MIAMI, 27 Mai – Si la Montagne ne vient pas à Lagardère, Lagardère ira à la Montagne ou en créole : ‘sa ou mande pou bèl mè w, se manman w li rive.’
Le pouvoir en place en Haïti a récemment fait appel aux ‘grandes ambassades’ contre les policiers en révolte sous le pseudonyme de ‘Fantom 509 ’, ces derniers menacés par le ministre de la justice et de la sécurité publique de les dénoncer par devant certaines ambassades étrangères, il s’agit bien entendu d’interdiction de visa de voyage à l’étranger.
En tête, bien entendu, le consulat des Etats-Unis en Haïti.
De toute l’histoire des gouvernements autoritaires en Haïti (et c’est une constante de notre histoire nationale comme on sait) c’est probablement la première fois qu’un gouvernement s’abaisse à ce niveau de démission de ses pouvoirs régaliens : assurer la sécurité intérieure, quitte à utiliser les moyens les plus brutaux.
Mais aujourd’hui brusque retour des choses. Puisque le pouvoir Jovenel Moïse reconnait lui-même et publiquement qu’il n’est pas en mesure d’assurer la moindre sécurité, donc les Nations Unies ne peuvent faire confiance aux autorités haïtiennes pour celle de leur personnel en Haïti.
D’où cette information en provenance du siège de l’Organisation des Nations Unies à New York : ‘L’ONU demande l’aide de la République dominicaine pour la protection de son personnel en Haïti.’
La nouvelle provient du quotidien dominicain El Nacional, reprise par l’agence locale d’information Vant Bèf Info. ‘L’ONU a fait (cette) demande après avoir souligné que les autorités haïtiennes se sont déclarées incompétentes …’ en effet !, y compris dans la lutte contre l’épidémie du nouveau coronavirus en ce qui concerne (soulignent El Nacional et Vant Bèf Info) les villes frontalières entre les deux républiques (Ouanaminthe, Belladère, Anse à Pitre).
Cela à l’heure aussi (soulignons-le) où des photos de drone montrent comment les gangs lourdement armés (en l’occurrence au Pont Rouge, entrée nord de la capitale haïtienne) se déploient en bon ordre comme des forces armées en campagne.
Lire la suite : Haïti : des troupes dominicaines pour la sécurité de l’ONU ?
MIAMI, 24 Juin – Retour au pays de Emmanuel Toto Constant, leader du Fraph (Front révolutionnaire armé pour le progrès d’Haïti), un escadron de la mort qui a fait des milliers de morts et de victimes de toutes sortes il y a quelque 26 ans en Haïti.
Emmanuel Constant, plus connu comme Toto Constant, tonton macoute de la pire espèce et un toxicomane réputé a été condamné par contumace lors d’un procès qui a suivi le retour au pays du président Jean-Bertrand Aristide après trois années d’exil aux Etats-Unis où l’avait contraint le coup d’état militaire du 30 septembre 1991.
Est-ce qu’il y a prescription vingt-six ans après l’énoncé du jugement, même pour une condamnation de cette nature (plusieurs dizaines ou centaines de morts à sa charge), toujours est-il que voici Toto Constant qui a débarqué mardi (23 juin 2020) à l’aéroport de Port-au-Prince d’un avion de l’immigration américaine ramenant d’autres compatriotes déportés par les Etats-Unis particulièrement comme immigrants sans papiers.
En d’autre temps, le retour au pays de l’un des individus les plus décriés dans les classes populaires et dans la jeunesse … pour le rôle diabolique qu’il a joué lors des événements dramatiques et sanglants qui ont suivi le coup d’état qui envoya en exil un président qui a été élu lors d’élections avec une participation populaire de plus de 80 pour cent, cela aurait fait accourir tout le peuple haïtien à l’aéroport, mais aujourd’hui seuls quelques journalistes étaient là lorsque Emmanuel Toto Constant a mis pied à terre, menotté certes mais vêtu comme un cadre supérieur et l’air arrogant comme autrefois.
MIAMI, 2 Juillet – Et si les choses venaient à nous dépasser. Et si dans cette course contre la montre entre deux créatures discutables autant l’une que l’autre, eh bien c’est ‘Barbecue’ qui venait à s’imposer sur l’actuel président de la république, Jovenel Moïse.
Personne n’ignore plus qui est Barbecue, pseudonyme de Jimmy Chérizier, un ex-policier qui a pris la tête d’une dizaine de gangs armés qui terrorisent depuis plusieurs années le centre-ville de la capitale haïtienne avec la promesse de faire la paix dans les quartiers qu’ils dominent et d‘y introduire le progrès.
Dans un long reportage bien que critique le journal américain The Miami Herald montre le leader de ce nouveau rassemblement intitulé ‘G9 an fanmi’ (en français ‘G9 et compagnie’) porté en triomphe dans un quartier populaire de la capitale qu’on croit être Grand-Ravine, dans les hauteurs de Martissant (sud de la capitale), tandis que ce nouveau Al Capone haïtien déclare que l’association qu’il préside n’est au service ni du régime au pouvoir (PHTK – Pati Ayisyen Tèt Kale) ni de l’opposition.
