisonniers quelque part dans la capitale haïtienne, sans aucune nouvelle d’eux ; or le nouveau président dominicain, Luis Abinader, a mis un point d’honneur à les ramener dans leur pays sains et saufs.
Voici l’administration du président haïtien Jovenel Moïse le dos au mur parce que depuis plusieurs mois que dure cette série noire d’enlèvements contre rançon dont aucune partie de la population n’est exempte, les pouvoirs publics sont restés quasiment impuissants, si ce n’est indifférents.
De là à penser que les gangs sont au service du pouvoir en place qui alimenterait ainsi l’insécurité pour accomplir ses sombres desseins, il n’y a qu’un pas qui a été vite franchi. Cela venant aussi alimenter les réclamations de l’opposition pour que Jovenel Moïse tire sa révérence parce que son mandat, selon un article 134-2 de la Constitution de 1987 amendée, s’est achevé le 7 février 2021.
Cependant la communauté internationale, y compris la nouvelle administration américaine avec l’arrivée à la Maison Blanche du démocrate Joe Biden, ne l’entend pas ainsi et propose que Jovenel Moïse reste en poste, selon une autre lecture de la Constitution, jusqu’au 7 février de l’année prochaine - mais pour accomplir essentiellement les élections, d’abord législatives qui sont en retard de plus d’une année, puis les présidentielles.
La nouvelle administration américaine essaie de mettre la pression ; en même temps pour que le président haïtien cesse son programme de gouvernement par décret ainsi que les révocations et nominations illégales de juges constitutionnellement inamovibles, tout comme ses persécutions contre les opposants, entre autres contre la presse.
Alors que jusqu’ici l’administration Trump laissait faire, n’accordant comme quoi aucune importance à ce qui se passe en Haïti, Jovenel Moïse lui garantissant le vote unilatéralement de notre pays (devant les instances internationales) entre autres dans sa guerre contre le Venezuela de Nicolas Maduro.
Et si ‘l’on’ avait facilité l’évasion de Arnel Joseph uniquement pour se débarrasser de lui ...
Mais le suspense autour du kidnapping des deux ressortissants dominicains, dont on est (était) sans nouvelles depuis le samedi 20 février, est venu mettre le feu aux poudres, étant donné les pressions exercées par la République Dominicaine voisine exigeant la libération sans conditions de ses deux ressortissants … et l’impossibilité où semble se trouver le pouvoir haïtien pour y parvenir.
Au point que la rumeur a couru après l’évasion de jeudi que c’est le gouvernement qui l’a lui-même provoquée, dans un deal caché avec les gangs en échange de la remise en liberté des deux Dominicains.
Peut-être que Arnel Joseph l’a cru aussi !
Selon certaines agences locales d’informations, le célèbre évadé était attendu devant le pénitencier de la Croix des Bouquets - le centre de détention le mieux protégé du pays (mais qui n’est malgré tout pas à sa première histoire d’évasion) - par un commando qui l’a immédiatement conduit loin des lieux alors que d’autres détenus tentant aussi de fuir, ont été ou rattrapés ou abattus.
L’événement a fait au moins 25 morts dont le directeur général du centre carcéral, l’inspecteur de police Paul Joseph Victor.
Cependant la liquidation du fameux chef de gang, dès le lendemain (vendredi 26 février), alors qu’il filait sur la route de l’Artibonite parait-il vers une autre base de bandits qu’il fréquentait auparavant (et dénommée ‘400 Mawozo’), elle aussi bien connue des forces de police - vient changer totalement cette première interprétation …
Et si ‘l’on’ avait facilité au contraire l’évasion de Arnel Joseph uniquement pour se débarrasser de lui. Comme ce titre bien connu d’un film de gangsters : ‘L’homme qui en savait trop.’
C’est connu dans l’histoire du grand banditisme, du moins à l’écran, qu’un caïd devienne gênant et se fasse abattre par ses propres complices - mais après avoir trompé sa vigilance vu la sûreté de ses instincts, la précision de ses réflexes.
Arnel aurait rendu pas mal de ‘services’ aux actuels dirigeants …
En effet, une autre légende qui a toujours couru autour du personnage abattu vendredi par une patrouille alors qu’il filait à moto dans la plaine de l’Estère, Artibonite : c’est qu’il avait rendu pas mal de ‘services’ aux actuels dirigeants, de certains puissants sénateurs membres du parti au pouvoir (PHTK / Pati Ayisyen Tèt Kale) jusque, dit-on, au président de la République lui-même, Jovenel Moïse.
C’est ainsi que conduit il y a quelque temps devant le juge d’instruction, Arnel Joseph aurait menacé, comme on dit, de se mettre à table c’est-à-dire faire des révélations.
On se souvient aussi après son arrestation de certaines données concoctées sur son téléphone portable autour de relations spéciales entretenues avec un sénateur Gracia Delva (élu de l’Artibonite, natif comme Arnel Joseph de Marchand-Dessalines), qui l’aurait aussi embrigadé, selon une certaine rumeur, pour un jour jeter le trouble lors d’une manifestation de l’opposition - Arnel avait soudain fait irruption dans les rues de la capitale à la tête de ses hommes armés jusqu’aux dents jetant la panique, ce que l’opposition considéra comme une tentative de sabotage de la part du pouvoir en place.
Etc.
La suite au prochain épisode ! …
Mais alors pourquoi ne pas l’avoir laissé pourrir - pour ne pas dire mourir en prison, quitte à l’aider en cela ? Pardon, mais n’oubliez pas que nous évoluons aujourd’hui en Haïti dans le monde de la pègre et qu’il ne s’agit plus d’une histoire d’enfant de chœur ! La preuve étant désormais faite que Haïti aujourd’hui est totalement aux mains de la grande mafia …
Mais malgré tout, faut-il abandonner tout optimisme, tout espoir ? Et si c’est le vent lui-même qui avait commencé à tourner, et si l’élimination brutale et dans cette mise en scène digne des plus flamboyants Al Capone et de la série Godfather - Le Parrain, c’était un message destiné à tous les gangs de la république, y compris le fameux ‘G-9 et alliés et famille’ dont plusieurs représentants des pays membres du Conseil de sécurité des Nations Unies ont exigé, le lundi 22 février dernier, la tête de ses principaux chefs, dont le non moins fameux Jimmy Chérizier, alias Barbecue (surnom désignant le traitement qu’il réserve probablement à ses victimes !) au président Jovenel Moïse lors d’une réunion spéciale consacrée à la crise politique en Haïti ?
Il ne reste donc que d’attendre, ou puisqu’il s’agit de polar ou roman policier ou grand banditisme, alors comme on dit plutôt :
La suite au prochain épisode !
Marcus Garcia, Haïti en Marche, 26 Février 2021