PORT-AU-PRINCE, 9 Février – Les kidnappings s’enchainent désormais à un rythme fou. Et quotidien. Deux, trois, cinq enlèvements à la capitale par jour. Si ce n’est plus.
L’Etat n’a aucun commentaire. Le public n’a aucune explication.
Seule la rançon dont, entend-on, le montant peut varier. Les kidnappeurs acceptant de fixer leurs exigences au niveau des possibilités de leur otage – ou de leurs otages. Ils affecteraient plus souvent aussi un comportement de gentleman. Comme dans les films d’autrefois : le ‘gentleman cambrioleur’. Comme qui dirait le kidnapping qui devient tout à fait une profession. Comme qui dirait des citoyens qui auraient décidé que c’est la dernière façon qu’il leur reste pour s’enrichir. Et vite car on est en pleine crise économique.
Mais plus sérieusement qui sont les auteurs de cette vague de kidnappings en série et sans précédent ?
PORT-AU-PRINCE, 18 Février – Lorsqu’un pays a une seule force autorisée à porter des armes c’est un grand risque parce que cela nous ramène 70 ans en arrière et si cette force décide d’entrer en rébellion c’est ou le coup d’état comme en 1950 avec un certain major et futur président de la République nommé Paul Eugène Magloire, ou la formation comme en 1960, d’un corps parallèle mais non constitutionnel comme celui des Tontons macoutes par François Duvalier.
Mine de rien le mouvement de rébellion amorcé par les policiers dits syndiqués de la Police nationale d’Haïti (PNH) nous fait revenir aux moments les plus dramatiques vécus dans notre histoire nationale.
Evidemment si l’on s’enferme dans l’actualité, si on le voit comme un simple chapitre ou épiphénomène de la crise politique qui fait rage depuis plusieurs mois, et qui se caractérise par une succession de coups de théâtre qui révèlent plutôt une crise plus profonde que celle vécue par nos politiciens qui le plus souvent ne voient pas plus loin que le bout de leurs intérêts individuels, la réclamation du droit de se syndiquer par nos policiers paraît normale et presque sympathique.
‘Nous avons des devoirs mais nous avons aussi des droits’ disent les pancartes portées encore ce lundi 17 février dans les rues de la capitale par plusieurs dizaines de policiers et de policières comme on dit aussi aujourd’hui et présence de ces dernières destinée probablement à rendre la cause encore plus sympa.
Oui mais annoncée comme une manifestation ‘pacifique’ (soulignez), la virée se termina devant l’Inspection Générale de la Police Nationale, sise à Pétionville, banlieue de la capitale, dans une pétarade de coups de feu tirés par les policiers eux-mêmes. Comme des feux d’artifice pour fêter on ne sait quoi …
Mais ce n’est pas tout. Quelques minutes plus tard seulement, les estrades dressées au Champ de Mars pour le carnaval national le week-end prochain (du dimanche 23 au mardi 25 février) étaient incendiées jusqu’à ras sol.
Les auteurs de ces actes portaient, parait-il, des masques (cagoules), cependant lors de leur marche les policiers auraient indiqué qu’ils n’accepteront pas l’organisation du carnaval si on ne leur donnait pas d’abord satisfaction.
La Direction Générale de la Police Nationale maintient que les règlements généraux de l’institution interdisent la formation de structure syndicale dans son sein.
On comprend mais si l’on considère la Police nationale comme ce qu’on appelle : un corps sous les drapeaux. C’est-à-dire devant être toujours de service, prêt à accomplir toutes sortes de tâches pour le bien de la Nation.
JACMEL, 14 Mars – A Jacmel le samedi 14 mars, funérailles quasiment solennelles.
Pour un fils de la ville (capitale du département du Sud-Est), Jacques Jean Pierre, décédé à l’âge de 56 ans après de bons et loyaux services dans différents domaines : radiodiffusion, sports, éducation (il appartient à la première promotion, celle de 1985, du Collège Alcibiade de Pommayrac et était proche de la créatrice de ce joyau de l’instruction à Jacmel, Mme Véronique Rossillon, riche française, morte en 2018.