A l’entendre : ‘C’est un groupe de jeunes hommes et jeunes femmes qui ont mis leurs ressources en commun. Ici dans le ghetto, nous n’avons jamais été aidés de personne. Dites-moi s’il y a une école professionnelle au Wharf de Jérémie ? Y en a-t-il une à Ti-Bwa ? Y a-t-il un bon hôpital à Cité Soleil ? Ou à Simon Pélé ?’
L’article du Miami Herald se base plutôt sur un nouveau rapport de l’organisation de défense des droits humains RNDDH (réseau national de défense des droits humains) qui décrit les dernières exactions des gangs, en mai écoulé, dans un quartier populaire de Port-au-Prince, le Pont Rouge, avec un bilan de 33 morts et un grand nombre d’atrocités et plusieurs dizaines de maisonnettes incendiées.
Cette fois le commando avait à sa tête, oui Barbecue. Mais qui pis est, opérant sous la protection de pas moins de cinq blindés de la Police nationale d’Haïti (PNH).
En effet s’il nie toute accointance avec le pouvoir, l’ex-policier ne peut plus dire qu’il n’a pas des complicités, et pas n’importe lesquelles, au sein du corps de police dont il est d’ailleurs un retraité.
MIAMI, 11 Juillet – Lequel copie l’autre ? De Trump ou de Jovenel ? En tout cas seul le président haïtien qui ait réussi à ‘déconfiner’ son pays. Du simple fait que ses administrés soient obligés de s’y résigner.
L’aéroport international de Port-au-Prince est ouvert à nouveau au trafic international depuis deux semaines. Les compatriotes qui étaient restés bloqués à l’extérieur à cause de l’épidémie du nouveau coronavirus, s’y bousculent. Le gouvernement haïtien est menacé d’asphyxie économique et avait besoin de cet important apport en taxes.
Pendant que le président américain, de son côté, se casse la tête contre tous les murs de la Maison blanche mais son désir de ‘déconfinement’ fait partout échec, y compris là où cela avait pu commencer (comme dans l’Etat de Floride) mais voici qu’une remontée brutale de l’épidémie force à ‘confiner’ de nouveau. Or c’est un objectif important dans sa campagne en vue de l’obtention d’un second mandat aux présidentielles du 3 novembre prochain.
Faut-il en conclure que Jovenel Moïse a plus de pouvoir que Donald Trump ?
Ne riez pas !
C’est plutôt la différence entre un pays développé et un autre qui vit comme au Moyen Age, et aujourd’hui plus que jamais.
Jovenel Moïse joue sur une vieille carte haïtienne, remontant aux esclaves révoltés de Saint Domingue montant à l’assaut de la citadelle de l’armée d’occupation envoyée par Napoléon Bonaparte en 1802 aux cris de ‘Grenadiers à l’assaut, sa ki mouri zafè a yo’ (La victoire ou la mort !). Et en effet, ils ont gagné.
Mais on ne peut refaire tous les jours ‘1804’ ni vivre éternellement sur des structures moyenâgeuses.
Le président Jovenel Moïse joue l’existence même du peuple haïtien sur un coup de dé tandis que le président Trump le voudrait-il (et il en semble capable) que cela ne lui est pas permis.
Parce que les Etats-Unis c’est un grand pays, ce qui veut dire un pays non seulement développé mais doté de cadres à tous les niveaux et ceux-ci non seulement préparés mais acceptant leurs responsabilités.
Les enfants perdus d’Haïti
MIAMI, 24 Juillet – On apprend qu’une intervention de la police dans la capitale haïtienne pour disperser une activité très courue par la jeunesse pendant l’été et baptisée ‘Car Wash’ a fait un mort. C’est on ne peut plus triste et révoltant quand on ne voit pas pourquoi utiliser des armes meurtrières dans un cas aussi bénin.
Mais quand on va regarder ce qu’il y a derrière ces activités soi-disant distrayantes, on découvre un gouffre de misère morale et de vide existentiel. Ce sont des jeunes qui s’aspergent réciproquement d’eau en se déhanchant sur une musique soi-disant à la mode et baptisée ‘Rabòday’ (qui est déjà un usage abusif de l’appellation d’un vieux rythme dans le monde rural). Et tout cela en pleine rue au centre-ville de la capitale haïtienne. Ils étaient plusieurs centaines le dimanche 19 juillet écoulé quand intervint la police. D’ailleurs celle-ci pour se défendre, dit avoir été reçue à coups de feu sur les lieux. De plus l’activité venait d’être interdite précédemment par la justice, non seulement parce que contrevenant avec les dispositions prises pour combattre l’épidémie de Coronavirus (dernier bilan en Haïti : 154 morts) mais aussi, selon le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, pour son ‘immoralité.’
Toute la chose insinue en effet une sorte de bordel à ciel ouvert avec des filles qui se déhanchent de manière non pas sexy mais sexuelle, lascive.
Mais au-delà de la morale, ce qui choque le plus c’est le désoeuvrement mortel de cette jeunesse et apparemment son insensibilité d’abord aux problèmes qui affectent cruellement en premier lieu ses compatriotes.
Haïti souffre moins du Covid-19, où les dégâts sont jusqu’à présent et proportionnellement moindres qu’ailleurs et contrairement à ce que l’on pouvait craindre vu la faiblesse proverbiale du pays en services médicaux et sanitaires, mais pour le reste tous les voyants sont au rouge : insuffisance alimentaire aigue, maladies contagieuses, espérance de vie etc. En tout et partout nous sommes bons derniers.
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