De 1957 à date, suivez littéralement un pays en chute libre !
PORT-AU-PRINCE, 31 Octobre – Un pays qui est passé des candidats aux présidentielles de 1957, soit le sénateur entrepreneur agronome Louis Déjoie, l'économiste Clément Jumelle, le professeur Daniel Fignolé et le docteur François Duvalier ... à aujourd'hui une cohorte de 54 candidats à la présidence dont aucun n'arrive à se distinguer vraiment de l'ensemble, à sortir la tête de l'eau !
Un pays pourtant qui a inauguré en 1949 à la face du monde entier, et en moins de 4 ans de présidence Estimé, le Bicentenaire de la fondation de sa capitale ou Cité de l'exposition, portant le dictateur du pays voisin, Rafael Trujillo, à décider dès son retour chez lui de la création d'une œuvre de la même envergure, aujourd'hui le Malecón de Santo Domingo riche en hôtels de luxe ...
Qui a vu son président, le général Paul E. Magloire (1950-1956), reçu en grande pompe à la Maison Blanche, avant de faire la couverture du magazine Times, privilège hors du commun.
Qui a réalisé (1970) le barrage hydro-électrique de Péligre, dont le premier client a été notre voisine la République dominicaine ...
Et la Teleco, la première compagnie de téléphonie nationale de cette envergure dans la Caraïbe ; lors de la coupe du monde de football de 1974 à laquelle Haïti participa, c'est la station terrienne de Duvalierville, aujourd'hui de nouveau Cabaret (au nord de Port-au-Prince), qui a desservi en relais de communications toute la région.
Un pays dont le président de la République (1988) a été un professeur en Sorbonne, Leslie Manigat ... et qui finira par élire en 2011 un chanteur spécialiste de la gaudriole même la plus outrancière.
En mal de combat idéologique ...
Que s'est-il passé ?
L'héritage n'a pas été assuré. Loin de là. Les ressources aussi bien économiques que éducatives se réduisant comme une peau de chagrin, alors que par contre la population a plus que doublé, passant de quelque 4,5 millions dans les années 1950 à plus de 10 millions.
Le témoin n'a non seulement pas été transmis mais en mal de combat idéologique, des anciens opposants à la dictature, rentrés au pays en 1986, se sont amusés (oui, proprement amusés) à détruire tous les modèles sociaux, mélangeant tout, en un seul bloc, parce que soi-disant appartenant à un monde patriarcal responsable de tous nos malheurs ... mais cela plus par impuissance de ne pouvoir instaurer un autre modèle.
Primo.
L'immixtion du 'blanc' ...
Secundo, notre plus grand malheur nous vient aussi que les grandes puissances se soient mises à s'intéresser à nous, de trop près.
Quel rôle a pu jouer Washington dans l'élection du président Dumarsais Estimé en 1946 ? Probablement aucun, puisque Estimé, le président qui a conçu le projet de Péligre et de l'irrigation de la Vallée de l'Artibonite - le Barrage d'Assouan haïtien, était vomi par l'élite traditionnelle.
Tout comme le Département d'état américain ne lèvera pas le petit doigt quand le colonel Paul Magloire renversa Estimé en 1950, avant la fin de son mandat et l'envoya mourir tristement dans un hôpital de Harlem, le quartier nègre de New York.
Le règne du nivellement par le bas ...
Mais Duvalier arriva au pouvoir en 1957 et commença la descente aux enfers en avant toute. Toutes les conditions se retrouvent réunies. La corruption, la violence d'Etat et l'exil comme seul programme politique, et trente ans durant ; en même temps que le pays se vide de ses cadres, la population enregistre une croissance démographique sans retenue, et sans les instruments naturels de transmission de l'héritage que sont les nouvelles élites au fur et à mesure issues du peuple pour former les classes moyennes (du moins à la manière américaine).
C'est le règne de ce qu'on appelle le nivellement par le bas.
La dictature Duvalier renversée enfin en 1986, les nouveaux responsables n'arrivent pas à retrouver le secret (le Saint Graal), à rétablir l'équilibre à aucun niveau (économie, population, sécurité etc), se mélangent les pinceaux comme on dit et à force de s'entredéchirer, finissent par sombrer dans l'impuissance. Comme il apparaît ouvertement depuis le deuxième renversement du président Jean-Bertrand Aristide en 2004, nous faisant rater la célébration d'un événement attendu depuis cent ans, le Bicentenaire de notre Indépendance nationale.
Dessalines le Grand ...
Bref, un coup (oui, coup d'état) pour rien puisque pour tout résultat fournissant seulement l'occasion à l'étranger pour remettre ses bottes au pays de Dessalines le Grand.
Car le plus grand mal, oui, et pire que tout ce que nous avons vu auparavant, c'est l'immixtion du 'blanc' dans nos affaires politiques ... Qui plus est, jusqu'ici et de plus en plus, pour assurer ses seuls intérêts.
Or c'est un jeu truqué et injuste. Non seulement nous ne savons de quels intérêts il s'agit mais aujourd'hui que nous sommes pris totalement au piège, que tous nos 54 candidats sont parfaitement convaincus que c'est à prendre ou à laisser, eh bien on ne s'attend toujours pas que le soi-disant international fera un choix – même parmi les plus que 50 - qui corresponde mieux à nos attentes !
Et pourra nous faire retrouver un peu de notre honneur perdu.
Haïti en Marche, 31 Octobre 2015