Jacques Jean Pierre est suivi par une foule de plus d’un millier de jeunes et moins jeunes.
Tiens, plus d’un millier de personnes réunies au même endroit, c’est unique ce 14 mars 2020 alors que partout dans le monde, de l’Italie à l’Iran, de la France à New York (USA) sont interdits des rassemblements même de 100 personnes.
A New York, le vénérable Metropolitan Museum fermé (le maire Bill de Blasio a déclaré sa ville en ‘state of emergency’, c’est plus encore que notre ‘état d’urgence’, oui le Big Apple, ‘la ville qui ne dort jamais’) … tandis que le président français Emmanuel Macron ordonne aux écoles, garderies, collèges et universités de rester fermés aussi pendant les prochains quinze jours.
Macron veut adopter une politique, dit-il, au cas par cas contrairement à la Chine qui a mis toute une province (Hubei, capitale Wuhan) en quarantaine pendant un mois entier.
Avec pour conséquence qu’en Chine l’épidémie serait en perte de vitesse.
En tout cas seul le résultat final qui dira quelle aura été la meilleure méthode.
Y compris le président Donald Trump qui a l’air d’un chien dans un jeu de quilles, c’est-à-dire qui semble manier la hache alors que d’autres choisissent le scalpel.
En effet, la décision américaine d’interdire l’entrée aux Etats-Unis à tous les ressortissants européens sans distinction, en même temps qu’on demande aux citoyens américains (ainsi qu’aux résidents légaux) de rentrer immédiatement chez eux comme si le monde entier allait s’écrouler et qu’il ne resterait que les Etats-Unis d’Amérique, eh bien les dirigeants de l’Union européenne n’en reviennent pas. Mais alors pas du tout.
De Miami à Montréal, on nous apprend que la veille, hier vendredi 13 mars, les ‘shoppings centers’ ont été dévalisés …
La peur que soit ordonné également la fermeture de tous les magasins.
La peur de ne plus pouvoir sortir de chez soi. ‘Tutti en casa’.
La vénérable NBA, l’association américaine de basket-ball, renvoyant tous ses matches, impensable pour un aficionado de quelque pays que ce soit !
Eh bien, vous l’avez dit. Cela a un nom : Coronavirus.
Le nouveau mal qui répand la terreur.
Partout. Sur tous les continents.
Mais, tenez-vous bien : partout, sauf en Haïti.
Du moins pas encore à ce point-là.
PORT-AU-PRINCE, 22 Mars – Tout en reconnaissant que l’actuelle épidémie constitue une menace pour tous les pays, sous quelque tropique qu’ils se trouvent, on ne voit les organisations internationales faire aucun geste à notre égard.
Il ne s’agit pas de l’aide appelée chez nous ‘sinistrée’, sous forme alimentaire ou autre ressource d’urgence comme après le passage d’un puissant cyclone, qui nous est traditionnellement attribuée …
Le Coronavirus introduit un élément nouveau où ce sont tous les pays qui sont frappés presqu’en même temps et à commencer par les mieux pourvus, les fournisseurs d’aide habituels qui auraient pour une fois plutôt besoin de l’aide des receveurs traditionnels …
Mais cela ne veut pas dire que ces derniers n’ont pas besoin également d’une assistance : celle des institutions internationales placées à cet effet ; sauf que cette fois il ne s’agit pas d’aide alimentaire ou financière, mais plutôt : comment aider les pays les moins bien équipés dans le domaine médical (technologico-médical) à se préparer à faire face.
Et de ce côté tous s’appliquent à dire que (en Haïti) nous ne sommes pas prêts du tout.
On lit dans la grande presse : ‘Coronavirus : l’OMS appelle l’Afrique à se réveiller face à la pandémie.’
En Haïti la situation est pourtant la même. Et on a l’impression qu’on nous laisse tout seuls face à la même menace.
On lit encore : ‘Même si l’Afrique reste encore peu touchée, l’Organisation Mondiale de la Santé a appelé le continent à se réveiller et à se préparer au pire’ face à la propagation de la pandémie – alors que l’on annonce un mort au Burkina Faso, le premier en Afrique subsaharienne.
En Haïti non seulement nos établissements hospitaliers ne sont pas équipés en conséquence mais nous manquons aussi d’un personnel expérimenté au point que les quelques-uns sur place tendent plutôt à se révolter par peur d’une épidémie qui reste aussi mystérieuse pour eux qu’elle l’est pour le commun des mortels.
Comme on l’a vu la semaine dernière au Cap-Haïtien (Nord).
Panique ou manque de conscience professionnelle ce sont encore des personnels médicaux qui auraient dirigé des voisins à attaquer le professeur de l’Université du Roi Christophe de Limonade (Nord) qui avait invité lui-même à être testé pour le virus.
Or conclusion, le résultat est négatif.
Outre que nous avons en Haïti plusieurs hôpitaux ou du moins établissements hospitaliers importants (Port-au-Prince, Jacmel, Gonaïves etc), construits ou rénovés au lendemain du séisme qui a frappé cruellement notre pays en janvier 2010.
Que faire des 50 millions ?
MIAMI, 28 Mars – Le gouvernement annonce ‘une enveloppe de 50 millions de dollars américains pour combattre la propagation du Coronavirus dans le pays.’
On sait comment cela se passe.
Appel est fait aussitôt aux spécialistes des secteurs public et privé dans la préparation de fausses factures et de commissions rondelettes pour des personnalités n’ayant rien à voir avec les besoins en question et c’est après avoir fait le tour de tous ces ‘pakapala’ que l’on se rappelle la cause qui a fait l’objet du déblocage de ces fonds.
Dès lors brusquement l’eau chlorée et les sceaux à robinet sont facturés à prix d’or et les quelques ‘masques’ remis aux bons soins de l’Hôpital Général ont depuis longtemps abouti sur les rayons des pharmacies qui s’alignent à la rue Mgr Guilloux juste en face.
En Haïti la corruption est endémique, cela veut dire qu’elle baigne tout le système, l’échelle sociale entière, du haut en bas.
Les millions disparaissent à peine ont-ils été annoncés du bout des lèvres, tandis que les quelques bribes restantes sont abandonnées aux sous-fifres qui se battent comme des chiens.
Tenez les fonds d’aide et de reconstruction après le séisme du 12 janvier 2010 : plus de 10 milliards de dollars US, qu’en est-il resté ?
De grosses légumes locales en accord avec des firmes étrangères dans un jeu d’annonces mirobolantes (‘build back better’ ; ‘make Haiti great again’) mais dont il ne restera … totalement rien.
Pour le peuple, des distributions de produits alimentaires jetés du haut de camions surchargés en pleine rue, mais où le vrai peuple ne voit que du feu parce que les mêmes sacs de riz ou autre se retrouvent le même jour sur les marchés publics.
Il y a les trafiquants de millions en haut, qui les font disparaître comme par magie, un petit tour et puis s’en vont (tout droit vers les paradis fiscaux), et en bas les champions de la débrouille, du ‘degaje pa peche’.
En un mot le peuple est habitué et il n’attend rien des 50 millions de $ américains annoncés dans une circulaire portant la signature du Premier ministre Joseph Jouthe.
A moins que l’on décide de s’y prendre cette fois autrement. Oui à supposer que les champions de la dissection des millions, n’aient pas déjà pris la question en main.
Un conseil de personnalités crédibles et issues de différents secteurs …
Dans ce cas, Joseph Jouthe a une chance de ne pas être celui qui aura détruit non pas le Coronavirus, mais au contraire les petits efforts pour barrer la route à la terrible épidémie dans notre pays.
A moins qu’il arrive, comme on dit, à battre le système, celui qui se résume en deux points : en haut des millions transférés avant même d’être annoncés, en bas des gourdes qui ne valent même pas le papier sur lequel elles sont imprimées.